Les sénatrices Dominique Estrosi Sassone et Annie Guillemot, pilotes de la cellule thématique "Logement" de la commission des affaires économiques dans la crise de Covid-19, ont entendu près de 90 personnes et mené une quarantaine de visioconférences.

Elles ont présenté leur analyse de la crise et leurs propositions de relance pour que, après le confinement, le logement soit placé au cœur de la relance (PDF - 887 Ko). Le logement est un secteur de temps long. On ne construit et ne rénove chaque année que 2 à 3 % du parc de logements. Il faut donc poser le bon diagnostic pour utiliser de manière efficace les moyens de relance.

Les sénatrices ont tout d’abord énoncé dix idées directrices sur la crise et ses conséquences :

  1. Comme le choléra ou la tuberculose ont façonné la ville haussmannienne, la Covid-19 va modifier notre urbanisme et nos logements. Il convient d’ailleurs de se préparer à de nouvelles pandémies.
  2. La crise sanitaire ne doit pas masquer la crise climatique et environnementale. Il faut donc relever les défis de la rénovation énergétique des bâtiments et de l’objectif de "zéro artificialisation nette".
  3. Si la crise sanitaire est derrière nous, la crise économique et sociale est devant nous, accroissant les besoins en matière d’APL, de logements sociaux, de traitement des impayés de loyer et d’accompagnement contre la précarité.
  4. La crise sanitaire va aggraver la crise du logement avec sans doute 100 000 logements neufs en moins en 2020.
  5. Le télétravail pourrait constituer un tournant pour l’immobilier de bureau incitant à convertir des bureaux en logements et les investisseurs institutionnels à revenir sur le marché résidentiel.
  6. Le secteur de la construction est un écosystème où tous les acteurs doivent être solidaires dans le cadre d’une "chaîne de loyauté" notamment face aux surcoûts.
  7. Le parcours résidentiel vers et dans le logement doit être maintenu.
  8. La crise a fait ressortir l’inégalité des Français face au logement. Le confinement a été d’autant plus mal vécu qu’on est mal logé.
  9. La crise sanitaire a été un nouveau révélateur des difficultés des quartiers populaires en termes d’urbanisme et de logement mais aussi de précarité, de pauvreté et de scolarité. Sans politique de la ville, il ne peut y avoir d’intégration.
  10. La crise sanitaire a provoqué un changement de regard sur le sans-abrisme et l’hébergement d’urgence. La mise à l’abri de près de 180 000 personnes et la prolongation de la trêve hivernale ont montré l’urgence de donner un toit à chacun face au risque épidémique.

Sur la base de ce diagnostic, les sénatrices Dominique Estrosi Sassone et Annie Guillemot suggèrent quatre axes et une quinzaine de propositions pour la relance de la construction, du logement et de la politique de la ville :

1. Construire plus

Redonner au mouvement HLM les moyens d’agir en revenant sur la RLS et en abaissant la TVA à 5,5 % sur les travaux pour les logements sociaux.

Conforter et recentrer Action Logement sur sa mission de logement des salariés suivant la politique des partenaires sociaux.

Favoriser le retour des investisseurs institutionnels en considérant l’investissement locatif comme un investissement productif économiquement et socialement et en garantissant un taux de TVA à 5,5 % dans les opérations de transformation de bureaux en logements.

Simplifier en convoquant dès l’été un "Ségur du droit de l’urbanisme" pour se donner un cadre juridique, consensuel et sécurisé, plus agile pour relancer la construction.

2. Construire mieux

Promouvoir la rénovation énergétique en incitant les Français aisés à rénover les logements dont ils sont occupants ou bailleurs en élargissant les publics et les travaux éligibles au CITE et à "Ma Prime Rénov’".

Soutenir des solutions innovantes comme le développement des "energy service company" (ESCO) pour le portage des opérations de rénovation.

Faire accepter la ville dense de qualité, vecteur de proximité.

3. Sécuriser l’accès au logement

Amplifier la politique du "Logement d’abord" en développant le logement accompagné, le travail social, des solutions sanitaires stables à partir des centres d’hébergement de crise et la pérennité des équipes mobiles médico-sociales.

Accélérer la rénovation des foyers et des hébergements collectifs d’urgence.

Prévenir les impayés de loyer en mettant en place un outil comme un fonds d’aide à la quittance d’urgence demandée par la Fondation Abbé Pierre et revaloriser les APL.

Soutenir l’accession à la propriété en relançant l’APL-Accession, le prêt à taux zéro, en développant les offices fonciers solidaires et en généralisant les « chartes promoteurs ».

4. Relancer la politique de la ville

Relancer l’ANRU et accélérer le NPNRU, notamment les chantiers de réhabilitation qui peuvent être opérationnels de suite (logements, écoles, collèges, locaux d’animation...) avec des clauses d’insertion, dans un partenariat avec les collectivités, dès cet été.

Retrouver l’ambition d’une politique de société en plaçant l’école au cœur de la politique de la ville avec le soutien de l’État aux maires pour la prise en charge des enfants, et en mobilisant les jeunes adultes pour être les tuteurs des décrocheurs en matière d’enseignement à distance et de remise à niveau scolaire. Un plan de l’ordre de 20 000 à 30 000 postes serait nécessaire.

Pour aller plus loin :

 Le récapitulatif des propositions pour la relance de la construction, du logement et de la politique de la ville (PDF - 887 Ko)

La commission des affaires économiques est présidée par Sophie Primas (Les Républicains – Yvelines).

Les pilotes de la cellule de veille, de contrôle et d’anticipation "Logement" sont Dominique Estrosi Sassone (Les Républicains - Alpes-Maritimes) et Annie Guillemot (Socialiste et Républicain - Rhône).

L'activité du Sénat se déroule dans le strict respect des conditions sanitaires dictées
par la nécessité d'enrayer l'épidémie de Covid-19.

Philippe Péjo
presse@senat.fr