Question de M. DAILLY Etienne (Seine-et-Marne - G.D.) publiée le 19/02/1987

M. Etienne Dailly, pour ne citer que les deux derniers exemples d'une trop longue série de cas analogues, expose à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, 1° que le dimanche 14 décembre 1986, les hommes du groupement d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), appelés en renfort, ont réussi à mettre un point final, on voudrait être certain que ce soit vraiment bien le cas, à la cavale d'un dangereux malfaiteur, bien entendu armé, qui purgeait depuis 1981 une peine de huit ans de réclusion criminelle à la maison d'arrêt de Poissy pour le meurtre de l'une de ses tantes et qui n'en avait pas moins bénéficié au tout début du mois de novembre d'une permission exceptionnelle pour se rendre, ironie du destin, à l'enterrement d'une autre de ses tantes ; il n'a pas réintégré la maison d'arrêt à la fin de sa permission, a trouvé refuge chez un grand-père très âgé domicilié à Courtry (Seine-et-Marne), y reçut la visite de ses deux filles et s'empressa de violer l'une d'entre elles, âgée de quatorze ans et demi ; 2° que le 31 janvier 1987, lors d'un hold-up au centre Leclerc de Champigny, un dangereux récidiviste qui purgeait à la maison d'arrêt de Caen des peines s'élevant au total à vingt ans de réclusion criminelle pour vol avec armes, vol qualifié avec violences, vol à main armée avec tentative de meurtre et tentative d'homicide et qui n'en avait pas moins bénéficié d'une permission de Noël, n'a pas réintégré la maison d'arrêt à la fin de cette permission et, avec le concours d'un ancien détenu, lui-même condamné en 1978 à dix ans de prison pour un hold-up et libéré le 8 décembre 1986, a préféré organiser le hold-up du centre Leclerc de Champigny qui a coûté la vie à un des convoyeurs de fonds agressés, à une fillette de treize ans et finalement à lui-même. ; M. Etienne Dailly lui rappelle : a) que depuis la loi du 29 décembre 1972 jusqu'à celle du 22 novembre 1978, c'était le juge de l'application des peines qui avait compétence pleine et entière pour statuer sur les demandes de permission de sortir après consultation de la commission de l'application des peines composée de lui-même, qui la présidait, du procureur de la République et du directeur de la prison ; b) qu'en application de la loi n° 78-1097 du 22 novembre 1978, les autorités appelées à prononcer l'autorisation de sortir étaient devenues : 1° le juge de l'application des peines, lorsque le détenu avait été condamné à une peine privative de liberté inférieure à trois ans ; 2° la commission de l'application des peines, composée comme ci-dessus rappelé, lorsque le détenu avait été condamné à une peine privative de liberté supérieure à trois ans ; 3° la commission de l'application des peines, mais statuant à l'unanimité, lorsque le détenu avait été condamné pour certaines infractions de violence grave ; c) que depuis la loi du 10 juin 1983, le juge de l'application des peines a retrouvé sa compétence pleine et entière pour statuer, seul, sur les demandes de permission de sortir, après avis de la commission de l'application des peines qui est donc redevenue consultative comme avant le 22 novembre 1978. De ce fait, il lui demande de bien vouloir lui indiquer quels avaient été les avis de la commission de l'application des peines compétente pour chacun des détenus en cause. Dans le cas où lesdits avis ont été défavorables, les procureurs de la République concernés, membres de ces commissions d'application des peines, n'avaient-ils pas la possibilité de s'opposer aux décisions de ces juges de l'application des peines ou à leur exécution en en faisant appel, dans l'affirmative devant quell autorité ou juridiction et l'ont-ils fait. Si lesdits avis ont été favorables, faut-il en déduire que, ni les procureurs de la République, ni les directeurs des établissements pénitentiaires, n'ont reçu d'instructions permanentes du garde des sceaux, ministre de la justice, pour s'opposer, lors des délibérations de ces commissions, à toute attribution de permission de sortir à des détenus condamnés pour crime de sang ou pour violences graves, ou qu'en ayant reçues, les uns ou les autres ne s'y soient pas conformés. D'une manière plus générale, M. Etienne Dailly demande au garde des sceaux, ministre de la justice, de bien vouloir lui indiquer : 1° le nombre de permissions de sortir accordées depuis le 1er décembre 1978 à des détenus condamnés pour crime de sang ou pour violences graves en les distinguant selon qu'elles ont été accordées du 1er décembre 1978 au 30 juin 1981, du 1er juillet 1981 au 30 juin 1983, du 1er juillet 1983 au 31 mars 1986 et depuis le 1er avril 1986 ; 2° parmi ces permissions et ventilé selon les mêmes périodes, le nombre de permissions de sortir à l'issue desquelles les détenus n'ont pas regagné l'établissement pénitentiaire où ils purgeaient leur peine ; 3° parmi ces permissions et ventilé selon les mêmes périodes, le nombre de celles au cours ou à la suite desquelles ont été perpétrés d'une part de nouveaux crimes ou tentatives de crimes, d'autre part de nouveaux délits ou tentatives de délits ; 4° si les chefs d'établissements pénitentiaires ont reçu instruction d'aviser au préalable et en temps utile les services de police des permissions de sortir accordées aux détenus visés au 1° ci-dessus.

