Question de M. RICHERT Philippe (Bas-Rhin - UC) publiée le 31/10/1996

M. Philippe Richert appelle l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur le projet de création d'un tribunal pénal international permanent. Le Conseil de l'Europe a en effet récemment adopté une résolution visant à l'instauration d'une telle juridiction afin de juger les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité, sur la base des tribunaux internationaux qui ont été institués pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda. Ce projet fait notamment suite aux travaux réalisés sur le sujet par un comité préparatoire mis en place lors de la cinquantième session de l'assemblée générale des Nations Unies. La création d'un tribunal pénal international permanent semble toutefois susciter des oppositions de la part d'un certain nombre de pays, et en particulier de la France, qui a présenté une contre-proposition. Or, face à la multiplication des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité perpétrés dans le monde et qui restent impunis, l'institution de cette juridiction paraît souhaitable. Il désirerait connaître sa position sur la question et les suites qu'il entend y réserver.

- page 2807


Réponse du ministère : Affaires étrangères publiée le 26/12/1996

Réponse. - Ainsi que le sait l'honorable parlementaire, la France a été largement à l'origine de la création des deux juridictions internationales ad hoc créées pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda. Dans le même esprit, notre pays joue un rôle actif dans les travaux du comité préparatoire convoqué sous l'égide des Nations unies pour examiner la question de la création d'une Cour criminelle internationale, qui s'est réuni à New York à deux reprises en 1996. Conformément au mandat du comité préparatoire, la France a tenu à faire connaître avec précision aux autres Etats ses vues sur cette idée ambitieuse à laquelle elle a souscrit dès le départ, mais qui soulève d'importantes questions juridiques et politiques : ses effets juridiques et ses implications politiques doivent donc être étudiées de manière approfondie. Nous avons présenté un ensemble de propositions prenant la forme d'un statut complet, qui constitue désormais un document de travail du comité préparatoire, à l'instar des nombreuses propositions présentées par nos partenaires anglo-saxons. La France a ainsi souhaité appeler l'attention sur des questions essentielles telles que la définition des crimes dont la future Cour aura à connaître - puisque celle-ci devra juger des actes particulièrement graves, qui révoltent la conscience de l'humanité - et l'articulation entre compétence de la Cour internationale et rôle des juridictions nationales. Ce souci de limiter la compétence de la Cour à un " noyau dur " de crimes odieux correspond à la conception exprimée par le Conseil de l'Europe. Notre projet s'attache également à défendre les spécificités du droit romanogermanique dans un domaine, celui du droit pénal international, où les conceptions anglo-saxonnes ont jusqu'à présent tendance à prédominer et n'apprortent pas toutes les réponses. Il permettra à nos yeux d'entourer le travail de la future juridiction de toutes les garanties de procédure lui permettant de rendre la justice de manière équitable et efficace, par exemple en lui ouvrant la possibilité de rendre un premier jugement contre des individus se soustrayant volontairement à l'action du tribunal (jusqu'à ce que ces personnes soient appréhendées et traduites devant la Cour). Certaines de nos propositions (responsabilité pénale des personnes morales, organisations ou partis ayant incité au massacre) ne correspondent pas aux traditions juridiques d'autre pays. Il n'était pas envisageable pour autant d'éluder le débat puisqu'il s'agit ici d'établir une institution qui devra résister à l'épreuve du temps. Sur la base de nos propositions et des autres documents de travail, le président du comité préparatoire, M. Adrian Bos, des Pays-Bas, a pu présenter à l'Assemblée générale des Nations unies un rapport de qualité. Des négociations pour l'élaboration d'un langage de synthèse reprendront en février 1997. La 51e Assemblée générale des Nations unies va se prononcer sur la poursuite des travaux du Comité préparatoire et sur la possibilité de convoquer une conférence diplomatique en 1998. La France soutient le principe de la convocation, dès 1998, d'une conférence diplomatique ayant mandat de faire aboutir le projet de convention. Elle entend poursuivre activement sa participation à toute la réflexion menée en vue de la mise en place d'une cour efficace et universelle.

- page 3485

Page mise à jour le