Question de M. RICHERT Philippe (Bas-Rhin - UC) publiée le 07/06/1996

M. Philippe Richert attire l'attention de Mme le ministre de l'environnement sur la polémique soulevée par le récent rapport de l'INESTENE (institut d'évaluation des stratégies sur l'énergie et l'environnement en Europe) quant aux exportations françaises d'électricité. Ce rapport émet un doute sérieux sur l'intérêt financier que pourrait avoir l'Etat à ces exportations. Or la création de nouveaux sites de production et de nouvelles infrastructures de transport d'énergie électrique, décidée le plus souvent sans réelle concertation des parties intéressées, engendre des conséquences sur notre patrimoine paysager que nous ne pouvons ignorer. Par conséquent, il souhaiterait savoir si elle envisage d'instituer par un texte de loi, l'obligation d'une concertation large et d'études contradictoires d'opportunité pour la mise en place de telles infrastructures.

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Réponse du ministère : Francophonie publiée le 26/06/1996

Réponse apportée en séance publique le 25/06/1996

M. Philippe Richert. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ma question aurait pu en
fait être adressée aussi à M. le ministre de l'industrie.
En effet, elle concerne la polémique soulevée par la parution du récent rapport de l'INESTENE, l'Institut d'évaluation des
stratégies sur l'énergie et l'environnement en Europe, sur les exportations françaises d'électricité.
Ce rapport émet un doute sérieux quant à l'intérêt financier que pourrait avoir l'Etat à ces exportations. Or la création de
nouveaux sites de production et de nouvelles infrastructures de transport d'énergie électrique, décidée le plus souvent sans
réelle concertation avec les parties intéressées, entraîne des conséquences pour notre patrimoine paysager que nous ne
pouvons ignorer.
Par conséquent, je souhaiterais savoir si Mme le ministre de l'environnement envisage d'instituer par un texte de loi
l'obligation de mener une concertation large et des études contradictoires d'opportunité avant de décider de la mise en
place de telles infrastructures.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Margie Sudre, secrétaire d'Etat chargé de la francophonie. Monsieur Richert, je vous prie d'excuser l'absence
de Mme Corinne Lepage, qui est retenue aujourd'hui à Luxembourg pour le conseil sur l'environnement et qui m'a
demandé de vous faire part de sa réponse.
Monsieur le sénateur, vous évoquez une étude sur les exportations françaises d'électricité réalisée récemment par un
institut de recherche privé, l'INESTENE, pour le compte de l'organisation écologiste Greenpeace. Cette étude, qui met en
doute la rentabilité de nos exportations, mérite d'être sérieusement relativisée.
A titre d'exemple, l'INESTENE souligne qu'à l'étranger EDF vend son électricité environ 24 centimes du kilowatt-heure,
soit nettement en-dessous du tarif accordé en moyenne aux clients français. Cette comparaison n'est, bien entendu, pas
significative, puisque l'électricité exportée est livrée directement sur le réseau d'interconnexion à 400 kilovolts, alors que la
fourniture d'électricité à un consommateur final entraîne des coûts de transport et de distribution qui représentent une
bonne moitié du prix de revient de l'électricité livrée. Autrement dit, on compare ici des prix de vente « en gros » et des
prix de vente « au détail », ce qui n'a aucun sens.
Par ailleurs, l'INESTENE estime le prix de revient de l'électricité exportée à 30 centimes du kilowatt-heure, alors que le
coût moyen de production de EDF est aujourd'hui de 22 centimes du kilowatt-heure, tous moyens de production
confondus, qu'il s'agisse du nucléaire, du thermique classique qu'il ou de l'hydraulique. Le coût de production
correspondant aux exportations d'électricité est, en fait, inférieur à ce chiffre de 22 centimes du kilowatt-heure, car le
caractère quasi permanent des fournitures à l'exportation permet une utilisation optimale de l'outil nucléaire.
A cet avantage s'ajoute, dans certains cas, l'existence de clauses d'interruptibilité en période de pointe, qui permettent au
système électrique français d'économiser des moyens de pointe.
L'interconnexion internationale représente indéniablement un fort inrérêt économique pour EDF et, par conséquent, pour
