Question de M. LAURIOL Marc (Yvelines - RPR) publiée le 27/11/1986

M. Marc Lauriol attire l'attention de M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, sur les questions soulevées par l'éventuelle suppression, par décret, des remboursements effectués par l'Etat, aux débirentiers, d'une partie des dépenses de revalorisation annuelle des rentes viagères imposées par les lois de finances successives. Ces remboursements remontent à la loi du 25 mars 1949 et aux lois postérieures. Un décret du 12 juin 1984 a fixé à 80 p. 100 la part de ces dépenses remboursées. Selon des informations, non confirmées, un décret serait en préparation visant à supprimer ces remboursements. En conséquence, il lui demande : 1° si ces informations sont exactes ; dans l'affirmative, 2° comment un décret pourrait supprimer l'obligation légale de remboursement ; 3° si, à tout le moins, ce décret sera dépourvu de tout effet rétroactif ; 4° si toutes les incidences sur les mécanismes de l'assurance seront bien analysées, notamment au regard des deux points suivants. D'une part, la charge de revalorisation découlant pour les organismes débirentiers ne comprendrait pas seulement les arrérages à payer, mais aussi les provisions techniques à constituer, estimées par les assureurs à 14 milliards de francs pour l'ensemble des revalorisations. Le financement d'une telle somme ne pourrait qu'entraîner un prélèvement sur les bénéfices techniques et financiers. D'autre part, ces bénéfices sont calculés en ne tenant pas compte de la part laissée à la charge des débirentiers dans les revalorisations légales. Or, les articles A.132-1 à A.132-7 du code des assurances imposent de distribuer aux assurés une part minimale de ces bénéfices ainsi calculés. Si la part laissée aux débirentiers atteint une part importante, voire la totalité de la charge de revalorisation, les organismes débirentiers vont se trouver dans l'obligation paradoxale d'avoir à distribuer des bénéfices fictifs puisque absorbés, en réalité, par la charge de revalorisation. L'Etat imposerait ainsi aux débirentiers de violer des prescriptions essentielles des lois civiles et commerciales. . - Question transmise à M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, chargé du budget.

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Réponse du ministère : Budget publiée le 08/01/1987

Réponse. -Les rentes viagères résultent de contrats librement consentis entre une personne physique ou morale, le crédirentier, qui est un particulier ou une entreprise, et un débirentier qui peut être soit un particulier, soit une compagnie d'assurance, soit une caisse autonome mutualiste, soit la Caisse nationale de prévoyance (C.N.P.), héritière de l'ancienne Caisse nationale de retraite pour la vieillesse (C.N.R.V.), organisme indépendant de l'Etat. L'Etat demeure donc, dans tous les cas, étranger aux contrats de rentes viagères et, sur un plan strictement juridique, il aurait pu se dispenser d'intervenir. Toutefois, en raison de la forte érosion monétaire constatée après guerre, l'Etat est intervenu à partir de 1949 pour compenser partiellement les effets les plus néfastes de l'inflation sur la situation des viagers rentiers en instituant les majorations légales de rentes viagères et en participant au financement des majorations servies par la C.N.P., les compagnies d'assurances et les caisses autonomes mutualistes. Ainsi, bien que la charge des majorations légales incombe aux débirentiers, selon un principe rappelé en dernier lieu par la loi de finances pour 1984, l'Etat continue actuellement de financer en moyenne plus de 90 p. 100 de ces majorations. Or la dépense budgétaire des majorations légales est considérable (2 033 millions de francs en 1986) alors que le caractère social de cette intervention de l'Etat tend à s'estomper. En effet, la nature de la souscription des rentes viagères a sensiblement évolué. Avant la seconde guerre mondiale, les rentes semblent avoir été principalement souscrites par des personnes à faible revenu qui ont ainsi réalisé un effort de prévoyance personnel à une époque où les régimes de retraite étaient peu répandus. La généralisation progressive des régimes de retraite obligatoire a évidemment réduit la portée de cette fonction initialement dévolue aux rentes viagères. La souscription de rentes viagères apparaît désormais davantage comme un mode de placement de l'épargne même si celui-ci s'effectue souvent dans un cadre collectif (assurance-groupe complément de retraite par exemple). Par ailleurs, une conjoncture financière très favorable permet aux organismes débirentiers de dégager, depuis plusieurs années, d'importants produits financiers. Dans ces conditions, il a été décidé en 1984 d'augmenter leur participation au coût des majorations légales sur la base de taux différenciés tenant compte de leur spécificité. La loi de finances pour 1987 complète ce dispositif en réservant, en priorité, l'aide de l'Etat aux catégories de rentes les plus onéreuses pour les organismes, c'est-à-dire les rentes anciennes antérieures à 1977, qui représentent près des trois quarts de l'ensemble de leur portefeuille. Le coût qui devrait en résulter pour les débirentiers restera tout à fait compatible avec leurs capacités financières, et ne devrait donc pas, dans ces conditions, entraîner de répercussion sur le niveau des bénéfices redistribués aux créanciers.

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