Question de M. CHAUMONT Jacques (Sarthe - RPR) publiée le 17/02/1994

M. Jacques Chaumont appelle l'attention de M. le ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice, sur le fait que, dans tous les grands procès d'assises qui ont passionné l'opinion publique ces dernières années, apparaît un trait commun. Ce trait commun est que l'instruction a été conduite de manière incohérente, que des pistes essentielles n'ont pas été suivies, que les expertises nécessaires n'ont pas été demandées. L'enquête est conduite en fonction du choix du coupable désigné, a priori et sans preuves, par la gendarmerie ou la police. La mise en accusation dépend alors des préjugés racistes ou sociaux des magistrats. Il lui demande quelles mesures il entend prendre pour que soit mis fin à cette dramatique négligence et que l'instruction soit désormais conduite avec rigueur et cohérence. Dans cet esprit, il lui demande d'engager une réforme en profondeur des cours d'assises, avec, en particulier, la création d'une instance d'appel. Il lui demande également de veiller à ce que soient nommés juges d'instruction des magistrats expérimentés et compétents ayant déjà une longue expérience de l'appareil judiciaire.

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Réponse du ministère : Justice publiée le 02/06/1994

Réponse. - La création d'une juridiction d'appel en matière criminelle répond assurément à de légitimes préoccupations, mais elle se heurte à de sérieuses difficultés. Il est en effet paradoxal que les décisions des cours d'assises qui prononcent les peines les plus lourdes de notre arsenal répressif ne soient susceptibles que d'une voie de recours exceptionnelle, le pourvoi en cassation, alors que les jugements en matière contraventionnelle ou délictuelle peuvent être frappés d'appel. Mais une telle situation s'explique par des raisons historiques et philosophiques puisque l'institution du jury populaire en matière criminelle est apparue comme une conquête révolutionnaire, propre à restituer aux citoyens une justice qui, sous l'Ancien Régime, était retenue par le souverain, et à conforter l'indépendance du pouvoir judiciaire par rapport à l'exécutif. Cependant, le principe d'un double degré de juridiction en matière criminelle est traditionnellement considéré comme difficilement compatible avec la composante populaire de ces juridictions. En effet, le caractère souverain des décisions rendues par les cours d'assises découle de l'existence même d'un jury populaire désigné par le sort. L'existence de l'appel est en revanche étroitement liée à celle d'une hiérarchie parmi les magistrats professionnels, puisque l'affaire est soumise à nouveau sur le fond à l'appréciation de magistrats plus âgés et plus expérimentés que ceux du premier ressort. Or, ce fondement du droit d'appel ne vaut pas en matière criminelle. Toute modification de la procédure criminelle devrait être nécessairement soumise à une large concertation dès lors qu'elle remettrait profondément en cause notre organisation judiciaire. Une éventuelle réforme qui ne saurait être adoptée dans la précipitation, en réponse à des procès sans doute exagérément médiatisés devrait avoir aussi pour finalité d'alléger la tâche des juridictions et d'améliorer le déroulement des procédures, y compris lors de l'audience, et d'instituer un véritable statut du juré.

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