Question de Mme BERGÉ-LAVIGNE Maryse (Haute-Garonne - SOC) publiée le 22/11/1996

Question posée en séance publique le 21/11/1996

M. le président. La parole est à Mme Bergé-Lavigne. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
Mme Maryse Bergé-Lavigne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Thomson, « cela vaut
un franc symbolique après recapitalisation parce que, dans l'état actuel des choses, cela ne vaut rien ». Ces paroles que le
Premier ministre a prononcées un soir sur France 3 sont allées, vous l'imaginez, droit au coeur des milliers de salariés de
l'entreprise, des élus des villes où sont implantées des unités Thomson et de la communauté nationale tout entière.
Monsieur le ministre, Thomson, c'est le troisième groupe mondial et le premier groupe européen en électronique
professionnelle et militaire.
Thomson, c'est 22 % de parts de marché aux Etats-Unis. C'est le quatrième groupe mondial après deux groupes japonais
et Philips.
Thomson, c'est le premier groupe mondial en télévision numérique, la télévision de demain, avec 50 % de parts du marché
mondial. C'est 50 milliards de francs d'investissement en recherche et développement, avec l'aide européenne et française.
Thomson, c'est l'un des leaders du multimédia de demain, qui fusionne la télévision, l'ordinateur et Internet sur un seul
écran. C'est 2 milliards de francs de redevances sur brevets que doit récupérer Thomson Multimédia, conformément à
l'accord conclu avec General Electric.
Thomson c'est, au total, une entreprise « mécaniquement rentable », selon son propre président-directeur général, et non
la situation de sinistre économique que vous avez annoncée.
Or c'est cette entreprise nationale que vous décidez de privatiser dans les pires conditions.
D'abord, en recapitalisant avant de vendre pour un franc symbolique. Fait original : le vendeur paie pour l'acheteur.
Ensuite, en démantelant le groupe malgré les promesses du Président de la République de vendre Thomson « à un groupe
français, en un seul bloc et sans démantèlement ».
Enfin, en menant le processus de privatisation dans l'opacité la plus totale, de gré à gré, à deux ou trois personnes, en
dehors de la représentation parlementaire et, surtout, des salariés, à un point tel que le comité européen d'entreprise de
Thomson Multimédia a déposé un recours devant la Cour de justice des Communautés européennes sur les
conséquences de la privatisation éventuelle de l'entreprise.
Monsieur le ministre, la privatisation de Thomson, cela ne passe pas, personne n'en veut...
Plusieurs sénateurs du RPR. La question !
Mme Maryse Bergé-Lavigne. ... ni les salariés, qui ont manifesté massivement hier, ni l'opinion publique qui, à 72 %,
se déclare choquée par les conditions financières de cette privatisation, ni les élus des communes, des régions...
Plusieurs sénateurs du RPR et de l'Union centriste. La question !
M. le président. Posez votre question, madame Bergé-Lavigne !
Mme Maryse Bergé-Lavigne. ... où sont implantées des usines Thomson, et qui, à l'exemple du conseil régional de
Haute-Normandie, votent des motions demandant l'arrêt immédiat du processus de privatisation du groupe.
Monsieur le ministre, ma question est précise. (Ah ! sur les travées du RPR et de l'Union centriste.) Comme cela a été
fait pour le groupe CIC, et nous nous en réjouissons, êtes-vous prêt à suspendre la privatisation de Thomson ? (Très bien
! et applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)

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Réponse du ministère : Industrie publiée le 22/11/1996

Réponse apportée en séance publique le 21/11/1996

M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Franck Borotra, ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications. Madame le sénateur, à la
question que vous venez de poser, la réponse est « non ». (Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pour l'instant !
M. Franck Borotra, ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications. La réponse est « non » parce
que la voie de la privatisation est une nécessité pour sauver l'entreprise.
M. Gérard Roujas. La vôtre !
M. André Rouvière. Ce n'est pas acquis !
M. Franck Borotra, ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications. Vous avez parlé de Thomson
Multimédia en pratiquant l'amalgame entre les entreprises qui constituaient un groupe, c'est-à-dire, en fait, SGS-Thomson,
Thomson Multimédia et Thomson-CSF. Vous avez cité le président de Thomson Multimédia qui disait que cette
entreprise était « mécaniquement rentable ». Je vous répondrai simplement que c'est mécaniquement rentable et
économiquement déficitaire. (Exclamations sur les travées socialistes.)
Sachez que je suis de ceux qui reconnaissent la valeur et le travail des personnels qui se trouvent à l'intérieur de l'ensemble
des entreprises Thomson. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Je vais vous le prouver, en particulier en vous indiquant les raisons pour lesquelles, économiquement, il faut apporter une
solution.
M. Gérard Roujas. Vous êtes content !
M. Franck Borotra, ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications. Je connais mieux les entreprises
que vous ; j'y ai passé trente ans de ma vie et je les ai dirigées, ce qui n'est pas votre cas ! (Applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE. - Protestations sur les travées socialistes.)
Madame le sénateur, Thomson SA, c'est 27 milliards de francs de dettes à la fin de l'année ! C'est une entreprise qui a
des fonds propres négatifs ! En 1995, elle affichait un résultat net consolidé de plusieurs milliards de francs de pertes et un
résultat net parts de groupes de plusieurs milliards de francs de pertes.
M. Gérard Roujas. Vous le croyez ?
M. Franck Borotra, ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications. Oui, car je connais ce dossier !
Vous ne savez pas lire les bilans ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Protestations sur les travées socialistes.)
L'entreprise Thomson Multimédia affichera, quant à elle, à la fin de l'année, 17 milliards de francs de dettes.
M. Paul Raoult. Et le déficit !
M. Franck Borotra, ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications. Sur le premier semestre de
1996, elle a accumulé plusieurs milliards de francs de pertes. C'est une entreprise qui, elle aussi, a des fonds propres nuls.
J'ajoute qu'elle est présente sur un marché qui est très concurrencé et où les prix connaissent une baisse considérable.
En 1995, sur le marché des télévisions, l'entreprise a subi une baisse de 5 % en volume et de 6 % en prix aux Etats-Unis,
contre 1 % en volume et 1 % en prix en Europe, ce qui a bien évidemment pour conséquence d'affaiblir l'entreprise face
aux obligations qui sont les siennes de trouver les capitaux de son développement, d'entrer dans un marché en croissance
où elle n'est pas présente - le marché asiatique - et de valoriser au mieux les atouts de nature technologique, qui sont
importants. Je vous rappellerai simplement que le numérique représente 5 % du chiffre d'affaires de Thomson Multimédia.
Il s'agit de permettre à cette entreprise de maîtriser ses coûts de revient pour rester compétitive sur ces marchés.
M. Paul Raoult. Et l'Europe industrielle !
M. Franck Borotra, ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications. Pour que l'entreprise ait les
moyens de sa croissance, il faudra mettre en jeu des dizaines de milliards de francs. C'est la raison pour laquelle il faut
s'engager dans la privatisation. En effet, ce que l'Etat n'a pas fait hier, alors que vous étiez au pouvoir, il n'est pas en état
de le faire aujourd'hui ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Vives protestations sur les travées socialistes.)
M. Paul Raoult. C'est scandaleux !

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