Question de M. HURIET Claude (Meurthe-et-Moselle - UC) publiée le 21/06/1990

M. Claude Huriet attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur le malaise ressenti actuellement par les magistrats de la juridiction administrative et sur les motivations de leur récent mouvement de grève, unique dans l'histoire de cette juridiction. En effet, ces magistrats ont alerté le Gouvernement depuis de nombreux mois, sur les efforts supplémentaires qui leur sont demandés tant pour faire face à un flux d'affaires sans cesse croissant, que pour répondre à des missions nouvelles. Aucune suite budgétaire n'est donnée à leurs revendications en matière de rémunérations alors qu'un magistrat de tribunal administratif ou de cour administrative d'appel perçoit les plus faibles indemnités allouées aux corps recrutés par la voie de l'E.N.A. Ils souhaitent donc bénéficier d'une rémunération correspondant au niveau de leurs responsabilités. S'ajoutant à cette lassitude, leur inquiétude se manifeste à l'égard de l'état de la juridiction et d'un projet de loi, élaboré sans aucune concertation avec la profession , qui oriente les tribunaux administratifs dans la voie du juge unique, alors que, faute de moyens en personnels de greffe et en raison des délais de jugement, ils se trouvent au bord de l'asphyxie. Or, il lui indique que la collégialité est une garantie essentielle tant pour les justiciables assurés de voir leur dossier sérieusement examiné, que pour les magistrats dont l'indépendance est ainsi préservée. Enfin, les magistrats de la juridiction administrative sont inquiets, compte tenu des conditions dans lesquelles s'effectue la gestion de leur corps assurée, depuis le 1er janvier 1990, par le Conseil d'Etat. Ils constatent, en effet, tant en ce qui concerne leur avancement que leurs affectations territoriales, parfois liées à un avancement, que les règles claires disparaissent au profit d'une gestion dite personnalisée et ils craignent que le bénéfice que l'on pouvait raisonnablement attendre de la loi n° 86-14 du 6 janvier 1986, destinée à garantir l'indépendance des magistrats, ne se perde progressivement. En conséquence, face au profond malaise et à la lassitude auxquels sont confrontés les magistrats de la juridiction administrative, il lui demande de lui indiquer les mesures concrètes qu'il compte prendre pour améliorer tant leur situation que leurs conditions d'exercice.

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Réponse du ministère : Justice publiée le 18/07/1991

Réponse. - Les différents points évoqués par l'honorable parlementaire méritent d'être replacés dans le cadre de l'entreprise de modernisation de la justice administrative, mise en oeuvre par la loi du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif. A la suite de cette loi, le Gouvernement a consenti un effort sans précédent en créant plus de 170 emplois de magistrat dans les juridictions administratives, dont 72 dans les seuls tribunaux administratifs, soit une augmentation globale des effectifs du corps des tribunaux administratifs de 45 p. 100 en trois ans, ces créations d'emplois s'accompagnant de l'ouverture de 33 postes de présidents. Les effectifs sont ainsi passés de 376 emplois de magistrat à 539 en trois exercices budgétaires. La situation des personnels de greffe n'a pas suivi une évolution comparable. Cette situation, qui n'est pas sans poser de réels problèmes de fonctionnement aux juridictions, devrait connaître un début d'amélioration grâce à la création par la loi de finances pour 1991 de 30 emplois de greffe. L'efficacité de la réforme de la justice administrative passe également par une meilleure reconnaissance du rôle et des efforts du corps des tribunaux administratifs. C'est ainsi que la prime forfaitaire spéciale dont le taux a été relevé de 25 p. 100 en 1989 à 30 p. 100 en 1990, a été fixée par la loi de finances pour 1991 à 31 p. 100. En outre, des primes supplémentaires sont versées aux chefs de juridiction. Par ailleurs, les mesures qui viennent d'être introduites en vue d'accélérer le cours des procédures contentieuses devant les tribunaux administratifs ne remettent aucunement en cause l'indépendance des magistrats de l'ordre administratif, garantie par la loi du 6 janvier 1986, non plus que le principe de collégialité des décisions rendues par les tribunaux. La faculté pour les présidents de statuer seuls, par ordonnance, dans les cas où un examen en formation collégiale n'est pas justifié (désistement, non-lieu à statuer, requête manifestement irrecevable, refus de sursis à exécution) constitue une simple extension aux tribunaux administratifs et aux cours administratives d'appel de procédures existant depuis 1984 au Conseil d'Etat. Enfin, face à l'inquiétude exprimée par l'honorable parlementaire au sujet du statut des membres du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, il paraît utile de rappeler que les points ci-dessus évoqués font l'objet, lors de réunions régulières, de discussions approfondies avec les organisations syndicales. Pour sa part, le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel est saisi de toute question se rapportant à la situation individuelle des membres du corps et au suivi des juridictions, ses avis étant assurés d'une application sans faille. Le Conseil supérieur fait également des propositions en matière de gestion des carrières des magistrats. Ses propositions sont évidemment scrupuleusement suivies par les autorités de gestion du corps.

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