Question de M. MAURICE-BOKANOWSKI Michel (Hauts-de-Seine - RPR) publiée le 27/10/1994

M. Michel Maurice-Bokanowski fait part à M. le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche de son inquiétude devant la rigueur du plan de redressement financier imposé au Centre national de la recherche scientifique par son actuel directeur et touchant l'utilisation des crédits sur subvention d'Etat dédiés aux autorisations de programme qui seraient plafonnées à 60 p. 100 de leur montant total pour 1994. Ces limitations étant de nature à ralentir considérablement les recherches scientifiques en cours au plus grand profit de nations étrangères qui poursuivent les mêmes buts, et partant au détriment de nos entreprises nationales habilitées à bénéficier des découvertes de nos savants, il demande s'il ne serait pas plus efficace de réduire dans une proportion radicale les crédits affectés aux sciences humaines et sociales et de reporter les crédits ainsi dégagés sur les laboratoires rattachés aux sciences de la matière et de la biologie.

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Réponse du ministère : Enseignement supérieur publiée le 29/12/1994

Réponse. - Le plan de redressement imposé aux laboratoires du CNRS par son nouveau directeur général était devenu inévitable. Il convient toutefois de faire observer, d'une part, que toutes mesures semblent avoir été prises pour que l'activité des unités de recherche ne soit pas ralentie par la limitation à 60 p. 100 des engagements des autorisations de programme 1994, d'autre part, que les 40 p. 100 de crédits provisoirement mis en réserve par le directeur général ne sont en aucune façon annulés et restent disponibles pour les commandes des laboratoires à partir de 1995. Il ne paraît, en tout état de cause, pas souhaitable de substituer au plan d'assainissement financier mis en place une solution qui consisterait à réduire dans une proportion radicale les crédits de l'organisme affectés aux sciences humaines et sociales et de les transférer, comme le suggère l'honorable parlementaire, sur les laboratoires poursuivant des recherches dans les domaines des sciences de la matière et de la biologie. En effet, il est important de rappeler que les sciences humaines et sociales appartiennent pleinement à la recherche scientifique. Les écarts se sont du reste très largement réduits, tant sur le terrain conceptuel que méthodologique, entre les sciences de la vie ou de la nature et les sciences humaines et sociales. C'est ainsi que les approches systémiques, le concept de complexité auquel sont associés ceux de turbulence et de chaos, les modèles non déterministes par exemple ont pris de l'intérêt pour l'ensemble de ces sciences, sans exception. De même, les sciences humaines et sociales ont, comme les autres, besoin d'outils de plus en plus sophistiqués et onéreux destinés à acquérir, stocker et surtout traiter leurs données : moyens de calcul ou de modélisation, techniques modernes de conservation et de diffusion des résultats de recherche, réseaux de bibliothèques, centres et réseaux documentaires, édition des périodiques et ouvrages. Enfin, les technologies issues des autres sciences contribuent aussi bien à l'archéologie moderne qu'aux études littéraires, à l'histoire qu'à la sociologie ou à l'économie. On peut également affirmer sans excès que, depuis la fondation des sciences sociales, jamais la demande d'interprétation de la société n'a été aussi importante qu'actuellement. Les sciences humaines et sociales se doivent d'intégrer ces questionnements et ne peuvent plus se contenter d'appuyer leur développement sur la somme des curiosités individuelles de leurs chercheurs. Or, les grands défis auxquels les sociétés actuelles sont confrontées - par exemple les problèmes liés à l'environnement, à la santé, au vieillissement, à la politique de la ville, à l'emploi, aux conditions de travail, à l'utilisation des technologies modernes - appellent des réponses largement interdisciplinaires. Avec le CNRS, la France se trouve dans une situation particulièrement favorable pour faire face à ces nouveaux besoins de la recherche. Le CNRS est en effet le seul organisme au monde qui compte en son sein toutes les disciplines scientifiques, et qui s'intéresse à tous les domaines d'application. L'une de ses forces tient aussi dans le fait qu'il a su mettre les sciences humaines et sociales de plain-pied avec les autres secteurs : le département des sciences de l'homme et de la société est le deuxième département du CNRS par ses effectifs, 16 p. 100 du personnel), après celui des sciences de la vie, le troisième par les moyens de fonctionnement des laboratoires et, de loin, le premier par le nombre des unités de recherche qu'il soutient. De plus, le CNRS a veillé à faire de ce département un ensemble très ouvert sur les enseignements supérieurs. Réduire de manière brutale les crédits alloués à ce secteur par le CNRS reviendrait à renoncer à un volet important de l'interdisciplinarité qui fait la richesse de l'organisme, à porter indirectement atteinte à la recherche universitaire, enfin à rejeter les sciences humaines et sociales dans leur cloisonnement de naguère et dans un artisanat estimé maintenant plus que désuet. ; des unités de recherche qu'il soutient. De plus, le CNRS a veillé à faire de ce département un ensemble très ouvert sur les enseignements supérieurs. Réduire de manière brutale les crédits alloués à ce secteur par le CNRS reviendrait à renoncer à un volet important de l'interdisciplinarité qui fait la richesse de l'organisme, à porter indirectement atteinte à la recherche universitaire, enfin à rejeter les sciences humaines et sociales dans leur cloisonnement de naguère et dans un artisanat estimé maintenant plus que désuet.

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