Question de M. DEBARGE Marcel (Seine-Saint-Denis - SOC) publiée le 10/12/1987

M. Marcel Debarge manifeste à M. le Premier ministre son étonnement de voir un tribunal se prononcer sur la nature de la revendication qui est à l'origine d'un préavis de grève et aller ainsi à l'encontre de la loi constitutionnelle reconnaissant pleinement le droit de grève, d'autant plus que c'est la troisième fois qu'un fait semblable se produit : 4 juillet 1986, la cour de cassation juge " qu'un mouvement de grève est abusif lorsque l'employeur n'a aucune chance de satisfaire les revendications " ; 30 juillet 1987, le tribunal de grande instance de Créteil ordonne la suspension de la grève des pilotes d'Air France, le jugeant " illicite et à caractère déraisonnable " ; 21 novembre 1987, le tribunal de Bobigny juge " illicite " le préavis de grève lancé par les pilotes et les mécaniciens d'Air Inter. Il lui demande donc de lui faire connaître la position du Gouvernement sur ces faits jugés très graves selon lui, car c'est l'avenir du droit de grève qui se tr ouverait ainsi menacé.

- page 1924


Réponse du ministère : Premier ministre publiée le 24/03/1988

Réponse. -Le Premier ministre s'abstient de porter une quelconque appréciation sur les décisions de justice. Respectueux des institutions de la République, il ne peut oublier que la séparation des pouvoirs en est un des principes fondateurs et qu'elle lui interdit toute immixtion dans le fonctionnement de la justice ainsi ainsi que toute critique contre les décisions souveraines des cours et tribunaux. La situation actuelle trouve son origine dans l'abstention du législateur. Les lois qui auraient pu aménager l'exercice du droit de grève, aux termes mêmes du préambule de la Constitution de 1946, font toujours défaut en dehors du secteur public. Dans le silence du législateur, il est donc tout à fait normal que les juges aient été conduits à dégager, de leur propre chef, une jurisprudence sur le droit de grève. A ceux qui s'émeuvent de certaines de ces décisions de justice, auxquelles il convient d'ajouter les deux arrêts récents de la cour d'appel de Paris, lePremier ministre indique que l'alternative était, soit de s'accommoder de la marge d'appréciation laissée aux juges, soit d'envisager l'éventualité d'une intervention du législateur pour préciser les conditions de l'exercice du droit de grève. Il va de soi qu'une telle intervention se serait concevable que sur la base d'une réflexion préalable approfondie, menée dans un climat de sérénité et de dialogue. Une telle réflexion ne pourrait être entreprise qu'à la faveur d'un consentement des partenaires concernés. Or force est de constater que ces conditions ne sont pas réunies à l'heure actuelle, essentiellement parce que les organisations syndicales redoutent qu'une réglementation législative du droit de grève ne se traduise en définitive par sa limitation. Dès lors, le Premier ministre ne peut que réaffirmer son attachement profond au droit de grève, droit de valeur constitutionnelle en même temps que conquête sociale à laquelle le monde du travail est légitime ment attaché, assurer qu'il n'a nullement l'intention de passer outre à l'hostilité des organisations syndicales pour mettre en oeuvre un quelconque projet de réforme en cette matière, et appeler chacun à accueillir les décisions de justice avec la mesure et la sérénité qui s'imposent.

- page 397

Page mise à jour le