Question de M. JOLIBOIS Charles (Maine-et-Loire - U.R.E.I.) publiée le 10/04/1986

M. Charles Jolibois attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les dispositions relatives aux perquisitions dans le cabinet ou au domicile des avocats, dans la circulaire en date du 22 janvier 1986 émanant de la direction des affaires criminelles et des grâces, pour l'application de loi n° 85-1407 du 30 décembre 1985, portant diverses dispositions de procédure pénale et de droit pénal. Il s'étonne vivement que l'interprétation très particulière de la volonté du Parlement que fait l'auteur de la circulaire en soutenant que " le législateur, après l'avoir envisagé, a renoncé à réserver au bâtonnier le soin de prendre connaissance des pièces et de faire lui-même le partage entre les documents couverts par la confidence, ceux qui ne le sont pas ". Il estime, en effet, que si le texte mis au point par la commission mixte paritaire, à l'article 10 de la loi n° 85-1407 instituant un nouvel article 56-1 dans le code de procédure pénale, n'a pas repris l'ensemble du dispositif voté par le Sénat en seconde lecture, mais préféré prescrire quelques règles simples, soulignant notamment que seuls les magistrats seraient désormais habilités à perquisitionner chez les avocats, en la présence obligatoire du bâtonnier ou de son représentant, il n'en convenait pas pour autant de conclure que le souhait final du législateur fût que prévale une solution exactement contraire, sur ce point, à celle que la Haute Assemblée avait adoptée en seconde lecture. Il lui apparaît au contraire que le législateur a voulu, lors de cette réforme, renforcer les droits de la défense, en n'estimant pas nécessaire de décrire les rôles respectifs de chacun, au cours de la perquisition, puisqu'ils pouvaient, en la matière, se référer aux usages existant au sein de certains ressorts. Il résulte au surplus clairement des travaux préparatoires que le législateur a évoqué nommément les usages du ressort de la cour d'appel de Paris, où la circulaire précédente de la chancellerie recevait une application constante, pour protéger la confidentialité de la relation entre l'avocat et ses clients. Il souligne que les recommandations de la circulaire du 22 janvier 1986, étant applicables sur tout le territoire français, conduiraient - si elles n'étaient pas réexaminées - à une régression évidente de la protection des droits de la défense dans de très nombreux ressorts, et notamment dans la région parisienne, sans même évoquer les entorses qu'elles apporteraient aux règles énoncées par la cour de Luxembourg et aux principes posés par la convention de la sauvegarde des droits de l'homme, en plaçant l'avocat français dans une situation d'infériorité sans égale en Europe, puisqu'elle sacrifierait le droit essentiel de tout citoyen à une relation secrète avec l'avocat de son choix. Pour ces mêmes raisons, il ne comprend pas l'affirmation contenue dans la circulaire du 22 janvier 1986, selon laquelle : " Les dispositions spécifiques concernant les perquisitions et visites effectuées par les agents des douanes et du fisc demeurent bien évidemment applicables ", alors que les dispositions de la loi du 31 décembre 1985 ont un caractère général et que les travaux préparatoires, comme l'article 56, font référence au secret professionnel et aux droits de la défense. Il lui demande donc s'il compte rapporter ou réexaminer les dispositions en question de la circulaire en date du 22 janvier 1986, afin qu'au minimum soient de nouveau applicables les règles de la circulaire du 17 février 1961, qui énonçait en particulier que " les droits de la ; défense seraient en effet violés si l'autorité judiciaire venait à prendre connaissance de documents confiés par des inculpés à leurs conseils ". 135 (1 à 6)-136

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Réponse du ministère : Justice publiée le 17/07/1986

Réponse. -L'étude des travaux parlementaires préalables à l'adoption de la loi du 30 décembre 1985 indique que le législateur, après l'avoir envisagé, a renoncé à introduire le principe selon lequel le bâtonnier seul prendrait connaissance des dossiers et ferait lui-même le partage entre les documents confidentiels et les autres. En réalité le nouvel article 56-1 du code de procédure pénale ne précise pas davantage que ne le faisait l'article C.105 du même code les voies et moyens assurant, lors des perquisitions chez un avocat, le respect nécessaire du secret professionnel et des droits de la défense. Il se borne à préciser, comme le texte ancien dont les principes ont désormais valeur législative, que de telles perquisitions ne doivent avoir lieu qu'en présence du bâtonnier. Bien qu'elle n'ait pas été reprise par la loi nouvelle, la formule de l'article C.105 du code de procédure pénale selon laquelle " les droits de la défense seraient violés si l'autorité judiciaire venait à prendre connaissance de documents confiés par des inculpés à leurs conseils " conserve toute sa valeur. Aucune disposition récente ne fait davantage obstacle à ce que les traditions existant dans de nombreuses juridictions soient maintenues ni même à ce que des usages nouveaux soient définis entre les magistrats et les autorités compétentes de l'ordre, aux fins, d'une part, d'assurer une meilleure information du bâtonnier ou de son représentant sur l'objet même de la mesure d'instruction décidée et, d'autre part, de lui permettre de donner son avis sur la confidentialité éventuelle du document recherché. J'ajoute qu'il reviendra aux tribunaux d'apprécier si l'article 56-1 nouveau du code de procédure pénale a remis en cause les droits de visite reconnus par des lois spéciales aux agents des douanes et du fisc pour rechercher certaines infractions. En revanche, la place de l'article 56-1 dans le code de procédure pénale (Titre II. - Des enquêtes et contrôles d'identité. Chapitre 1er. - Des crimes et délits flagrants) ainsi que la lettre même de ce texte ne permet pas d'affirmer que " les perquisitions chez un avocat doivent être réservées à un juge d'instruction ". Mais il va de soi, bien entendu, que les usages en cours doivent être maintenus. La circulaire adressée aux juridictions le 25 juin a notamment pour objet, sur ces points, d'apporter au texte critiqué les précisions nécessaires.

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