Le 5 août 2019, le maire de Signes (Var), Jean-Mathieu Michel, perdait la vie dans l’exercice de ses fonctions, renversé par une camionnette après être intervenu pour mettre fin à un dépôt sauvage de gravats.

Cet évènement tragique a mis en pleine lumière les violences auxquelles les élus locaux, et en particulier les maires, sont confrontés dans l’exercice de leur mandat. Cependant, jusqu’à présent, personne n’avait pris la mesure de cette situation.

C’est pourquoi la commission des lois du Sénat a lancé le 13 août dernier une grande consultation des maires, des adjoints et des conseillers municipaux bénéficiant d’une délégation de fonctions, en lien avec l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF).

Cette consultation, qui s’est achevée le 15 septembre, constitue un exercice inédit et surtout nécessaire. En témoigne le nombre de participants : 3 812 élus de France métropolitaine et d’outre-mer, représentant  près de 11 % des communes de France et issus de la quasi-totalité des départements.

Pour Philippe Bas, "les maires subissent aujourd’hui des atteintes physiques ou verbales que notre République ne saurait tolérer, car la commune est une petite république dans la grande. Notre démocratie doit la protéger. Elle doit protéger ses représentants".

92 % des élus ayant répondu à la consultation ont déjà été victimes d’incivilités, d’injures, de menaces ou d’agressions physiques. 14 % d’entre eux ont même subi des attaques physiques, pour un total de 543 agressions.

Le dépôt de plainte n’est pourtant pas systématique : seuls 37 % des élus ayant répondu ont saisi la justice à la suite d’une attaque physique ou verbale.

De manière encore plus préoccupante, seules 21 % des plaintes déposées ont abouti à la condamnation pénale des fautifs, certains élus locaux faisant part de leur perte de confiance envers la justice.

Les principaux chiffres de la consultation

3 812 élus participants (maires, adjoints, conseillers municipaux ayant reçu délégation);

98 départements représentés ainsi que la Nouvelle-Calédonie ;

92 % des élus ayant répondu ont été victimes d’incivilités, d’injures, de menaces (et même des menaces de mort à l’encontre de 152 d’entre eux) ou d’agressions physiques ;

14 % des élus ayant répondu ont subi des attaques physiques (coups, gifles, attaques au couteau…), pour un total de 543 agressions ;

Près de 45 % d’entre eux ont été victimes d’agissements malveillants alors qu’ils exerçaient leurs pouvoirs de police ;

19 % des élus ayant répondu ont fait l’objet d’attaques sur les réseaux sociaux ;

16,4 % des élus ayant répondu déclarent que leur famille et leurs proches ont également été victimes de comportements malveillants ;

59 % estiment que les agissements malveillants sont devenus plus fréquents depuis les dernières élections municipales de 2014 ;

Seuls 37 % ont saisi la justice à la suite d’une attaque physique ou verbale ;

Seules 21 % des plaintes déposées ont abouti à la condamnation pénale des fautifs ;

Plus de 80 % des élus ayant répondu estiment ne pas avoir reçu d’assistance de l’Etat et déplorent l’insuffisance de leurs moyens de contrainte.

Pour apporter des réponses concrètes et opérationnelles aux difficultés évoquées par les maires de France, la commission des lois a adopté un plan de 12 propositions pour mieux les accompagner et les protéger dans l’exercice de leur mandat et renforcer leurs moyens d’action.

Elle a d’ores et déjà décidé d’amender le projet de loi "Engagement et proximité" pour y intégrer les mesures législatives qui en découlent. Elle transmet par ailleurs au Gouvernement les préconisations qui ne relèvent pas de la loi et souhaite qu’elles soient rapidement appliquées.

Les 12 propositions du
  "
PLAN D'ACTION POUR UNE PLUS GRANDE SÉCURITÉ DES MAIRES"
de la commission des lois

Proposition n° 1 : Élargir à l’ensemble des élus communaux le périmètre de l’assurance obligatoire souhaitée par le Gouvernement pour couvrir les frais liés à la protection fonctionnelle.

Proposition n° 2 : Assouplir les conditions d’attribution de la protection fonctionnelle aux élus victimes de violences, de menaces ou d’outrages.

Proposition n° 3 : Diffuser à l’ensemble des parquets des orientations fermes de politique pénale en cas d’agressions d’élus locaux.

Proposition n° 4 : Adresser aux préfectures des consignes claires pour mettre un dispositif d’accompagnement systématique des maires agressés.

Proposition n° 5 : Accompagner les maires dans l’exercice de leurs pouvoirs de police, notamment par le biais d’une meilleure formation et par un soutien juridique dans l’exercice de leurs pouvoirs de police.

Proposition n° 6 : Renforcer et sécuriser la possibilité ouverte aux maires de prononcer des amendes administratives.

Proposition n° 7 : Élargir la possibilité pour les agents de police municipale de dresser des amendes forfaitaires (ou timbres-amendes), pour les infractions aux arrêtés de police municipale aisément caractérisables, dont la constatation ne nécessite pas d’actes d’enquête.

Proposition n° 8 : Augmenter le montant maximal de l’amende encourue en cas d’infraction à un arrêté de police.

Proposition n° 9 : Renforcer l’information des maires sur les suites judiciaires données aux infractions constatées sur le territoire de la commune.

Proposition n° 10 : Assouplir les conditions de mutualisation des polices municipales.

Proposition n° 11 : Encourager la négociation de conventions de coordination plus précises, sous l’égide du préfet et du procureur de la République, au bénéfice d’une meilleure complémentarité entre les forces de sécurité étatique et les services de police municipale.

Proposition n° 12 : Favoriser le déploiement de systèmes de vidéo-protection et de caméras mobiles dans les communes par l’augmentation des subventions accordées via le Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD).

Philippe Bas (Les Républicains – Manche) est président de la commission des lois.

Mathilde DUBOURG
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