Question de M. BAYLET Jean-Michel (Tarn-et-Garonne - G.D.) publiée le 05/02/1987

M. Jean-Michel Baylet attire l'attention de M. le Premier ministre sur le caractère désastreux de l'accord conclu le 27 janvier 1987 entre la Communauté économique européenne et les Etats-Unis pour éviter un nouvel épisode de la guerre commerciale entre les deux côtés de l'Atlantique. Dénonçant la tendance des Etats-Unis à substituer dans leurs rapports commerciaux avec l'Europe des procédés de puissance aux instruments disponibles du dialogue international, il déplore que la Communauté ait cédé à ce qui constitue une véritable " prise d'otages commerciale ". Il observe que l'accord réduit à néant les perspectives positives du dernier élargissement de la Communauté pour les producteurs de céréales qui avaient escompté de nouveaux débouchés sur le marché espagnol et que, d'une façon générale, les agriculteurs français subiront plus lourdement que d'autres les effets négatifs de ces concessions. Il relève que, en cédant aux pressions américaines, la Communauté européenne a accepté de méconnaître une fois de plus le principe de la préférence communautaire, pourtant élément essentiel de sa raison d'être, et a créé le risque que s'institutionnalise une telle pratique. Il déplore, outre, que les conséquences de l'élargissement de la Communauté à l'Espagne et au Portugal n'aient pas fait l'objet d'un examen global, les Etats-Unis tirant bénéfice de la disparition du protectionnisme de ces deux pays à l'égard des produits industriels du fait de leur adhésion. Il lui demande comment la crédibilité interne et externe de la Communauté européenne pourra être restaurée après un échec où l'Europe a montré, une fois de plus, ses divisions alors que, après l'adoption de l'Acte unique, sa cohésion est plus nécessaire que jamais si elle veut être davantage qu'une simple zone de libre-échange . - Question transmise à M. le ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes.

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Transmise au ministère : Affaires européennes


Réponse du ministère : Affaires européennes publiée le 09/04/1987

Réponse. -L'accord conclu le 29 janvier 1987 entre la Communauté et les Etats-Unis, s'il n'est pas entièrement satisfaisant puisqu'il crée une brèche dans le principe de la préférence communautaire, ne peut, en aucun cas, être qualifié de désastreux. Il convient d'abord de souligner que les Etats-Unis étaient, jusqu'à un certain point, fondés à demander une compensation à la suite de l'élargissement. Lorsqu'une union douanière s'élargit, il en résulte forcément, pour les pays tiers, des avantages et des inconvénients. L'article XXIV, alinéa 6, du G.A.T.T. prévoit qu'une négociation dans cette enceinte doit permettre de faire le bilan. Dans le cas de l'Espagne, il était évident qu'il y aurait un problème pour le maïs américain, du fait de l'application de la préférence communautaire. Ce problème aurait dû être réglé avant l'adhésion. Il ne l'a pas été. Les Etats-Unis ont recouru dès le mois de mai 1986 à des mesures de rétorsion d'une ampleur sans commune me sure avec le préjudice qu'ils affirment subir. Face à cette agressivité américaine, la Communauté est restée soudée et a fait preuve, à la fois : d'ouverture à la négociation, car le déclenchement d'une guerre commerciale n'était de l'intérêt de personne et sûrement pas de celui des agriculteurs français ; de fermeté, en adoptant des mesures de contre-rétorsion pénalisantes. Cette fermeté a permis à la Communauté de négocier un arrangement qui apparaît comme le moins mauvais possible : par rapport aux bases initiales, des progrès certains ont été enregistrés : les Américains souhaitent le libre accès en Espagne de 13 millions de tonnes de maïs, prétention ramenée par la suite à 4 puis 2 800 000 tonnes. La Commission avait proposé 1 600 000 tonnes. Le résultat de la négociation est de 2 millions de tonnes sur la maïs ; l'accord prévoit le retour progressif à la préférence communautaire : sa durée est limitée à quatre ans et, au cours de cette période, les produits de substitution des céréales qui entreront en Espagne et qui ne sont frappés de toute façon d'aucun prélèvement diminueront d'autant le chiffre des importations de maïs autorisées ; l'accord répond par avance aux demandes que pourraient présenter d'autres pays tiers à la suite de l'élargissement : les 2 millions de tonnes de maïs et les 300 000 tonnes de sorgho que la Communauté accepte d'importer chaque année pendant quatre ans incluent non seulement les importations américaines, mais aussi celles en provenance de tous les autres pays tiers (essentiellement l'Argentine). Il n'est pas exact que l'accord réduise à néant les perspectives positives de l'élargissement pour les producteurs de céréales : le marché espagnol est importateur d'environ 4 millions de tonnes de maïs par an. Les producteurs français peuvent espérer s'approprier de l'ordre de 2 millions de tonnes dès à présent, contre des importations voisines de 100 000 tonnes seulement jusqu'en1986. Dans quatre ans, ce chiffre doublera ; la Commission a pris l'engagement de gérer le marché de telle sorte que les producteurs de maïs n'aient, en aucun cas, à souffrir de la mise en oeuvre de cet accord. Contrairement aux craintes de l'honorable parlementaire, la crédibilité de la Communauté n'a pas été affectée par cet accord, comme en témoigne l'évolution, dans les semaines qui ont suivi sa conclusion, du contentieux avec les Etats-Unis sur l'industrie aéronautique.

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