Question de M. GARCIA Jean (Seine-Saint-Denis - C) publiée le 14/04/1994

M. Jean Garcia interroge M. le ministre des affaires étrangères concernant la situation extrêmement préoccupante du peuple haïtien, son avenir et celui du pays. La situation économique ne cesse de se dégrader et plonge de plus en plus une grande majorité du peuple dans la misère et la souffrance tandis qu'une minorité continue à s'enrichir. La population, les hommes et les femmes qui ont porté démocratiquement le père Aristide au pouvoir en 1991, n'en continuent pas moins de faire preuve d'un grand courage, et constituent l'espoir de ce pays. Confrontés à une extrême violence, puisque selon l'ONU, plus de 3 000 morts sont à déplorer depuis le coup d'Etat sanglant et alors que les droits de l'homme sont bafoués chaque jour, le pays et le peuple ont besoin de la solidarité de la Communauté internationale. Il devient urgent que le processus de retour à la démocratie et à la paix prenne un nouvel élan. Le respect de la souveraineté populaire et nationale exprimée clairement par les élections du 16 décembre 1990 et le retour du Président Aristide constituent bien évidement une exigence démocratique avec laquelle la Communauté internationale et tout particulièrement les pays amis d'Haïti ne peuvent transiger. Dans ce cadre, et pour favoriser une solution, il considère que tout devrait être fait pour la mise en oeuvre sans faille de l'accord de " Governors Island " et demande de confirmer l'attachement total de la France à celui-ci. Devant la mise en cause par les putschistes de cet accord, tout recul conduirait à encourager les adversaires de la démocratie. La France ne saurait admettre une telle voie. Par contre, elle pourrait agir pour que s'exerce de nouvelles et fortes pressions sur les militaires. A cette fin, il lui demande de lui indiquer si la France va enfin décider de geler les avoirs des putschistes dans les établissements financiers français et inciter à une telle mesure au plan international, et d'autre part, si notre pays va affirmer davantage sa place dans l'indispensable et urgent processus de paix en participant à la mission des Nations-Unies pour Haïti.

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Réponse du ministère : Affaires étrangères publiée le 02/06/1994

Réponse. - Comme le sait l'honorable parlementaire, la France a condamné le coup d'Etat de septembre 1991 et a soutenu l'accord de l'île des Gourverneurs dont l'objectif final était de permettre le retour du président Aristide. Afin d'adresser un signal clair de la détermination de la Communauté internationale aux militaires putschistes, dont le refus de respecter leurs engagements avait eu pour conséquence l'impossibilité pour le président légitime de rentrer dans son pays le 30 octobre dernier, la France s'est déclarée en faveur du rétablissement des sanctions qui avaient été suspendues au lendemain de l'investiture du premier ministre, M. Robert Malval. Pour éviter l'enlisement, préjudiciable au peuple haïtien, les pays " amis d'Haïti ", avaient défini une stratégie commune au cours d'une réunion tenue en décembre dernier à Paris à l'initiative de la France. Un des moyens envisagé était l'éventuelle adoption des sanctions ciblées destinées à contraindre les militaires à respecter les engagements contenus dans l'accord de l'île des Gouverneurs. Celles-ci viennent d'être adoptées par l'Organisation des Nations Unies. Mais, les sanctions ne sont pas une fin en elles-mêmes. Elles doivent s'inscrire dans le cadre d'une stratégie politique d'ensemble dont l'aboutissement doit être la restauration de la démocratie à Haïti. Les sanctions pourraient, à terme, peser lourdement sur l'économie haïtienne et sont, dans l'immédiat, une source de profit pour certains en raison de la contrebande. Un contrôle accru de l'embargo, notamment de la frontière terrestre, un réexamen mensuel des sanctions, et la possibilité de suspension progressive liée aux progrès faits dans la voie de la restauration de la démocratie, devraient permettre de remédier à ces effets pervers. La France continuera, par ailleurs, à apporter une aide humanitaire importante aux populations les plus démunies. Enfin, plusieurs observateurs sont déjà présents à Haïti dans le cadre de la MICIVIH et la France a veillé à ce que soit mentionné dans le texte de résolution la création d'une force des Nations Unies dont la tâche serait de garantir des conditions acceptables en matière de respect des droits de l'homme pour créer les conditions propices au bon déroulement des prochaines élections législatives qui devraient se tenir à la fin de cette année et seront essentielles pour la restauration de l'ordre constitutionnel à Haïti.

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