Question de M. HABERT Jacques (Français établis hors de France - NI) publiée le 16/06/1994

M. Jacques Habert attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur les périls qui menacent la communauté française d'Haïti et les membres des nombreuses missions humanitaires dans ce pays, à la suite de l'annonce faite unilatéralement le 10 juin par le gouvernement américain, d'une série de sanctions qui viennent s'ajouter à l'embargo décrété en mai par le Conseil de sécurité de l'Organisations des Nations unies (ONU). A partir du 25 juin, tout trafic maritime et aérien entre les Etats-Unis et Haïti sera interdit, ainsi que toute transaction financière et tout transfert de fonds de plus de 50 dollars. Cela n'aura d'autre effet, en empêchant toute activité économique normale, que plonger les Haïtiens dans une misère plus grande encore et de les inciter à quitter leur pays, sans les visas qui leur sont refusés et dans les conditions les plus déplorables, pour aller chercher ailleurs, notamment en Amérique ou en France, des possibilités de vie moins précaire. De plus, l'éventualité d'une intervention militaire est, semble-t-il, sérieusement envisagée dans certains milieux de Washington. Cela aurait pour résultat d'ouvrir un terrain supplémentaire d'affrontements sanglants dans un monde qui n'en a déjà que trop, et de créer une nouvelle situation tragique de style Somalie. Il faut se féliciter que, devant de telles menaces, quatre des cinq pays du groupe dit des " amis d'Haïti " : la France, le Venezuela, l'Argentine et, dans une moindre mesure, le Canada, se soient déclarés opposés au renforcement des sanctions et, surtout, à toute opération militaire. Du point de vue politique, il serait déraisonnable de penser que le rétablissement de la démocratie en Haïti passe d'abord, obligatoirement, par le préalable du retour du président Aristide. Ce retour ne pourra se faire que par l'assentiment de la majorité du peuple haïtien. Or il se trouve que celui-ci doit être prochainement consulté, puisque des élections législatives sont programmées pour le renouvellement de l'Assemblée nationale et des deux tiers du Sénat. Personne à Port-au-Prince ne s'oppose à ce que ces élections aient lieu à la date prévue, au début de l'automne, à un moment coïncidant, justement, avec la fin du mandat du général Cédras. Il faudra naturellement que les autorités de fait acceptent que ce scrutin se déroule en toute liberté, et sous le contrôle des Nations unies. Le gouvernement français est-il disposé à encourager et à préconiser un tel processus qui, en rendant la parole au peuple d'Haïti, pourrait permettre de trouver une solution conforme à la démocratie et, en même temps, plus pacifique et plus humaine ?

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Réponse du ministère : Affaires étrangères publiée le 03/11/1994

Réponse. - L'honorable parlementaire a bien voulu interroger le ministre des affaires étrangères sur la politique de la France à l'égard d'Haïti. Depuis le coup d'Etat de septembre 1991, la France a toujours eu un rôle actif pour rechercher une issue à la crise haïtienne, dans le cadre des Nations Unies et au sein du groupe des pays " amis d'Haïti ". Dès le début, elle a cherché à privilégier une solution politique et se réjouit qu'en fin de compte le recours à la force ait pu être évité et que la force multinationale conduite par les Etats-Unis ait pu se déployer pacifiquement. Les militaires putschistes ont quitté Haïti et le Président Aristide est revenu le 15 octobre. Il faut désormais espérer que le processus de restauration de l'ordre constitutionnel soit mené à son terme. Le retour prochain des observateurs de la mission des Nations Unies chargée des droits de l'homme (MICIVIH) et la coopération entre les forces armées haïtiennes et les troupes américaines sont autant de signes encourageants. Les sanctions internationales ont été levées et la mise en oeuvre d'une coopération massive en faveur du gouvernement légitime pour l'aider dans sa tâche de reconstruction nationale se met en place. La France entend prendre part à cette action indispensable à l'enracinement de la démocratie à Haïti. Pour ce faire, elle a choisi de privilégier la formation de la police autonome et la coopération civile. A cet effet, elle fournira un contingent de 100 policiers et gendarmes pour participer à la formation de la police dans le cadre de la MINUHA, et a annoncé la reprise très prochaine de sa coopération bilatérale. Elle poursuivra, naturellement, son aide humanitaire, qui n'a jamais été interrompue. Une mission technique interministérielle est prête à se rendre en Haïti et des sommes importantes sont déjà dégagées pour entamer, avec le concours des ONG, les opérations prioritaires : santé, aide à l'enfance, éducation, mais aussi fourniture d'eau potable, remise en état du réseau électrique, aménagement rural et développement du potentiel agricole, ainsi que remise en état des infrastructures.

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