Question de M. ABOUT Nicolas (Yvelines - RI) publiée le 20/06/1996

M. Nicolas About attire l'attention de M. le ministre de la défense sur les conséquences de l'accord sur la mise à disposition des moyens opérationnels de l'organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) à l'Union de l'Europe occidentale (UEO), conclu lors du conseil de Berlin. La France, qui va rejoindre les organes militaires de l'OTAN, semble avoir abandonné le projet d'une défense européenne indépendante. On s'est réjoui de la reconnaissance par les Américains du pilier européen au sein de l'OTAN mais il faut avoir le courage de dire qu'elle s'effectue en contrepartie de la mise en place d'une tutelle américaine qui va restreindre l'autonomie politique des Européens. On salue l'accord intervenu sur les groupes Forces interarmées multinationales (GFIM) mais il faut rappeler que ce concept date de janvier 1994, il aura donc fallu attendre deux ans et demi pour que les Américains nous donnent leur consentement . Combien de temps faudra-t-il attendre pour voir les GFIM se concrétiser sur le terrain ? L'attitude de Washington sur ce dossier témoigne de leur vision de la défense européenne : oui à l'idée (avant tout pour attirer la France) mais non à l'émancipation politique des Européens. Cette ambiguïté repose en fait sur la crainte des Américains de voir se constituer une Europe de la défense indépendante politiquement et technologiquement. L'enjeu principal de ce projet politique, c'est en fait la sauvegarde d'un pôle industriel européen d'armement, garant de notre indépendance. Quarante années d'intégration atlantiste ont entraîné de fâcheuses conséquences sur les politiques nationales de défense chez certains partenaires européens, au point qu'en matière d'achats des armements, la préférence européenne reste une illusion. L'UEO, sous tutelle américaine via l'OTAN, c'est à terme la mort du projet de l'agence européenne de l'armement et la fin de notre indépendance technologique. Il lui demande ce que le Gouvernement entend faire pour protéger l'industrie européenne d'armement et promouvoir l'agence européenne d'armement, toujours en attente de volonté politique. Comment envisage-t-il la défense de l'indépendance technologique des armées européennes, avec un pilier européen mis sous tutelle OTAN ? Enfin, il demande si le Gouvernement à l'intention d'organiser un débat au Parlement concernant l'avenir de la défense européenne et la redéfinition des liens transatlantiques, au regard des nouvelles orientations de la politique étrangère française.

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Réponse du ministère : Défense publiée le 08/08/1996

