À quatre jours de la sortie du confinement, le cadre réglementaire précisant les mesures sanitaires à appliquer dans les transports n’a toujours pas été défini, et des inconnues de taille subsistent, alors que le respect de la distanciation physique entre les voyageurs va considérablement limiter la capacité de transport :

– si la RATP sera en mesure de mettre en place 75 % en moyenne de son offre habituelle à partir du 11 mai, l’application des règles de distanciation physique la conduira à ne pouvoir proposer que 15 % de ses capacités habituelles (2 millions de voyages par jour contre 12 millions en temps normal) ;

– dans les trains express régionaux (TER), la capacité de transport devrait se situer aux alentours de 20 % de la capacité habituelle.

Cette très faible capacité de transport, en cas de forte affluence notamment lors des heures de pointe, pourrait provoquer une saturation, des attroupements et des risques importants pour la sécurité des voyageurs et des personnels. Ce risque est particulièrement fort dans les zones à forte densité de voyageurs, au premier rang desquelles la région francilienne où transitent chaque jour 5 millions de personnes dans les transports en commun, et où les règles de distanciation physique seront par conséquent impossibles à faire respecter à tous les endroits et à tous le instants.

Les opérateurs de transport sont à cette heure toujours en attente des arbitrages de l’État sur des points importants, comme l’ont confirmé mercredi 6 mai devant la commission Valérie Pécresse, présidente d’Île‑de‑France Mobilités (vidéo de l’audition), et Catherine Guillouard, PDG de la RATP (vidéo de l’audition).

Dans ce contexte, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable demande 

  1. la publication rapide du cadre réglementaire définissant les mesures sanitaires à respecter dans les transports: la commission plaide pour que le respect de la distanciation sociale dans les transports soit un objectif assigné aux opérateurs de transport qui soit adapté au cas par cas en fonction des risques sanitaires et de la fréquentation des réseaux ;
  2. un concours conséquent des forces de l’ordre, notamment des polices nationales et municipales, afin de limiter le flux des voyageurs dans les transports très fréquentés, en filtrant l’accès aux grandes gares, pôles multimodaux et stations de métro et de RER : en Île-de-France, plusieurs scénarios sont à l’étude prévoyant un déploiement entre 1 500 et 5 000 forces de sécurité, en plus des agents qui seront mobilisés par la RATP et la SNCF ;
  3. la possibilité pour les forces de l’ordre et les agents assermentés des entreprises de transport de sanctionner l’absence de port du masque dans les transports ;
  4. une information claire pour les voyageurs sur les mesures sanitaires à respecter dans les transports, à l’entrée et dans les gares et les stations ainsi que dans les trains et bus, par tout moyen utile (affichage, marquage au sol et sur les sièges, messages sonores, etc.) ;
  5. une remontée rapide de l’offre de transports, qui devra atteindre 100 % d’ici la fin du mois de mai : il faut pour cela que les enfants des agents de conduite soient accueillis prioritairement dans les structures de garde et dans les écoles ;
  6. le maintien du télétravail et le développement des mobilités actives pour éviter un report massif sur la voiture individuelle;
  7. la suppression de l’obligation, prévue par le décret du 23 mars 2020, de monter par les portes situées au milieu et à l’arrière des bus qui créé des difficultés et ne favorise pas le respect de la distanciation physique.

Pour Hervé MAUREY, "il est indispensable que l’État apporte rapidement des réponses sur les modalités de mise en œuvre et de contrôle des mesures sanitaires dans les transports, s’agissant notamment du nombre de forces de l’ordre qui seront déployées pour faire respecter les mesures de distanciation physique dans les lieux où la densité de voyageurs est importante".

Par ailleurs, alors que le secteur des transports est l’un des principaux émetteurs de gaz à effet de serre, la crise doit constituer une opportunité pour accélérer sa décarbonation. D’après Didier Mandelli, "la crise nous renforce dans notre conviction que le soutien et l’investissement dans les transports collectifs et les mobilités actives constituent une priorité, de même que le développement du fret ferroviaire et fluvial".

À cette fin, la commission juge indispensable de :

  1. veiller à ce que les négociations contractuelles entre opérateurs et autorités organisatrices des mobilités (AOM) ne conduisent pas à entamer l’offre de services;

  2. neutraliser la baisse de ressources des AOM pour éviter une dégradation de l’offre de transports publics ;

  3. investir dans les modes massifiés de transport de marchandises et lancer des états généraux du fret ferroviaire ;

  4. maintenir un haut niveau d’investissements dans les infrastructures de transports, en sanctuarisant les ressources de l’Afitf et en s’assurant que la révision de la trajectoire financière de SNCF Réseau ne remette pas en cause les investissements de régénération du réseau ;

  5. encourager le développement des mobilités actives, à travers une augmentation des montants du Fonds « vélo » et des aides à l’acquisition de vélos.

Consulter « Les priorités de la commission pour réussir le déconfinement et relancer les transports publics » sur la page de la commission

L’audition (en vidéo) de Mme Valérie Pécresse, présidente de la région Île-de-France et d’Île-de-France Mobilités

L’audition (en vidéo) de Mme Catherine Guillouard, présidente-directrice générale de la RATP

Hervé MAUREY (Union centriste – Eure) est président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable

Didier MANDELLI (Les Républicains – Vendée) est référent chargé des transports ferroviaires, collectifs et fluviaux

L’activité du Sénat se déroule dans le strict respect des conditions sanitaires
dictées par la nécessité d’enrayer la pandémie du Covid-19.

Juliette ELIE
presse@senat.fr