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Réponse du ministère : Justice publiée le 30/04/1987

Réponse. -Les données statistiques dont dispose actuellement l'administration pénitentiaire concernant les permissions de sortir accordées aux condamnés permettent de constater l'évolution suivante : 1° globalement Nota : voir tableau p.671 L'exploitation des données statistiques pour l'année 1986 n'est pas achevée. 2° Pour chacune des périodes envisagées L'appareil statistique ne permet pas de ventiler les permissions, notamment selon la nature ou la gravité de l'infraction reprochée. Toutefois, l'administration pénitentiaire va engager une étude plus approfondie portant sur un échantillon d'établissements particulièrement représentatifs, qui permettra de répondre dans le détail aux questions posées par l'honorable parlementaire et dont les résultats lui seront directement communiqués. Pour ce qui concerne les deux faits évoqués, il est possible de fournir les précisions suivantes : dans le premier cas, le permissionnaire avait été condamné pour homicide volontaire mais il ne lui restait plus à subir qu'un temps de détention de deux années. Il avait déjà été autorisé du 10 au 11 octobre 1986 à se rendre au chevet de sa grand- mère gravement malade et c'est à l'occasion des obsèques de cette dernière qu'il n'a pas réintégré le 29 octobre suivant la maison centrale de Poissy. Ces deux permissions avaient été accordées à l'unanimité des membres de la commission de l'application des peines. Dans le second cas, l'intéressé condamné pour vols qualifiés était libérable le 6 décembre 1990. Il s'agissait de sa treizième permission de sortir, pour l'octroi de laquelle aucune opposition n'avait été exprimée. Quant aux conditions d'octroi des permissions en général, plusieurs circulaires depuis 1971 ont recommandé aux autorités intéressées de faire preuve de prudence et de discernement à cet égard : ainsi celles du 16 février 1976 de la direction de l'administration pénitentiaire à ses services, du 30 mars 1976 aux parquets, du 16 mars 1978 aux parquets et services pénitentiaires, qui demande expressément que le représentant du ministère public émette un avis favorable à l'égard des condamnés ayant <<commis des actes de violences graves>>, instruction renouvelée <<très fermement>> le 5 septembre 1978, en précisant que les détenus ayant commis des crimes de sang ou des vols qualifiés avec arme ne devaient pas bénéficier de permissions ; du 20 mars 1979, recommandant dans ces cas la plus grande prudence aux parquets et aux chefs d'établissements, outre diverses diligences pour assurer la circulation de l'information avec les services de police ou de gendarmerie. Ces instructions n'ont jamais été expressément abrogées. Mais elles n'ont pas eu la même portée selon les textes en vigueur, et les pouvoirs conférés dans la procédure d'octroi aux parquets et chefs d'établissements. La loi du 10 juin 1983 ayant redonné au juge de l'application des peines compétence exclusive pour statuer en la matière, seul le recours pour violation de la loi permettrait au représentant du ministère public de s'opposer à une permission, alors que sous l'empire des lois du 12 novembre 1978 et du 2 février 1981, la participation du procureur de la République et du chef d'établissement à la prise de la décision, permettait le cas échéant de faire prévaloir plus efficacement le trouble à l'ordre public que pouvait constituer l'octroi de cette mesure. C'est afin de mettre un terme à cette situation que la loi du 9 septembre 1986, a instauré dans les cas la possibilité pour le procureur de la République de déférer au tribunal correctionnel, statuant en chambre du conseil, les ordonnances accordant