Question de M. ABOUT Nicolas (Yvelines - RI) publiée le 28/11/1996

M. Nicolas About attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur le dossier, en attente, de la création d'un tribunal pénal international permanent. Le Parlement européen a voté à l'unanimité une résolution demandant au conseil, à la commission et aux Etats membres de l'Union européenne de mettre tout en oeuvre afin que les recommandations du comité préparatoire sur la question devienne la position de l'Union européenne et que l'assemblée générale des Nations Unies se prononce en ce sens. La création de ce tribunal pénal international permanent est un projet aussi vieux que l'ONU qui n'a jamais vu le jour. Bloqué pendant la Guerre froide, il pourrait voir le jour en cette fin de siècle tant la nature des conflits contemporains exige que la Communauté internationale se penche sur la prévention des crises et des conflits qui affectent surtout les populations civiles. La création d'un tel tribunal, dont l'action serait permanente, contribuerait de manière significative à cette " diplomatie préventive ", inscrite dans l'agenda pour la paix du secrétaire général des Nations Unies. Faire en sorte qu'aucun crime et autre acte barbare ne reste impuni tel est l'objectif de ce tribunal. Les exemples récents du Rwanda et de la Bosnie nous montrent l'urgence qu'il y a de doter la communauté internationale d'un instrument juridique jugeant et condamnant les crimes contre l'humanité. Il lui demande ce que le Gouvernement entend faire pour accélerer la création du tribunal pénal international permanent. L'honneur du Gouvernement français lui impose de clarifier sa position sur la nécessité de fixer la conférence diplomatique plénipotentiaire instituant le tribunal à décembre 1998 et de prolonger le mandat du comité préparatoire afin de ne pas voir une fois de plus la date de cette création repoussée. Il lui demande enfin ce qu'il entend faire pour accorder à l'IFOR les autorisations nécessaires en vue de l'arrestation des personnes recherchées par le tribunal de La Haye. Paris et les autres pays garants de la paix en Bosnie ne peuvent prétendre oeuvrer à la réconciliation des peuples si les criminels restent impunis. N'avons-nous pas assez payé en vies humaines et en moyens financiers notre présence en Bosnie pour que nous fassions preuve, à nouveau, de faiblesse et d'aveuglement.

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Réponse du ministère : Affaires étrangères publiée le 26/12/1996

Réponse. - Ainsi que le souligne l'honorable parlementaire, les travaux en vue de la création d'une cour criminelle internationale ont repris aux Nations Unies à partir de l'année 1990. Cette question est au centre des préoccupations de la politique extérieure de la France. Nous sommes déjà largement à l'origine de la création des deux tribunaux internationaux ad hoc, pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda, dont l'expérience sera riche d'enseignements pour la future juridiction internationale de nature permanente. La France et ses partenaires européens jouent un rôle actif dans les travaux du comité préparatoire convoqué sous l'égide des Nations Unies pour préparer le statut de la cour criminelle internationale ; le comité est présidé par M. Adrian Bos, des Pays-Bas. L'entreprise est ambitieuse. Toutes les questions juridiques et politiques qu'elle soulève méritent un examen approfondi, car nous n'aurons pas la possibilité de revenir sur ces questions : une fois créée, la nouvelle juridiction devra résister à l'épreuve du temps. La France n'a pas en ce domaine d'objectifs inavoués. Nous continuons à plaider pour la mise en place d'une institution efficace, crédible et universelle. C'est dans cet esprit que nous avons soumis au comité préparatoire un ensemble de propositions prenant la forme d'un statut complet. Sur la base du document initial de la commission du droit international, point de départ utile mais incomplet, de notre projet et des nombreuses propositions déjà déposées par les pays anglo-saxons, le président du comité a présenté à l'assemblée générale des Nations Unies un rapport de qualité, qui permettra d'aller de l'avant dans les prochains mois. Les propositions françaises visent notamment à préciser la compétence matérielle de la cour : notre idée de la limiter à un noyau dur de crimes particulièrement odieux (génocides, crimes contre l'humanité...), généralement acceptée aujourd'hui, n'allait pas de soi. En vertu de certaines propositions, la cour aurait été compétente pour juger de toute une série de crimes, relatifs par exemple au trafic de stupéfiants, et cet amalgame aurait pu nuire d'emblée à sa crédibilité. Le projet français s'attache également à entourer le travail de la cour de toutes les garanties d'efficacité et d'équité, en s'inspirant de notre tradition juridique propre : le droit romano-germanique permet par exemple de répondre au cas de criminels se soustrayant volontairement à la justice, en offrant la possibilité d'un premier jugement in absentia. Les propositions de la France sont souvent novatrices (responsabilité pénale des personnes morales ayant incité au massacre ; saisine du Conseil de sécurité en cas de manquement par les Etats à leur obligation de coopération). Il fallait présenter de telles idées dès maintenant, afin que le comité préparatoire ait la possibilité de les examiner pendant ses trois sessions prévues en 1997, en vue d'aboutir à un texte complet et détaillé. Enfin, notre pays s'efforcera d'encourager la plus large participation aux travaux du comité, afin que la future cour soit acceptée par le plus grand nombre d'Etats. Nous continuerons à participer aux travaux, en vue de la conférence diplomatique qui se tiendra en principe en 1998. La France a soutenu sans ambiguité le projet de résolution présenté sur ce point à la 51e assemblée générale des Nations Unies. S'agissant de l'action du tribunal pénal pour l'ex-Yougoslavie, la France a le souci de faire en sorte que tous les pays concernés lui apportent coopération et assistance. En sa qualité de membre du groupe international de contact sur l'ex-Yougoslavie et du comité directeur de mise en oeuvre des accords de paix, notre pays a un rôle à jouer à cet égard et assume pleinement ses responsabilités. Lors de la récente conférence de Paris, l'impératif d'une remise immédiate des inculpés au tribunal a été réaffirmé. Nous poursuivons également avec le nouveau procureur, Mme Arbour, un dialogue et une coopération étroits. La France s'est enfin prononcée aux Nations Unies pour que le tribunal obtienne des moyens lui permettant d'accomplir sa tâche dans des conditions viables. ; l'ex-Yougoslavie et du comité directeur de mise en oeuvre des accords de paix, notre pays a un rôle à jouer à cet égard et assume pleinement ses responsabilités. Lors de la récente conférence de Paris, l'impératif d'une remise immédiate des inculpés au tribunal a été réaffirmé. Nous poursuivons également avec le nouveau procureur, Mme Arbour, un dialogue et une coopération étroits. La France s'est enfin prononcée aux Nations Unies pour que le tribunal obtienne des moyens lui permettant d'accomplir sa tâche dans des conditions viables.

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