Question de M. ROCCA SERRA Jacques (Bouches-du-Rhône - SOC) publiée le 14/04/1994

M. Jacques Rocca Serra appelle l'attention de M. le ministre de la coopération sur les réflexions actuelles en matière d'aide au développement. En effet, lors de la conférence des Nations Unies sur les droits de l'homme de Vienne, en juin 1993, deux grandes thèses se sont affrontées : l'une, plutôt défendue par les nations occidentales, soutenant que les droits de l'homme c'est-à-dire les droits civils et politiques individuels prévalaient ; l'autre, par certaines nations d'Asie ou d'Afrique, selon laquelle les droits individuels étaient culturellement relatifs, donc non universels, et devaient savoir s'effacer, en cas de conflit, devant le droit au développement national et les droits collectifs de la société. Si nul ne conteste que les droits économiques et sociaux sont d'une importance capitale dans les pays en développement pour lutter contre la pauvreté, les mauvaises conditions de travail, de santé, etc., nombreux sont pourtant, dans ces mêmes pays, les opposants qui clament que leur primauté n'est que la simple justification, par des gouvernements autoritaires, de la restriction des droits individuels. Au surplus, faute de droits civils et politiques, il n'existe, selon eux, aucune garantie que les effets économiques et sociaux du développement seront également et équitablement répartis entre la majorité des individus. Sans aller jusqu'à prêcher la suppression radicale de l'aide, nombre de ces militants, appuyés par les ONG, exigent qu'un critère en matière de droits de l'homme soit introduit dans toute politique d'aide au développement. Il lui demande en conséquence si la France a engagé une réflexion en ce domaine particulier et, à défaut, de lui rappeler les critères qui déterminent actuellement sa politique d'aide au développement.

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Réponse du ministère : Coopération publiée le 27/10/1994

Réponse. - La France suit avec beaucoup d'attention la situation des droits de l'homme en Afrique et entreprend, dès qu'elle a connaissance de problèmes préoccupants, les actions qui lui semblent les plus appropriées. Plus généralement, le Premier ministre a eu l'occasion, lors de son récent déplacement en Afrique, de rappeler que le renforcement de la démocratie et de l'Etat de droit figurent parmi les principes sur lesquels la France entend fonder ses relations avec ses partenaires africains. Ce principe étant posé, il convient de s'interroger sur la meilleure façon de faire progresser la démocratie et l'Etat de droit en Afrique. S'il est clair que la France ne saurait apporter son concours à des Etats qui se rendraient coupables de violations graves des droits de la personne et des libertés fondamentales, il est non moins certain, à l'inverse, qu'une approche trop doctrinaire et éloignée de réalités africaines ne saurait constituer une réponse adaptée au problème et offrir les meilleures garanties en termes de résultats. La question des droits de l'homme en Afrique est très liée à celle des progrès de la démocratie et de l'Etat de droit, lesquels sont eux-mêmes étroitement dépendants du niveau de développement économique, social et culturel des sociétés africaines. C'est donc sur l'ensemble des éléments qui déterminent le développement des pays et des populations qu'il convient d'agir si l'on veut créer les conditions minimales indispensables à l'instauration et à l'épanouissement des principes de démocratie et de liberté. De façon plus spécifique, le ministère de la coopération consacre, depuis quelques annés, une attention et des moyens croissants à l'émergence et à la consolidation de la démocratie et de l'Etat de droit dans les pays qui relèvent de sa compétence. Les actions qu'il conduit dans ce domaine sont plus particulièrement orientées vers les trois objectifs suivants : favoriser la libre expression des populations et renforcer ces nouvelles institutions démocratiques (appui à l'élaboration des textes constitutionnels, à l'organisation des principales consultations électorales, au fonctionnement des institutions parlementaires, à la presse) ; aider l'Etat à recentrer son action et à mieux exercer ses fonctions essentielles (soutien à la réforme de l'Etat, à la mise en oeuvre de politiques de décentralisation, à l'amélioration du fonctionnement des services judiciaires et des services chargés de la sécurité et de l'ordre public) ; soutenir les initiatives privées et la participation des populations au processus de développement (appui à des opérations de développement local, à l'organisation du monde rural, à la structuration du secteur associatif). A l'intérieur de ce cadre général, des actions particulières sont mises en oeuvre au bénéfice de la promotion des droits de l'homme, selon des modalités variées : envoi d'experts pour la mise en place de commissions nationales, soutien à des associations de droits de l'homme, financement de sessions de formation ou de séminaires sur des sujets liés à la protection des droits de l'homme.

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