Mercredi 11 janvier 2023, après avoir auditionné la ministre Agnès Pannier-Runacher, la commission des affaires économiques, par la voix de son rapporteur, Daniel Gremillet, président du groupe d’études "Énergie", a largement amendé le projet de loi "Nouveau nucléaire", dans le sens de plus de rapidité et plus de sécurité, jugeant par ailleurs que, si ce texte va dans le bon sens, il est très insuffisant par rapport aux enjeux actuels de la filière du nucléaire.

Lors de l’examen de ce texte, la commission a déploré de nouveau que le Gouvernement légifère dans le désordre et sans stratégie en matière énergétique ! La logique aurait évidemment été de soumettre à l’examen parlementaire le projet de loi quinquennale sur l’énergie, puis le projet de loi sur l’accélération du nucléaire et enfin celui sur l’accélération des renouvelables.

De plus, le rapporteur a proposé à la commission de compléter le projet de loi selon 4 axes.

  1. Le premier vise à combler les angles morts du texte, qui pâtit d’un manque de vision stratégique, de neutralité technologique et de suivi démocratique. C’est pourquoi la commission a notamment :
    • Supprimé l’objectif de réduction à 50 % de la part du nucléaire dans la production d’électricité d’ici 2035 ;
    • Imposé la révision du décret fixant la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), qui prévoit toujours la fermeture de 12 réacteurs, hors ceux de Fessenheim ;
    • Intégré la relance du nucléaire à la planification énergétique et prévu que la loi quinquennale sur l’énergie, attendue pour juillet prochain, acte la construction des réacteurs et résolve les enjeux du financement ou des compétences ;
    • Inclus, au-delà des EPR2, les petits réacteurs modulaires (SMR) et les électrolyseurs d’hydrogène dans les mesures de simplification proposées ;
    • Prévu une reddition annuelle des comptes devant le Parlement sur la mise en œuvre de ces mesures, ce qui lui permettra d’être informé d’éventuelles difficultés, notamment en cas de retards et de surcoûts ;
    • Garanti une réflexion sur les réacteurs et les sites retenus ou envisagés, en prévoyant ainsi que d’autres types de réacteurs et d’autres conditions d’implantation puissent être intégrés aux mesures de simplification dans le futur.
  1. Le deuxième axe entend garantir la sécurité et la sureté des installations nucléaires, face aux nouveaux risques, climatiques ou numériques, en intégrant les risques liés au changement climatique dans la démonstration de sûreté des réacteurs (conditions climatiques et météorologiques extrêmes, submersion, inondation, recul du trait de côte…) et la cyber-résilience dans leur protection contre les actes de malveillance. En outre, elle a souhaité maintenir un rapport de sûreté intermédiaire pour le réexamen des réacteurs et consolidé les attributions et le fonctionnement de la commission des sanctions de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN).
  1. Le troisième axe prévoit d’associer les collectivités et le public, en veillant à la réalisation des consultations, au contenu des évaluations et à l’absence d’effets de bord. La commission a prévu que la qualification d’"intérêt général" de la construction des réacteurs ne puisse intervenir qu’après la réalisation du débat public. Elle a garanti la consultation du public et celle des collectivités dans les procédures liées aux nouveaux réacteurs. Elle a consolidé le contenu de l’étude d’impact, pour y inscrire les spécificités propres aux installations nucléaires. Enfin, elle a évité tout effet de bord pour les collectivités dans la perception de la taxe d'aménagement et l’application du Zéro artificialisation nette (ZAN).
  1. Le dernier axe prévoit de renforcer la sécurité juridique , en encadrant certaines procédures dérogatoires, en veillant à l’accélération des contentieux et en facilitant la réalisation des travaux. La commission a ciblé le champ de la procédure d’expropriation et introduit des garanties pour le relogement des habitants ou l’indemnisation des artisans ou commerçants. Enfin, elle a institué deux nouvelles procédures, afin de faciliter, d’une part, la résolution des contentieux pour les nouveaux réacteurs et, d’autre part, la réalisation des travaux pour ceux existants.

Au total, l’ensemble de ces dispositions redonnent une ligne stratégique à la filière du nucléaire, dans toutes ses dimensions, et raccourcit les délais de construction d’environ 56 mois.

Pour Daniel Gremillet, "La relance du nucléaire n’est pas réductible à une loi de simplification ! Si la simplification des procédures est bienvenue, le Gouvernement doit réviser sa stratégie, acter les constructions et prévoir des moyens financiers et humains. C’est pourquoi nous proposons d’abroger les verrous posés à la relance du nucléaire, issus de la loi de Transition énergétique, et d’intégrer cette relance dès la loi quinquennale sur l’énergie, de juillet prochain. Il faut aussi répondre aux risques nouveaux. Aussi suggérons-nous d’inclure la résilience au changement climatique dans la sûreté et la cyber-résilience dans la sécurité. Il faut enfin prendre en compte l’évolution technologique. À cette fin, nous recommandons de soutenir les SMR, les électrolyseurs d’hydrogène et la fermeture du cycle du combustible, au-delà des EPR2. Ce sont nos propositions législatives, pour un nucléaire plus rapide mais aussi plus sûr, plus propre et plus innovant !".

Pour Sophie Primas, "La politique conduite en matière d’énergie nucléaire souffre de dix ans d’atermoiements, de résignations et de politique politicienne. Or, le nucléaire est une énergie du long-terme, pilotable, non intermittente et bas-carbone. Elle ne s’oppose pas aux énergies renouvelables, elle s’additionne ! C’est la raison pour laquelle je déplore, une fois de plus, la méthode du Gouvernement. Le président de la République a attendu sa seconde campagne présidentielle et le discours de Belfort, l’an dernier, pour amorcer un virage plus favorable à cette énergie. Que de temps perdu ! C’est une faute grave qui perdure depuis 10 ans,alors que l’énergie nucléaire est au fondement de notre souveraineté, de notre compétitivité et de notre transition énergétique !".

La commission des affaires économiques est présidée par Sophie Primas (Les Républicains – Yvelines).

Daniel Gremillet (Les Républicains – Vosges) est président du groupe d’études "Énergie" et rapporteur du projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites existants et au fonctionnement des installations existantes.

Consulter l'Essentiel sur ce projet de loi

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