Question de M. MOULY Georges (Corrèze - RDSE) publiée le 21/12/1996

M. Georges Mouly demande à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation de bien vouloir apporter toutes précisions utiles sur les modalités précises d'application du moratoire touchant les services publics en milieu rural, conscient qu'il est de la nécessité de préparer soigneusement la sortie de ce moratoire. Actuellement, des changements sont apportés pour ce qui concerne par exemple La Poste, la trésorerie, l'éducation, changements qui ne sont pas sans provoquer un fort mécontentement chez les élus locaux.

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Réponse du ministère : Aménagement du territoire publiée le 15/01/1997

Réponse apportée en séance publique le 14/01/1997

M. Georges Mouly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Président de la République
rappelait samedi dernier dans le département dont il fut l'élu, département à dominante rurale, comme vous le savez, le
prix qu'il attachait au maintien du service public à la française.
Point n'est besoin de s'appesantir longuement, me semble-t-il, sur le prix qu'attachent tout particulièrement les élus des
zones rurales au maintien des services publics. En effet, aujourd'hui, quelque 65 % des maires ruraux estiment le service
public tout juste satisfaisant et 26 % le trouvent plutôt insuffisant.
Le moratoire, dans ce contexte, fut une mesure bienvenue et appréciée au point que chacun pût espérer que rien ne serait
modifié avant la sortie dudit moratoire. Effectivement, pendant un certain temps, il en fut ainsi tant et si bien que furent
maintenues par exemple - mais ce n'est qu'un exemple - des classes de quatre ou cinq élèves. Je ne dis pas que c'était une
bonne chose, mais le moratoire était ainsi appliqué.
Certes, j'ai bien conscience que la sortie d'un moratoire se prépare, mais peut-il y être mis fin avant l'élaboration des
schémas départementaux de modernisation et d'amélioration des services publics et des contrats de services passés avec
les organismes gestionnaires des services publics ? A mon sens, théoriquement du moins, la réponse est négative.
Je veux croire en tout cas que chacun a conscience qu'il s'agit bien là d'un aspect décisif - et tel est votre conviction,
monsieur le ministre - de l'aménagement du territoire. En fait, et vous le savez aussi sans doute, les choses ne se passent
pas sur le terrain de façon claire, simple, j'allais dire logique. La réalité est bien plutôt que, alors même que les schémas
départementaux sont en pleine élaboration et plus ou moins avancés selon les départements - certains ne le sont d'ailleurs
pas beaucoup - il est procédé, sans plus attendre, à des modifications importantes que, mis devant le fait accompli, les
élus n'ont plus qu'à prendre en compte, j'allais dire à subir, et je pèse mes mots.
Ce sont des changements parfois importants qui sont décidés : en effet, ici, des recettes de financement sont supprimées
et les postes comptables compteront moins d'agents de catégorie A ; là, les services de La Poste se restructurent
différemment, fortement allais-je dire. Il est d'autres exemples.
Vous le savez sans doute, monsieur le ministre, la déception est grande - en tout cas, je vais la traduire ici - chez les élus
du milieu rural. D'aucuns vont jusqu'à dire et écrire que les communes seront contraintes de payer bientôt pour conserver
certains services publics nationaux. Je leur en laisse la responsabilité, mais tel est le sentiment parfois exprimé.
Il est grand temps de préciser aujourd'hui, et c'est le sens de ma question, les limites du moratoire, puisque, j'en conviens,
tout ne peut être sans doute maintenu en l'état. Il est grand temps aussi de préciser l'articulation entre moratoire et
schémas départementaux de modernisation et d'amélioration des services publics.
En tout cas, monsieur le ministre, il me paraît nécessaire, et je pèse encore une fois mes mots, que rien ne soit modifié,
dans quelque service que ce soit, sans une concertation préalable avec les élus concernés, élus dont nul ne pense qu'ils
sont quantité négligeable.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Monsieur le
sénateur, je connais bien les chiffres que vous avez cités en introduisant votre propos. Ils sont, en effet, le résultat d'une
enquête qui a été présentée le 21 novembre dernier à Nîmes, lors du colloque organisé par le CELAVAR que j'ai
moi-même conclu.
Ces chiffres doivent aussi être interprétés de façon positive : 71 % des maires ruraux jugent en effet les services suffisants.
C'est une majorité considérable. La question que vous soulevez est extrêmement importante, et je souhaite y répondre le
plus complètement possible.
Je vous rejoins, monsieur le sénateur, pour estimer que la présence de services publics de qualité est décisive pour
l'aménagement du territoire, en particulier dans les zones rurales.
En vertu du principe d'égalité d'accès des citoyens aux services publics, le Gouvernement, vous l'avez vous-même
rappelé, a décidé, le 10 mai 1993, un moratoire s'opposant à la suppression de ces services en milieu rural.
Ce moratoire, j'y insiste, est toujours applicable.
Pour éviter tout malentendu, je rappellerai son champ d'application.
Il concerne toutes les communes dont la population agglomérée ne dépasse pas 2 000 habitants. Il vise « tous les services
publics de proximité de l'Etat », comme par exemple l'éducation nationale, et les « entreprises publiques placées sous la
tutelle de l'Etat et chargées d'une mission de service public de proximité », comme La Poste, EDF ou France Télécom.
