Question de M. CLOUET Jean (Val-de-Marne - RI) publiée le 21/06/1996

Question posée en séance publique le 20/06/1996

M. le président. La parole est à M. Clouet.
M. Jean Clouet. Monsieur le ministre - en disant cela, je ne sais pas exactement à qui je m'adresse, mais je vais le savoir
lorsque je verrai qui se lèvera pour me répondre - ...
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi. A moi !
M. Jean Clouet. Ah ? Excusez-moi, madame le ministre. Vous voyez à quel point mon ignorance était complète !
(Exclamations amusées sur les travées socialistes.)
M. le président. Mais vous êtes flatté, monsieur Clouet !
M. Jean Clouet. Tout à fait, monsieur le président.
Madame le ministre, ma question n'aurait sans doute pas eu à être posée si l'administration compétente avait bien voulu
répondre à une lettre que je lui ai adressée au mois d'avril.
Cette question intéresse un cas particulier, mais elle a une large portée générale, puisqu'elle concerne aussi bien les petites
entreprises que le monde associatif, dont on connaît l'importance mais aussi la vulnérabilité.
Madame le ministre, je souhaiterais donc vous exposer le cas d'une association n'occupant que quelques salariés.
Cette association a engagé, voilà deux ans, un agent d'entretien qui a connu depuis lors treize arrêts de maladie.
M. René-Pierre Signé. C'est une question d'intérêt local !
M. Jean Clouet. La médecine du travail l'a déclaré inapte « à tout poste de travail ».
M. René-Pierre Signé. Ce n'est pas une question d'actualité !
M. Jean Clouet. L'agent a demandé soit sa réintégration, soit son licenciement.
Compte tenu de l'avis de la médecine du travail, il est impossible de le réintégrer. Mais la COTOREP, la commission
technique d'orientation et de reclassement professionnel, refuse de déterminer son taux d'invalidité s'il n'est pas, au
préalable, licencié. (Murmures sur les travées socialistes.)
Je ne sais pas qui parasite mon propos ! (Rires sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de
l'Union centriste.)
M. Josselin de Rohan. C'est, comme d'habitude, M. Signé !
M. Jean Clouet. Quoi qu'il en soit, la COTOREP s'appuie sur le code du travail et sur une jurisprudence selon laquelle,
à défaut de possibilité de reclassement - c'est le cas - l'association doit licencier l'agent et lui verser des indemnités de
licenciement.
Dans cette affaire, l'employeur n'est ni coupable ni responsable ; l'employé n'a rien à lui reprocher puisqu'il ne s'agit pas
d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle.
M. le président. Pouvez-vous poser votre question, mon cher collègue ?
M. Jean Clouet. Oui, monsieur le président. Je vois que vous êtes très attentif à la durée de mon propos.
M. le président. Je le suis pour tous, et pas simplement pour vous.
M. Jean Clouet. Pas toujours !
Pourtant, cet employeur, ni coupable ni responsable, se voit en quelque sorte condamné à une véritable amende sociale
dont le coût, difficilement supportable pour un petit employeur, devrait, plus légitimement me semble-t-il, être supporté
par la sécurité sociale.
C'est la loi, me direz-vous. C'est la force injuste de la loi, a dit quelqu'un. Mais, quand une loi est injuste, on peut, on doit
la changer.
Envisagez-vous de le faire, madame le ministre ?
M. le président. Monsieur Clouet, si je vous ai engagé, très gentiment, à poser votre question, c'est pour que chacun
puisse intervenir alors que les débats sont encore télévisés. Il n'était aucunement dans mon intention de vous faire un
reproche !

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Réponse du ministère : Emploi publiée le 21/06/1996

Réponse apportée en séance publique le 20/06/1996

M. le président. Monsieur Clouet, si je vous ai engagé, très gentiment, à poser votre question, c'est pour que chacun
puisse intervenir alors que les débats sont encore télévisés. Il n'était aucunement dans mon intention de vous faire un
reproche !
La parole est à Mme le ministre.
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi. Monsieur le sénateur, tout d'abord, je tiens à vous
présenter les regrets de M. Jacques Barrot de ne pouvoir vous répondre personnellement.
Vous avez évoqué à l'instant la difficulté rencontrée par le responsable d'une petite association qui a été conduit à licencier
un salarié déclaré inapte à l'emploi. Vous nous avez indiqué que l'association s'était trouvée dans l'obligation de verser des
indemnités de licenciement à cette personne.
Bien entendu, comme vous l'avez indiqué, l'employeur ne peut être tenu pour responsable d'une telle situation, dont
chacun, par ailleurs, mesure bien le caractère particulièrement douloureux.
Je ne méconnais pas, en outre, l'incidence financière que peut représenter pour l'employeur, notamment dans le cas d'une
petite structure, le versement de ces indemnités.
Je voudrais cependant rappeler, comme vous l'avez fait, monsieur le sénateur, que la loi du 31 décembre 1992 a bien
pour objet, d'une part, d'inciter au reclassement des personnes devenues inaptes et, d'autre part, d'assurer à ces salariés
privés d'emploi, en l'absence de reclassement, le versement des indemnités de licenciement ou, à défaut, le maintien du
salaire antérieur.
C'est pourquoi la modification de la loi que vous avez envisagée mérite d'être étudiée très soigneusement, car le texte
actuel peut poser, en effet - comme dans le cas que vous avez évoqué - des problèmes d'application dans de petites
structures. La modification de la loi devra tenir compte de l'ensemble des paramètres, qu'ils soient humains ou financiers.
En tout état de cause, rien n'empêche la COTOREP de se prononcer sur la qualité de travailleur handicapé et sur le
niveau du handicap du salarié avant le licenciement pour inaptitude. Compte tenu de ce que vous avez indiqué, monsieur
Clouet, dans le cas qui vous préoccupe, cela aurait dû, à coup sûr, faciliter la recherche d'une solution appropriée.
De manière générale, en effet, tout doit être mis en oeuvre pour parvenir à reclasser le salarié, de préférence lorsqu'il s'agit
de plus grandes structures, dans la même entreprise. Des aménagements de poste peuvent et doivent être imaginés,
éventuellement avec l'aide financière de l'association pour la gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des
personnes handicapées, l'AGEFIPH. L'exercice d'une activité est, aux yeux du Gouvernement, essentiel pour l'insertion
des handicapés.
C'est bien là l'esprit de la loi que je rappelais tout à l'heure, sans en méconnaître les difficultés d'application. C'est la raison
pour laquelle nous aurons à coeur d'examiner les propositions que vous avez formulées. (Applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)

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