Réponse. - Les différents points soulevés par l'honorable parlementaire appellent les remarques suivantes : 1o Les membres de l'organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) ont reconnu que les décisions arrêtées lors du Conseil atlantique de Berlin constituent un succès pour l'identité européenne de défense. Les pays appartenant à l'Union de l'Europe Occidentale (UEO) pourront dorénavant s'appuyer, lors d'opérations menées pour le compte de l'Union européenne, soit sur des moyens nationaux, soit sur des moyens multinationaux fournis par les nations de l'UEO, soit enfin sur des moyens réunis dans l'Alliance atlantique. La question de l'autonomie politique des pays européens ne se pose donc que dans le cas particulier où ceux-ci auraient besoin de l'Alliance atlantique pour mener à bien une opération. Dans ce cadre, même si l'aval du Conseil atlantique reste nécessaire, l'UEO assurerait néanmoins la direction politique de l'opération. De plus, les autorités militaires de l'OTAN, et en particulier le SACEUR américain (Commandant suprême des forces alliées en Europe), garantiraient le soutien des moyens mis à la disposition de l'UEO. Ainsi, les principes adoptés à Berlin permettent d'une part, l'identification des moyens militaires et de commandement mis à disposition des Européens, et d'autre part, l'élaboration d'arrangements de commandement européen lors d'opérations menées sous la direction stratégique de l'UEO. Il faut souligner que les orientations prises à Berlin n'ont pas d'incidences particulières sur le domaine de l'armement dans la mesure où la recherche de " l'interopérabilité " des matériels demeure une constante au sein de l'Alliance atlantique. 2o Les enjeux d'une politique européenne d'armement relèvent d'une double dimension : stratégique et opérationnelle, car cette politique représente une composante essentielle de la politique étrangère et de sécurité commune. Elle contribue aussi à l'affirmation d'une politique de défense commune ; industrielle, dans la mesure où cette politique demeure l'unique solution permettant à l'industrie européenne d'armement, fragmentée et soumise à des contraintes budgétaires de plus en plus fortes, de faire face à la concurrence internationale. De plus, la dimension européenne peut permettre à la France de concilier autonomie d'approvisionnement pour nos armements et maîtrise des coûts. La politique européenne d'armement fait l'objet d'une étroite concertationn franco-allemande aboutissant à la définition d'une série d'objectifs et d'initiatives envisageables à court terme. Ces objectifs sont les suivants : garantir l'autonomie militaire et diplomatique des pays européens ; définir les conditions et les mesures à prendre afin de favoriser la rationalisation budgétaire. L'organisation et le maintien d'une base industrielle et technologique de défense compétitive en Europe permettront aux pays européens participants d'y avoir librement accès ; harmoniser les besoins opérationnels et les intégrer dans une recherche du meilleur rapport coût/efficacité. Dans ce cadre, les directions de programme, les moyens d'essais et les centres d'expertises doivent être rapprochés ; favoriser enfin un choix européen en matière de production et d'acquisition de biens essentiels pour les forces armées des Etats membres. L'Union européenne devrait jouer un rôle croissant dans le domaine de l'armement, ce qui nécessite une meilleure définition des règles et des compétences des institutions. Les règles communautaires en vigueur devraient s'appliquer aux biens qui ne sont pas des biens d'armement ainsi qu'aux biens à double usage, non conçus ou modifiés pour usage militaire. Les biens d'armement doivent continuer de relever du régime particulier de l'article 223 du Traité instituant la Communauté européenne. Il est cependant souhaitable de parvenir entre Etats membres de l'Union européenne à une application raisonnée et constructive de cet article. Cette démarche pourrait faire l'objet, dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), d'une position commune concernant l'acquisition des biens d'armement. Il s'agirait de convenir de règles tenant compte des spécificités du marché de l'armement et de la nécessité de réserver un traitement particulier aux biens indispensables à la préservation en Europe d'une base industrielle et technologique de défense compétitive. Le développement des échanges intra-communautaires et des exportations d'armement des Etats membres de l'Union vers des pays tiers doivent également faire l'objet de dispositions prises dans le cadre de la PESC. 3o Si l'Union européenne, en liaison avec l'UEO et le Groupe Armement de l'Europe Occidentale (GAEO), peut fournir un cadre général pour une politique européenne d'armement, il est cependant nécessaire de progresser plus avant à travers une coopération renforcée entre les Etats les plus directement intéressés. La structure franco-allemande d'armement a été conçue dans cet esprit comme préfiguration d'une future Agence d'armement européenne. Son échelon précurseur a été mis en place, au début de cette année, à Bonn. La structure devrait être constituée à l'automne. Elle vise notamment à rationaliser les organisations de programme bilatérales existantes, à intégrer les programmes bilatéraux futurs et à favoriser des activités communes dans le domaine de la recherche et de la technologie. La France et l'Allemagne sont prêtes à accueillir d'autres partenaires qui partagent des projets concrets et la même vision de la création en Europe d'une base industrielle et technologique de défense capable de faire face à la concurrence. Cela suppose, en particulier, l'adhésion aux principes touchant à la coopération en matière d'armement établis au Sommet de Baden-Baden du 7 décembre 1995. Les candidatures britannique et italienne sont, à la lumière de ces critères, examinées. La France et l'Allemagne inscrivent résolument leur structure de coopération dans une perspective européenne. Cette initiative bilatérale constitue une démarche pragmatique qui doit, à court terme, conduire à des résultats utilisables. Elle s'entend comme une phase de transition devant conduire à une structure disposant d'une personnalité juridique dans le cadre de l'UEO. ; qui ne sont pas des biens d'armement ainsi qu'aux biens à double usage, non conçus ou modifiés pour usage militaire. Les biens d'armement doivent continuer de relever du régime particulier de l'article 223 du Traité instituant la Communauté européenne. Il est cependant souhaitable de parvenir entre Etats membres de l'Union européenne à une application raisonnée et constructive de cet article. Cette démarche pourrait faire l'objet, dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), d'une position commune concernant l'acquisition des biens d'armement. Il s'agirait de convenir de règles tenant compte des spécificités du marché de l'armement et de la nécessité de réserver un traitement particulier aux biens indispensables à la préservation en Europe d'une base industrielle et technologique de défense compétitive. Le développement des échanges intra-communautaires et des exportations d'armement des Etats membres de l'Union vers des pays tiers doivent également faire l'objet de dispositions prises dans le cadre de la PESC. 3o Si l'Union européenne, en liaison avec l'UEO et le Groupe Armement de l'Europe Occidentale (GAEO), peut fournir un cadre général pour une politique européenne d'armement, il est cependant nécessaire de progresser plus avant à travers une coopération renforcée entre les Etats les plus directement intéressés. La structure franco-allemande d'armement a été conçue dans cet esprit comme préfiguration d'une future Agence d'armement européenne. Son échelon précurseur a été mis en place, au début de cette année, à Bonn. La structure devrait être constituée à l'automne. Elle vise notamment à rationaliser les organisations de programme bilatérales existantes, à intégrer les programmes bilatéraux futurs et à favoriser des activités communes dans le domaine de la recherche et de la technologie. La France et l'Allemagne sont prêtes à accueillir d'autres partenaires qui partagent des projets concrets et la même vision de la création en Europe d'une base industrielle et technologique de défense capable de faire face à la concurrence. Cela suppose, en particulier, l'adhésion aux principes touchant à la coopération en matière d'armement établis au Sommet de Baden-Baden du 7 décembre 1995. Les candidatures britannique et italienne sont, à la lumière de ces critères, examinées. La France et l'Allemagne inscrivent résolument leur structure de coopération dans une perspective européenne. Cette initiative bilatérale constitue une démarche pragmatique qui doit, à court terme, conduire à des résultats utilisables. Elle s'entend comme une phase de transition devant conduire à une structure disposant d'une personnalité juridique dans le cadre de l'UEO.

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