La cellule de veille, de contrôle et d’anticipation dédiée à l’Industrie a présenté ce mercredi 10 juin aux membres de la commission des affaires économiques du Sénat ses dix‑huit propositions pour une relance industrielle stratégique.

Pilotée par Alain Chatillon (Les Républicains - Haute‑Garonne), Valérie Létard (Union Centriste - Nord) et Martial Bourquin (Socialiste et Républicain - Doubs), la cellule créée en mars dernier a entendu plus d’une vingtaine de chefs d’entreprises et de fédérations industrielles. Après avoir identifié les difficultés rencontrées par les entreprises dans les premières semaines de la crise sanitaire et économique liée au coronavirus et contribué à l’ajustement des mesures d’urgence, les sénateurs ont souhaité préparer la nécessaire relance.

Les dix‑huit mesures proposées sont déclinées en cinq axes, dédiés à l’investissement dans la modernisation et l’innovation ; au renforcement du capital des entreprises ; à la réindustrialisation et la relocalisation ; à une concurrence mondiale plus équitable ; et à la transition environnementale. Elles nourriront le débat annoncé autour d’une troisième loi de finances rectificative, qui doit être annoncée ce jour, de projets de loi de relance et du budget pour l’année 2021.

Devant les membres de la commission des affaires économiques réunis par visioconférence, Alain Chatillon a rappelé que "Le choc d’offre initial a mis à l’épreuve l’agilité des usines françaises, qui ont dû continuer à assurer les activités les plus essentielles pour notre Nation. La contrainte sur la demande représente désormais le principal défi, l’interdépendance des filières industrielles étant évidente."

La modernisation de l’outil industriel français, dont la moyenne d’âge est de 19 ans, et qui est cinq fois moins robotisé que son concurrent allemand, a fait l’objet d’une attention particulière des sénateurs. La cellule a ainsi proposé la pérennisation du suramortissement pour la numérisation des TPE et PME industrielles qui doit se terminer à la fin de l’année 2020, ainsi qu’une extension du dispositif sous forme de crédit d’impôt à la modernisation. Afin de parer une chute annoncée de l’investissement dans la R&D de l’ordre de dix points, la cellule recommande de miser sur l’innovation collective en renforçant les dotations aux centres techniques industriels (CTI) et en donnant une nouvelle impulsion aux pôles de compétitivité. Alain Chatillon a souligné que "Cette crise intervient dans un moment déjà difficile pour l’industrie française, composée de beaucoup de PME en moyenne moins modernes et plus endettées que leurs voisines européennes. La transition environnementale exige aussi un effort colossal d’investissement : ce n’est donc pas un simple "retour à la normale" que nous appelons de nos vœux, mais bien une relance stratégique tournée vers le futur."

Parmi les mesures visant à renforcer et protéger le capital des entreprises industrielles, la cellule propose le renforcement temporaire du dispositif français d’autorisation des investissements étrangers, afin de protéger le tissu industriel français d’acquisitions prédatrices qui mettraient en danger la capacité nationale de production et d’innovation. Les sénateurs recommandent aussi de créer un instrument spécifique de quasi‑fonds propres ou de dette à long terme pour les crédits contractés durant la crise du coronavirus, afin de ne pas obérer la capacité d’investissement et l’accès aux marchés bancaires des entreprises françaises. Ils soutiennent aussi la mise en place de fonds d’investissements sectoriels en fonds propres, associant acteurs publics et privés - à l’image de ce qui a été proposé par le Gouvernement pour l’automobile et l’aéronautique.

Insistant sur la nécessaire poursuite des efforts de réindustrialisation de la France, mais aussi sur les opportunités de relocalisation industrielle, la cellule propose de créer une "boîte à outils" réglementaire pour les collectivités territoriales et les préfets. Des simplifications et dérogations permettraient aux territoires industriels de disposer d’outils incitatifs, par exemple en matière d’urbanisme ou en matière fiscale, pour encourager la réimplantation d’activités industrielles. L’effort d’amélioration de la compétitivité et de l’attractivité du pays doit aussi être poursuivi, la cellule insistant sur la suppression rapide de la C3S. Selon Valérie Létard, "Plutôt que d’insister sur une baisse des impôts locaux, qui financent l’aménagement économique du territoire et la politique de développement régional, il faut plutôt supprimer la C3S, impôt sans équivalent en Europe et qui pèse de manière disproportionnée sur l’industrie manufacturière. Sa suppression restaurera l’attractivité de la France comme terre de production et encouragera la relocalisation." Les sénateurs recommandent également de développer la commande publique de produits locaux et nationaux , et de faire jouer à la France un rôle moteur dans le déploiement des projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC), par exemple sur les applications industrielles de l’hydrogène.

Les propositions de la cellule soulignent aussi la dimension internationale de la crise économique actuelle, Martial Bourquin ayant rappelé que "Tous les pays ne sont pas entrés égaux dans la crise, et tous n’en sortiront pas égaux : nous devons nous assurer que nos industriels pourront se battre à armes égales dans la compétition mondiale exacerbée." Les sénateurs plaident ainsi pour davantage de réciprocité dans l’accès aux marchés publics, une plus grande efficacité des instruments de défense commerciale de l’Union européenne et pour un renforcement des moyens dédiés au contrôle des produits importés. La réforme de la politique européenne de concurrence est également vue comme une priorité, afin d’adapter les règles actuelles aux nouveaux défis économiques et d’améliorer son articulation avec la stratégie industrielle.

Enfin, les sénateurs font de la transition environnementale un axe majeur de la relance stratégique. Ils proposent de développer les soutiens publics à la mobilité propre, non seulement dans le secteur automobile, mais aussi dans les secteurs ferroviaire, naval ou aéronautique. La cellule propose aussi d’instaurer un crédit d’impôt pour le verdissement des PME et TPE industrielles, qui permettrait une prise en charge partielle des coûts de conseil ou d’ingénierie visant, par exemple, à développer l’écoconception des produits, à réduire la consommation énergétique des usines ou à mieux gérer les déchets industriels. Martial Bourquin a déploré que "Sans cette impulsion, la plupart des PME industrielles ne disposent ni des fonds ni des compétences pour réaliser cette transformation pourtant essentielle à la décarbonation de notre économie". Enfin, les sénateurs appellent à la mise en place rapide du mécanisme d’inclusion carbone (MIC) aux frontières de l’Union européenne, afin que le prix des produits importés reflète leur véritable empreinte carbone.

Les dix‑huit propositions pour une relance industrielle stratégique sont disponibles sous forme de synthèse ici (PDF - 325 Ko) .

La commission des affaires économiques est présidée par Sophie Primas (Les Républicains - Yvelines).

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Philippe PÉJO
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