Question de M. FOSSET André (Hauts-de-Seine - UC) publiée le 06/01/1994

M. André Fosset appelle l'attention de M. le ministre de l'économie sur l'intérêt et l'importance qui s'attachent à une communication claire et objective, relative à l'économie, destinée aux Français. C'est ainsi qu'apparaît dans les informations ministérielles l'expression " croissance négative ". Or, si chacun mesure clairement le sens d'une croissance économique, définie comme une augmentation de la richesse nationale ayant, en corollaire, une élévation du niveau de vie et que l'on peut donc, à juste titre, parler de " fort taux de croissance ", de " croissance équilibrée " ou de " ralentissement de la croissance ", voire de " croissance inférieure aux prévisions ", l'expression " croissance négative " est parfaitement hermétique et semble s'apparenter aux alliances de mots contradictoires que sont, en rhétorique, des oxymores ou oxymorons, dont le plus célèbre est celui du Cid : " Cette obscure clarté qui tombe des étoiles... ". Il lui demande s'il ne lui semble pas opportun de demander, notamment à ses services, de mettre fin à l'utilisation de cette expression et d'expressions similaires qui ne peuvent qu'accroître la confusion dans l'esprit des Français.

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Réponse du ministère : Économie publiée le 08/09/1994

Réponse. - Lorsqu'ils étudient les variations d'une variable ou d'une fonction, les mathématiciens utilisent traditionnellement le mot d'accroissement. Ce terme est défini (par exemple dans le Petit Robert) comme la " mesure algébrique " de la variation considérée, c'est-à-dire comme la valeur absolue de celle-ci affectée d'un signe positif ou négatif selon le sens de la variation (cf. par exemple, la définition de la dérivée d'une fonction d'une variable enseignée dans les classes élémentaires, ou la célèbre formule dite " des accroissements finis "). C'est sans doute cet usage qui a conduit les économistes à utiliser l'expression " taux de croissance " pour caractériser l'évolution temporelle des séries économiques de préférence aux expressions plus neutres de " taux de variation " ou de " taux d'évolution " qui, elles, ne préjugent pas sémantiquement le sens de l'évolution observée. Il est donc habituel de trouver, dans la légende explicative accompagnant un tableau de chiffres retraçant l'évolution d'une ou de plusieurs séries économiques, l'indication " taux de croissance " souvent complétée de la mention " en % ", même lorsque certaines séries décroissent à certaines périodes, c'est-à-dire lorsque le tableau comporte des chiffres négatifs. Il pourrait sembler lourd, en effet, d'indiquer " taux de croissance ou de décroissance ". Dès lors qu'on admet qu'un taux de croissance puisse être négatif, on est facilement porté à écrire l'expression " croissance négative ", en particulier lorsqu'il s'agit de qualifier l'évolution négative du produit intérieur brut, censé résumer l'activité économique d'une nation. Cette expression, qui n'est pas des plus heureuses, est communément employée par les économistes tant français qu'étrangers (cf. par exemple, sur le mode allusif, " Perspectives Economiques de l'OCDE no 54, décembre 1993, p. 70 " bien que la croissance de l'Allemagne occidentale doive redevenir positive... "). Dans un souci de communication claire et objective sur l'économie, il vaudrait mieux utiliser les termes " taux d'évolution " ou " taux de variation " lorsqu'une variable peut prendre des valeurs positives ou négatives.

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