Question de M. BLANC Jean-Pierre (Savoie - UC) publiée le 24/11/1994

M. Jean-Pierre Blanc demande à M. le ministre de l'éducation nationale de lui préciser la suite qu'il envisage de réserver aux récentes déclarations de Mme le ministre d'Etat, ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville (Vienne, 20 octobre 1994) à l'égard de la situation des jeunes filles musulmanes, interdites d'accès à l'école pour port de voile, à propos desquelles elle précisait : " Je ne vois pas ce qui empêcherait la famille de jeunes filles, auxquelles on aurait interdit l'accès à l'établissement, de porter l'affaire devant la Cour européenne des droits de l'homme ".

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Réponse du ministère : Éducation publiée le 30/03/1995

Réponse. - En application des dispositions de l'article 25 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la Commission européenne des droits de l'homme a déjà eu l'occasion d'exprimer sa position en matière de laïcité et de liberté de manifestation des opinions religieuses, dans l'enseignement supérieur notamment. Dans une décision Karaduman rendue le 3 mai 1993, elle s'est prononcée en effet sur la recevabilité d'un recours en violation de l'article 9 de la Convention, dirigé contre une décision de refus d'une université publique turque de délivrer un diplôme, au motif que l'impétrante ne voulait pas fournir une photo d'identité tête nue, comme l'y obligeait le règlement pour des raisons, entre autres, de préservation de la nature " républicaine " et " laïque " de l'université. La commission a déclaré la requête irrecevable pour défaut manifeste de fondement, au motif que l'article 9, aux termes duquel " toute personne a droit à la liberté de (...) manifester sa religion (...) par (...) les pratiques ", ne garantit pas toujours le droit de se comporter dans le domaine public d'une manière dictée par une conviction et que le terme " pratiques ", au sens de cet article, ne désigne pas n'importe quel acte motivé ou inspiré par une religion. Elle en a tiré comme conséquence que : " les universités laïques, lorsqu'elles établissent les règles disciplinaires concernant la tenue vestimentaire des étudiants, peuvent veiller à ce que certains courants fondamentalistes religieux ne troublent pas l'ordre public dans l'enseignement supérieur et ne portent pas atteinte aux croyances d'autrui ". La commission a ainsi admis qu'il puisse y avoir des limitations à une extériorisation excessive des convictions religieuses, dès lors que ces limitations se fondent sur la préservation de l'ordre public, et plus précisément, sur la sauvegarde de la liberté d'autres coreligionnaires ainsi que de celle des croyants d'autres religions. La position de la commission rejoint donc celle du Conseil d'Etat qui, tant dans son avis du 27 novembre 1989 que dans sa jurisprudence constante, a certes reconnu la liberté de conscience des élèves des établissements français d'enseignement des premier et second degrés, mais a pris soin de l'encadrer, afin qu'elle ne porte pas atteinte ni à celui qui l'exerce, ni à autrui, ni au fonctionnement du service public ou à l'ordre public. Je rappelle enfin que la Commission européenne des droits de l'homme ne peut, en tout état de cause, être saisie qu'après épuisement des voies de recours internes.

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