la collectivité nationale. Elle constitue également un élément important de sécurité mutuelle des réseaux éléctriques
européens.
En ce qui concerne la construction de lignes de transport d'énergie électrique, il convient de rappeler que tout projet fait
aujourd'hui l'objet d'une large concertation locale préalablement à la procédure d'instruction, qui comprend en particulier
une enquête publique.
Par ailleurs, des avancées récentes dans les domaines législatif et réglementaire sont venues compléter ces phases de
concertation instaurées par le protocole relatif aux lignes électriques et signé entre l'Etat et EDF le 25 août 1992.
Il s'agit de la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement et du décret du 10 mai
1996 pris en application de la loi susmentionnée et instaurant la Commission nationale du débat public.
Cette commission a pour vocation d'intervenir en amont des décisions déterminantes dans la mise en route des projets et
d'organiser un véritable débat public portant tant sur les objectifs que sur les conséquences au regard des préoccupations
environnementales.
Telles sont, monsieur le sénateur, les dispositions qui semblent répondre parfaitement aux légitimes préoccupations que
vous avez exprimées.
M. Philippe Richert. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert. Je vous remercie, madame le secrétaire d'Etat, de votre réponse en trois points, à savoir, d'abord
l'étude de l'INESTENE, qui doit être relativisée en raison du prix de vente à l'étranger, lequel tient compte de l'ensemble
des éléments à intégrer dans le prix de revient, ensuite l'intérêt qu'il y a à faire des interconnexions internationales
permettant d'évacuer les excédents et les surplus d'électricité, et, enfin, la large concertation qui est déjà engagée.
Permettez-moi de revenir sur ces trois points.
Sur le premier, je dirai qu'EDF gagne bien de l'argent grâce à ses exportations. Madame le secrétaire d'Etat, le prix
moyen des ventes à l'étranger d'EDF était, l'an passé, légèrement inférieur à 24 centimes le kilowatt-heure et il est inférieur
au prix de référence pour l'énergie nucléaire tel qu'il est évalué par le service des ministères, à savoir 24,1 centimes dans
le cas le plus bas de la fourchette la plus basse des coûts de référence de la direction du gaz, de l'électricité et du charbon,
direction générale de l'énergie et des matières premières, la DIGEC/DGEMP du ministère de l'industrie. Pour les cas réels
observés de fonctionnement du parc nucléaire, ce prix DIGEC passe à 28,5 centimes en 1995. C'est le coût qui avait été
retenu par l'INESTENE. Dans ce cas de figure, on ne peut pas parler de bénéfices réels réalisés par notre entreprise, qui
fabrique et transporte l'énergie nucléaire.
Le chiffre moyen de l'approvisionnement d'EDF en électricité était déjà, en 1993, de 24,7 centimes par kilowatt-heure.
Ce chiffre est très bas, car il intègre les grands barrages hydrauliques du Rhin et du Rhône, qui fournissent une rente qu'il
n'est pas question de brader à l'exportation.
En effet, nous savons bien qu'aujourd'hui le surplus d'électricité qui est produit l'est à partir de l'électricité nucléaire. Il ne
s'agit donc plus d'intégrer dans le coût à l'exportation la rente de situation que ces barrages hydrauliques nous ont permis
d'obtenir.
C'est la raison pour laquelle je continue de penser qu'il faut absolument relativiser les coûts que vous venez d'annoncer. Il
serait d'ailleurs utile que nous puissions avoir accès à toutes les données chiffrées dont vous avez fait part au Sénat et à
toutes celles qu'EDF possède encore.
M. le président. Monsieur Richert, vous avez très largement dépassé votre temps de parole.
M. Philippe Richert. J'ai été très court lors de mon intervention initiale, monsieur le président, reconnaissez-le !
M. le président. Il n'est pas possible de cumuler, mais je vous laisse cependant poursuivre.
M. Philippe Richert. Je serai très rapide.
En ce qui concerne l'intérêt des interconnexions, nous sommes en train de prévoir de nouvelles constructions de centrales
nucléaires. Est-il vraiment nécessaire aujourd'hui, alors que nous faisons des exportations, de continuer à augmenter notre
parc nucléaire ? Dans ce cadre, est-il indispensable de faire traverser notre paysage par l'ensemble de ces lignes à haute
tension qui, malheureusement, ne sont pas très agréables à la vue ?

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