Question de M. GRUILLOT Georges (Doubs - RPR) publiée le 04/07/1996

M. Georges Gruillot appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'interprétation qu'il réserve à la décision prise par la Cour de justice européenne à l'encontre d'un jugement rendu par la justice française, sous prétexte d'un manque d'impartialité d'un membre du jury. Il le remercie de bien vouloir lui faire connaître les termes de son analyse.

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Réponse du ministère : Justice publiée le 29/08/1996

Réponse. - Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que le 23 avril 1996, la Cour européenne des droits de l'homme a rendu un arrêt dans l'affaire opposant M. Saïd Remli à la France, concluant, par cinq voix contre quatre, à la violation de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce que le requérant n'aurait pas bénéficié du droit à un procès devant une juridiction impartiale. Les faits peuvent être brièvement résumés de la manière suivante : le 16 avril 1985, au cours d'une tentative d'évasion d'une maison d'arrêt, M. Remli, ressortissant français d'origine algérienne, et un codétenu, assommaient un surveillant pénitentiaire qui devait décéder plus tard des suites de ses blessures. A l'issue de l'information judiciaire ouverte à la suite de ces faits, les deux hommes furent renvoyés devant la cour d'assises du Rhône. Au cours des débats devant la cour d'assises, qui se déroulèrent du 12 au 14 avril 1989, les avocats de M. Remli déposèrent des conclusions afin qu'il leur soit donné acte de propos racistes qu'aurait tenus le 12 avril l'un des jurés, propos entendus par une tierce personne. Ce juré aurait déclaré : " En plus, je suis raciste. " La cour d'assises rejeta la demande des avocats de M. Remli. Ce dernier fut condamné le 14 avril 1989 à la réclusion criminelle à perpétuité. Il forma un pourvoi en cassation qui fut rejeté le 22 novembre 1989. M. Remli a introduit, le 16 mai 1990, une requête devant la Commission européenne des droits de l'homme qui, dans son rapport adopté le 30 novembre 1994, a conclu à la violation de l'article 6, paragraphe 1, de la convention. La Cour européenne des droits de l'homme a été saisie de ce rapport de violation. Devant la cour, le gouvernement français a soulevé plusieurs exceptions d'irrecevabilité et, sur le fond, a fait valoir que l'attestation produite par les avocats pour rapporter la preuve des propos racistes du juré manquait de sérieux et n'était pas suffisamment étayée pour constituer un élément de nature à faire douter objectivement de l'impartialité de la cour d'assises. La Cour européenne a estimé, pour sa part, que la cour d'assises du Rhône avait rejeté la requête présentée par les avocats du requérant sans examiner l'élément de preuve présenté et sans ordonner elle-même une enquête pour procéder aux vérifications nécessaires, alors qu'elle en avait la possibilité. Or, selon la cour, l'article 6, paragraphe 1, de la Convention implique " pour toute juridiction nationale l'obligation de vérifier si, par sa composition, elle constitue "un tribunal impartial" au sens de cette disposition lorsque, comme en l'espèce, surgit sur ce point une contestation qui n'apparaît pas manifestement dépourvue de sérieux ". La Cour européenne des droits de l'homme a considéré qu'en l'absence de cette vérification, il y avait eu violation de l'article 6, paragraphe 1, de la convention. La demande de M. Remli au titre de son préjudice moral a été rejetée ; ses demandes de révision du procès et de commutation de peine ont également été écartées comme n'entrant pas dans les pouvoirs de la Cour européenne des droits de l'homme. Seuls ses frais et dépens seront couverts. Il convient de souligner que cette décision a été prise par la cour à une très faible majorité. Plusieurs opinions dissidentes, dont celle du juge français, M. Pettiti, ont été publiées. Ce dernier insiste particulièrement sur la faiblesse des moyens de preuve rapportés par les avocats du requérant. En tout état de cause, l'arrêt Remli n'est pas un arrêt de principe susceptible de remettre en cause la procédure criminelle française. Il s'agit d'un cas d'espèce ; la motivation de la cour s'attache très étroitement aux circonstances de la cause et ne porte pas en germe une critique globale du fonctionnement des cours d'assises françaises. Tout au plus cet arrêt invite-t-il les présidents des cours d'assises et les représentants du ministère public à faire preuve d'une grande prudence lorsque les avocats des accusés déposent une demande tendant à obtenir qu'il soit donné acte de faits de nature à mettre en cause l'impartialité de la juridiction. ; remettre en cause la procédure criminelle française. Il s'agit d'un cas d'espèce ; la motivation de la cour s'attache très étroitement aux circonstances de la cause et ne porte pas en germe une critique globale du fonctionnement des cours d'assises françaises. Tout au plus cet arrêt invite-t-il les présidents des cours d'assises et les représentants du ministère public à faire preuve d'une grande prudence lorsque les avocats des accusés déposent une demande tendant à obtenir qu'il soit donné acte de faits de nature à mettre en cause l'impartialité de la juridiction.

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