Au terme d’une série d’auditions organisées sur la recherche d’alternatives aux produits phytopharmaceutiques, Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques et rapporteur du projet de loi relatif aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire estime que "le projet de loi, voulant rassurer tout le monde, ne retient pas la leçon des erreurs commises dans la loi biodiversité de 2016. En fixant une nouvelle fois une date limite à la possibilité de demander des dérogations, il ne tient pas compte des impératifs de la recherche. Le temps des tweets n’est pas le temps de la recherche, ni celui des saisons".

L’exemple de l’interdiction des néonicotinoïdes pour la betterave sucrière en est une bonne illustration. Roger Genet, directeur général de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), a rappelé qu’il n’existe qu’une alternative chimique aux néonicotinoïdes disposant d’une autorisation de mise sur le marché, mais qu’elle a une durabilité sans doute faible compte tenu du développement de la résistance des insectes à ces produits. Pour lui, "la recherche a besoin d’un peu de temps pour progresser. Beaucoup de travaux sont conduits de façon à offrir une palette de solutions aux agriculteurs. S’il y avait une solution miracle et efficace aujourd’hui, elle serait autorisée. Un avis de l’Anses mettra à jour la liste des alternatives en janvier".

Philippe Mauguin, président de l’Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae), auditionné dans le cadre du renouvellement de son mandat, a déclaré que la recherche s’était pourtant fortement mobilisée depuis des années pour trouver de telles alternatives, notamment par le biais du programme AKER sur la betterave sucrière, porteur d’avenir en matière de sélection de variétés résistantes à la jaunisse. "Malheureusement, la jaunisse de la betterave est complexe. Il y a des résistances variétales à un virus, voire un deuxième, mais la jaunisse c’est en réalité quatre types de virus ! Les chercheurs n’ont pas la prétention absolue de dire que, dans trois ans, ils trouveront une alternative aux néonicotinoïdes, équivalente dans ses effets pour la production. Mais entre recherche sur les variétés, le biocontrôle et les pratiques agronomiques, nous aurons progressé de manière significative".

Poursuivant ses travaux sur ce projet de loi (qui sera examiné le 27 octobre en séance publique), la présidente de la commission des affaires économiques estime que la réussite du plan de sortie de crise de la betterave sucrière et plus généralement, d’autres filières laissées sans solution, dépend de la recherche. La transition écologique se fera avec la recherche ou ne se fera pas.

À cet égard, il faut s’étonner que, malgré l’urgence incontestable de relever le défi climatique, l’État ne compense pas la réduction du budget des instituts techniques de recherche agricole dans le budget pour 2021 de 10 millions d’euros. "L’État met 7 millions d’euros sur trois ans pour la betterave, mais il n’y a pas que la betterave qui est sans alternative ! Pensons à la noisette ! Les budgets sont déjà insuffisants et on les réduit. Or en réduisant le budget de nos instituts techniques, on sacrifie des petites filières agricoles laissées sans solution. Le Sénat ne peut accepter un tel abandon", s’inquiète Sophie Primas.

La commission des affaires économiques est présidée par Sophie Primas (Les Républicains – Yvelines).

Le dossier législatif du projet de loi est consultable ici : http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl20-007.html

L'activité du Sénat se déroule dans le strict respect des conditions sanitaires dictées par la nécessité d'enrayer la pandémie de COVID-19.

Philippe PEJO
01 42 34 35 98 presse@senat.fr