Réunie hier matin, la commission des affaires européennes du Sénat a jugé la proposition de règlement européen sur la liberté des médias non conforme au principe de subsidiarité. Ce principe – inscrit à l’article 5 du traité de l’Union européenne – garantit une bonne répartition des compétences entre l’Union européenne et les États membres.

Dans l’avis motivé adopté en commission, les sénateurs déclarent partager l’objectif principal du projet de texte européen : renforcer la liberté et l’indépendance des médias. Mais ils font valoir que le pluralisme et la liberté de la presse sont des droits fondamentaux, qui ne peuvent être défendus par une approche seulement fondée sur le marché intérieur. Ces droits vont aussi de pair avec la diversité culturelle et linguistique de l’Europe, dont la protection justifie l’intervention des États et le soutien de l’Union européenne. Celle-ci doit respecter les législations des États en la matière, surtout quand elles sont très protectrices, anciennes et robustes, comme c’est le cas en France. "La grande loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et la loi du 30 septembre 1986 sur la liberté de communication audiovisuelle sont des acquis très solides, qu’il ne faut toucher que d’une main tremblante", ont déclaré les rapporteurs de la commission des affaires européennes du Sénat, Catherine Morin-Desailly, Florence Blatrix Contat et André Gattolin. Ils ont pointé un risque de nivellement par le bas, si une harmonisation européenne était imposée. Ils ont aussi dénoncé l’incohérence qui consiste à réunir dans une même législation européenne deux écosystèmes très différents, celui de la presse et celui des médias audiovisuels et numériques.

"La valeur ajoutée réelle de cette proposition n’est pas évidente", selon Florence Blatrix Contat. Elle doit être aussi "mieux articulée avec la législation existante, en particulier le DMA (directive sur les marchés numériques) et le DSA (règlement sur les services numériques) qui vient d’être adopté et n’est même pas encore appliqué", a observé Catherine Morin-Desailly. "Face à ce texte aux objectifs louables et très ambitieux, nous appelons la Commission européenne à améliorer sa copie", a affirmé André Gattolin.

"Le contrôle du principe de subsidiarité participe de la démocratie européenne en permettant aux parlements nationaux d’intervenir directement dans le processus législatif européen", a rappelé Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes du Sénat, pour qui "le respect de ce principe est une condition nécessaire à la pérennité du projet européen". Plusieurs parlements européens ont adopté (Bundesrat et Bundestag allemands) ou vont adopter (Folketing danois, parlements suédois et irlandais) des avis similaires à celui de la commission des affaires européennes du Sénat qui deviendra celui du Sénat dans un mois. Si un tiers des parlements nationaux le font, ils envoient un "carton jaune" à la Commission européenne, qui doit se justifier. Si plus de la moitié se prononcent dans le même sens, elle devra revoir sa copie.

Retrouver l'avis motivé ici.

M. Jean-François Rapin (Les Républicains – Pas-de-Calais) est président de la commission des affaires européennes du Sénat.

Mmes Florence Blatrix Contat (Ain – Socialiste, écologiste et républicain)
et Catherine Morin-Desailly (Seine Maritime – Union centriste)
et M. André Gattolin (Hauts de Seine - Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants), rapporteurs,
sont membres de cette commission.

Chloé Humpich - Direction de la communication du Sénat
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