Il suspend « la fermeture ou la réduction des services publics ainsi que les réorganisations aboutissant à une diminution
significative du service rendu ».
En revanche, les réorganisations internes, qui n'ont pas d'effet sur les services ou les bureaux directement en contact avec
le public ou sur les prestations rendues aux usagers, n'entrent pas dans le champ du moratoire.
Ces règles sont à ma connaissance respectées. Lorsque ce n'est pas le cas, je demande instamment à l'ensemble des élus
de m'en faire part.
Toutefois, ce moratoire ne saurait, sous peine d'entraîner des blocages préjudiciables à la qualité du service rendu aux
usagers, durer indéfiniment.
Je m'emploie donc actuellement à ce que des règles claires, préalable indispensable à sa levée, soient fixées.
A cet égard, la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995 a institué une
double procédure comprenant : d'une part, des schémas départementaux d'organisation et d'amélioration des services
publics soumis à l'avis de commissions départementales ad hoc ; d'autre part, des contrats de services publics conclus
entre l'Etat et les organismes chargés d'un service public.
Les commissions départementales sont désormais toutes installées et elles ont plus que commencé leurs travaux. Ainsi que
le prévoit la loi d'orientation, elles sont composées de manière large. Je sais, monsieur le sénateur, que vous participez
vous-même activement à celle de la Corrèze.
Quant aux contrats de services publics, le décret d'application de l'article 29 de la loi du 4 février 1995 est actuellement
soumis à la concertation interministérielle et pourra être publié dans les premiers mois de l'année 1997.
Aux termes de ce décret, toute décision de réorganisation ou de restructuration d'un service aux usagers qui ne serait pas
conforme aux objectifs fixés dans les contrats de services publics devra être précédée d'une étude d'impact permettant de
définir les mesures de compensation à mettre en place.
La commune du lieu d'implantation du service aura alors la possibilité d'émettre un avis, de même que toute commune ou
groupement de communes concerné qui en ferait la demande.
Enfin, la décision de réorganisation sera soumise à l'autorisation du préfet ou du ministre de tutelle.
Vous pouvez donc être assuré, monsieur Mouly, de ma totale détermination, d'une part, à faire respecter le moratoire et,
d'autre part, à garantir le principe d'égalité d'accès au service public sur l'ensemble du territoire.
J'ajouterai qu'il s'agit d'un combat permanent.
Ainsi, cet après-midi, je reçois le gouverneur de la Banque de France, qui doit me parler de l'éventuelle suppression, par
cette dernière, de ses succursales dans plusieurs départements. Je peux vous dire dès maintenant l'accueil que je vais lui
réserver : je suis opposé à la fermeture de toute succursale.
On va m'opposer - le ministre des finances en tête, qui m'a déjà entretenu du sujet en conseil des ministres - le coût et la
nécessaire rigueur budégaire. Et là, le soutien des élus, en particulier des membres de la Haute Assemblée, m'est
nécessaire.
Ce n'est pas la première tentative à laquelle j'ai à faire face. J'ai déjà pu en repousser une. En voici une seconde : vous le
voyez, il me faut être constamment sur la brèche.
En tout cas, monsieur Mouly, vous pouvez compter sur ma détermination à dire ce que je pense. (Applaudissements sur
les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Georges Mouly. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Mouly.
M. Georges Mouly. Je vous remercie vivement, monsieur le ministre, pour votre réponse détaillée et circonstanciée :
vous manifestez une fois de plus - cela n'étonne personne ici ! - votre volonté d'orienter les choses dans le bon sens.
Toutefois, permettez-moi de formuler quelques remarques.
Ainsi, vous dites que 71 % des maires sont satisfaits. Mais ces maires sont satisfaits de l'état actuel des choses, peut-être
le seront-ils moins si la situation évolue défavorablement.
Vous avez rappelé les différents points du moratoire. Il est question, avez-vous dit, de réorganisation et de changements
significatifs. C'est vrai, mais quand un changement commence-t-il à être significatif ?
Lors de la dernière commission départementale à laquelle j'ai assisté, nous avons consacré le tiers de notre temps à
entendre le directeur de La Poste et celui des services fiscaux évoquer ce qui sera entrepris, ce qui sera modifié. Certes,
le problème n'est pas facile à régler et, vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, nous devons mener un combat
permanent à tous les niveaux.
Permettez-moi, en conclusion, de reprendre la suggestion que j'ai formulée tout à l'heure : il serait nécessaire que les élus
soient informés chaque fois que les services de La poste ou les services fiscaux, par exemple, procèdent à des
changements.
J'ai insisté, dans mon département, à propos de La Poste, en particulier, pour qu'au cours de réunions rassemblant le
directeur de La Poste, les conseillers généraux, les maires concernés soient présentées les modifications qui doivent
intervenir.
De telles réunions sont souvent très bénéfiques ; elles permettent d'aboutir à des solutions.
Au moins les élus, qui sont tous de bonne volonté, comme vous le savez, comprennent alors que l'on puisse envisager des
modifications sans attendre la fin ou la sortie du moratoire.
De grâce, monsieur le ministre, faites passer la consigne pour que les élus soient informés, au lieu d'être considérés
comme quantité négligeable !
En tout cas, je vous sais gré de la bonne volonté que vous manifestez en la matière.

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