A l'issue de cinq mois de travaux et de 70 auditions, la mission d'information sur les fonds marins formule une feuille de route pour progresser dans la connaissance de nos grands fonds, enjeu de souveraineté qu'aucune grande puissance maritime ne saurait négliger.

La mission estime prématuré de se prononcer sur la prospection et l'exploitation des ressources minières : en effet, si la description des grands fonds marins a progressé, au cours des dernières décennies, l'inventaire de leur biodiversité ne fait que commencer et la compréhension de leur fonctionnement, des interactions entre écosystèmes, et du rôle des grands fonds dans le système océanique et climatique de la planète demeure lacunaire. L'analyse du besoin en ressources minérales d'origine marine, compte tenu des ressources alternatives potentielles et de l'évolution prévisible des marchés, doit par ailleurs être approfondie : certes, la transition énergétique est un facteur d'augmentation de la demande, et l'Europe cherche à accroître son autonomie stratégique, mais l'échéance et la nature des besoins demeurent floues compte tenu des réserves terrestres existantes, des possibilités de recyclage et de l'évolution des technologies et des besoins en minéraux associés.

La mission d'information estime toutefois que ces incertitudes ne doivent pas paralyser l'action publique, bien au contraire : dans le sillage du plan d'investissement France 2030, qui a donné une impulsion nouvelle à la politique des grands fonds marins, et de la stratégie de maîtrise des fonds marins du ministère des armées, la politique des grands fonds marins doit être relancée, sous l'impulsion d'un délégué interministériel placé auprès du Premier ministre, et dans le cadre d'une démarche réellement participative et politique, associant le Parlement et les outre-mer qui représentent 97 % de la zone économique exclusive française.

Une révolution copernicienne est donc nécessaire : la question des fonds marins intéresse l'ensemble des citoyens, notamment là où les modes de vie, l'économie et la culture sont très marqués par l'environnement maritime. Le réseau des outre-mer doit être associé au lancement et à la localisation des projets, dès l'amont, et participer au suivi et à la diffusion des résultats en aval.

La mission souhaite, par ailleurs, la reconstitution d'un ministère de la mer de plein exercice. Elle appelle à la constitution d'un conseil scientifique sur les fonds marins pour éclairer les choix politiques. Elle souhaite la mise en œuvre de la stratégie publiée le 5 mai 2021, à laquelle le plan France 2030 ne se substitue pas. L'ensemble des moyens annoncés, c'est-à-dire 600 millions d'euros (hors défense) doivent donc être alloués. Le projet de démonstrateur doit notamment être concrétisé en cinq ans, afin d'évaluer l'impact environnemental de l'extraction minière. La stratégie de maîtrise des fonds marins du ministère des armées doit être pleinement confirmée dans la prochaine loi de programmation militaire, et mettre à contribution la base industrielle et technologique française, car la France ne saurait rater le tournant des drones sous-marins.

La mission préconise enfin de renforcer les moyens humains et financiers de l'Ifremer et de l'Office français de la biodiversité, notamment dans leurs implantations outre-mer, de mettre l'accent sur le renouvellement et la modernisation de la Flotte océanographique française, et de créer un pôle d'excellence "fonds marins" sur le modèle du pôle d'excellence "cyber", associant l'ensemble des acteurs, afin de favoriser les synergies, de structurer une filière industrielle qui ne pourra se développer que grâce à la commande publique, et de contribuer au renforcement de l'offre de formation en lien avec les territoires.

Il s'agit en définitive, pour la France, de préserver son rôle historique de grande puissance maritime et de grande puissance scientifique, au niveau mondial, ce qui passera aussi nécessairement par une relance des coopérations internationales et par une implication accrue de l'Union européenne.

Pour aller plus loin :

est présidée par Michel Canévet (Union Centriste – Finistère).
Son rapporteur est Teva Rohfritsch (Rassemblement des démocrates progressistes et indépendants – Polynésie française).
L'actualité de la mission d'information sur le site internet du Sénat :
www.senat.fr/commission/missions/2021_fonds_marins.html

Philippe Péjo
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