une permission de sortir, la requête de saisine ayant pour effet de suspendre l'exécution de la décision. ; Dans le second cas, l'intéressé condamné pour vols qualifiés était libérable le 6 décembre 1990. Il s'agissait de sa treizième permission de sortir, pour l'octroi de laquelle aucune opposition n'avait été exprimée. Quant aux conditions d'octroi des permissions en général, plusieurs circulaires depuis 1971 ont recommandé aux autorités intéressées de faire preuve de prudence et de discernement à cet égard : ainsi celles du 16 février 1976 de la direction de l'administration pénitentiaire à ses services, du 30 mars 1976 aux parquets, du 16 mars 1978 aux parquets et services pénitentiaires, qui demande expressément que le représentant du ministère public émette un avis favorable à l'égard des condamnés ayant <<commis des actes de violences graves>>, instruction renouvelée <<très fermement>> le 5 septembre 1978, en précisant que les détenus ayant commis des crimes de sang ou des vols qualifiés avec arme ne devaient pas bénéficier de permissions ; du 20 mars 1979, recommandant dans ces cas la plus grande prudence aux parquets et aux chefs d'établissements, outre diverses diligences pour assurer la circulation de l'information avec les services de police ou de gendarmerie. Ces instructions n'ont jamais été expressément abrogées. Mais elles n'ont pas eu la même portée selon les textes en vigueur, et les pouvoirs conférés dans la procédure d'octroi aux parquets et chefs d'établissements. La loi du 10 juin 1983 ayant redonné au juge de l'application des peines compétence exclusive pour statuer en la matière, seul le recours pour violation de la loi permettrait au représentant du ministère public de s'opposer à une permission, alors que sous l'empire des lois du 12 novembre 1978 et du 2 février 1981, la participation du procureur de la République et du chef d'établissement à la prise de la décision, permettait le cas échéant de faire prévaloir plus efficacement le trouble à l'ordre public que pouvait constituer l'octroi de cette mesure. C'est afin de mettre un terme à cette situation que la loi du 9 septembre 1986, a instauré dans les cas la possibilité pour le procureur de la République de déférer au tribunal correctionnel, statuant en chambre du conseil, les ordonnances accordant une permission de sortir, la requête de saisine ayant pour effet de suspendre l'exécution de la décision. Ce dispositif doit dorénavant permettre d'éviter l'attribution de permission de sortir, non seulement lorsque l'octroi de la permission est intervenu dans des conditions illégales mais également lorsque cette mesure d'individualisation est dangereuse pour l'ordre public ou inopportune. De nouvelles instructions sont en préparation pour unifier et harmoniser les précédentes et préciser les conditions dans lesquelles les parquets devront user de cette faculté ; elles ne manqueront pas de tenir le plus grand compte des préoccupations exprimées par l'honorable parlementaire. ; Ce dispositif doit dorénavant permettre d'éviter l'attribution de permission de sortir, non seulement lorsque l'octroi de la permission est intervenu dans des conditions illégales mais également lorsque cette mesure d'individualisation est dangereuse pour l'ordre public ou inopportune. De nouvelles instructions sont en préparation pour unifier et harmoniser les précédentes et préciser les conditions dans lesquelles les parquets devront user de cette faculté ; elles ne manqueront pas de tenir le plus grand compte des préoccupations exprimées par l'honorable parlementaire.

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Erratum : JO du 21/05/1987 p.821

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