Question de M. LAURIOL Marc (Yvelines - RPR) publiée le 14/05/1987

M.Marc Lauriol expose à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, les critiques sévères qu'a soulevées sa réponse du 26 février 1987 à la question écrite n° 3420 relative à la sanction pénale assortissant l'obligation du port de la ceinture de sécurité dans les automobiles. La moitié de cette réponse est consacrée à l'efficacité de la ceinture alors que la question ne contestait que la régularité de la sanction pénale. A ce dernier égard, la question était et reste : un décret peut-il sanctionner pénalement un automobiliste qui ne porte pas sa ceinture de sécurité alors que l'intérêt d'autrui n'est pas en cause et qu'aux termes de la Déclaration des droits de l'homme de 1789, qui a valeur constitutionnelle " la liberté consiste à pouvoir faire ce qui ne nuit pas à autrui " (art. 4) et " la loi (elle-même .) n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société " (art. 5). C'est ainsi que le port du casque ou des gants pour certains ouvriersn'est assorti d'aucune sanction pénale à l'encontre de ces derniers contrairement à ce que la réponse du 26 février 1987 laisse entendre. En conséquence, il lui demande très précisément comment il peut soutenir qu'une mesure qui vise à assurer la sécurité de son seul destinataire est une mesure de sécurité publique, car sanctionnant un comportement " nuisible à la société ", sans affirmer, du même coup et par là même, que ce destinataire appartient à la société au point que l'Etat exerce sur lui un droit éminent, lui dictant les risques qu'il doit et ne doit pas courir contrairement aux articles 4 et 5 de la déclaration de 1789. Cette question se pose d'autant plus qu'il est possible de prévoir des sanctions civiles sans doute aussi efficaces que la sanction pénale.

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Réponse du ministère : Justice publiée le 06/08/1987

Réponse. -Le garde des sceaux, ministre de la justice, a l'honneur de porter à la connaissance de l'honorable parlementaire que, saisies de moyens identiques à ceux évoqués dans la présente question, tendant à faire juger l'illégalité de la sanction pénale assortissant l'obligation du port de la ceinture de sécurité, les deux plus hautes juridictions nationales ont apporté des réponses exemptes de toute ambiguïté. Dans un arrêt Millet du 17 décembre 1975, le Conseil d'Etat, en réponse à l'argument tiré de l'illégalité de l'article R. 53-1 du code de la route, a souligné qu'il appartient au Gouvernement, en vertu des dispositions des articles 21 et 37 de la constitution, de prendre les mesures de police applicables à l'ensemble du territoire, et notamment celles qui ont pour objet la sécurité des conducteurs ; il a en outre jugé qu'en faisant obligation à certains de ceux-ci, afin de réduire les conséquences des accidents de la route, de porter une ceinturede sécurité attachée, l'article R. 53-1 du code de la route n'excède pas les pouvoirs conférés à l'autorité réglementaire. Dans un arrêt du 20 mars 1980 (affaire Ruch), la chambre criminelle de la Cour de cassation a cassé et annulé un jugement de relaxe du tribunal de police d'Illkirch-Graffenstaden ; cette juridiction avait estimé que le port obligatoire de la ceinture intéressait uniquement la protection de la personne concernée, qu'elle ne poursuivait donc pas un but de sécurité publique et qu'elle était par conséquent contraire aux articles 4 et 5 de la déclaration des droits relative à la liberté individuelle de 1789. " celle-ci ne pouvant être limitée que par le législateur dès lors que l'usage qui en est fait est sans influence sur les risques encourus par les tiers ". La chambre criminelle a considéré qu'en statuant par de tels motifs à l'égard de dispositions réglementaires " prises régulièrement par l'autorité administrative compétente à l'effet d'assurer, outre la protection des conducteurs de véhicule, celles de leurs passagers et des autres usagers de la route, et qui ainsi sont constitutives d'un règlement de police ayant pour objet la sécurité publique ", le tribunal avait excédé ses pouvoirs. Enfin, il n'est pas sans intérêt d'observer que l'omission du port de casque par un motocycliste est également assortie d'une sanction pénale dont le bien fondé n'est habituellement pas contesté, alors que ce type de comportement ne met en danger que son auteur. Quant aux sanctions civiles, outre qu'elles poseraient de délicats problèmes juridiques, elles seraient en la matière à la fois difficiles à mettre en oeuvre et aléatoires dans leurs résultats. Aussi le garde des sceaux ne peut-il que confirmer les termes de sa réponse à la précédente question écrite n° 3420 posée par l'honorable parlementaire sur ce même thème.

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