Le 28 mars 2018, sur le rapport de M. Thani Mohamed Soilihi (La République En Marche – Mayotte), la commission des lois a adopté avec modifications la proposition de loi signée par les députés Olivier Faure, Serge Letchimy et les membres du groupe Nouvelle Gauche et apparentés, visant à faciliter la sortie de l’indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer.

À la suite des importants travaux menés ces dernières années sur le foncier ultramarin et, en particulier, du rapport de la délégation sénatoriale aux outre-mer Une sécurisation du lien à la terre respectueuse des identités foncières[1] , ce texte met en place un dispositif dérogatoire et temporaire visant à favoriser les sorties d’indivision et à gérer les conséquences des partages qui en découlent.

Pour une bonne part, les situations d’indivision sont devenues inextricables car résultant de dévolutions successorales non réglées et parfois même non ouvertes sur plusieurs générations. Ainsi, en Martinique, 26 % du foncier privé est géré en indivision et 14 % supplémentaires correspondent à des successions ouvertes. À Mayotte, le territoire de certaines communes se trouve presque intégralement en situation d’indivision. En Polynésie française, les nombreuses indivisions réunissent parfois des centaines d’indivisaires à la faveur de successions non liquidées depuis quatre à cinq générations et alimentent l’abondant contentieux des "affaires de terre".

Considérant que les caractéristiques et contraintes particulières inhérentes à ces territoires justifiaient pleinement de prendre des mesures exceptionnelles, la commission des lois, s’inscrivant dans la continuité des travaux engagés par l’Assemblée nationale, a souhaité renforcer encore l’équilibre entre efficacité et sécurité juridique du dispositif.

Dans cette perspective, elle a notamment choisi de réserver l’application du dispositif dérogatoire aux successions ouvertes depuis plus de dix ans, permettant ainsi aux héritiers d’exercer les actions qui sont prévues à leur profit par le code civil, telles que l’action en reconnaissance de possession d’état, qui permet d’établir un lien de filiation avec le défunt, ou la faculté d’option de l’héritier, qui se prescrivent par dix ans.

Pour le rapporteur, M. Thani Mohamed Soilihi : "cette mesure ne porte pas atteinte à l’efficacité du dispositif, qui visait initialement les successions ouvertes depuis plus de cinq ans, car il était peu probable que les praticiens auraient pris le risque de voir le partage ou la vente contesté par des héritiers dont les droits n’auraient pas été purgés, en mettant en œuvre la procédure avant l’expiration d’un délai de dix ans . De plus, les situations d’indivision problématiques sont justement les plus anciennes et une durée supérieure à dix ans est très vite atteinte car, si la succession est ouverte dès le décès du de cujus, la saisine du notaire, dans ces territoires, est souvent bien plus tardive".

Pour inciter les indivisaires à s’engager dans un processus de partage, la commission a également mis en place, jusqu’au 31 décembre 2028, une exonération de droit de partage pour les immeubles situés dans les territoires ultramarins concernés par le dispositif dérogatoire de sortie d’indivision.

Elle a également adopté un amendement de la sénatrice Lana Tetuanui (Union centriste – Polynésie française) consacrant la possibilité, très attendue par les juridictions de Papeete, de procéder en Polynésie française à un partage du bien par "souche", quand le partage par tête est rendu impossible en raison par exemple du nombre des héritiers, de l’ancienneté de la succession et de l’étroitesse des parcelles.

Aux sénateurs qui s’inquiétaient de voir la commission modifier le texte, repoussant de facto son adoption définitive, M. Philippe Bas (Les Républicains – Manche), président de la commission des lois, a répondu : "l’urgence qu’il y a à adopter ce dispositif et les contraintes de calendrier du Parlement ne doivent pas nous conduire à hypothéquer la sécurité juridique du texte. Il nous appartient collectivement de veiller désormais à ce qu’il puisse être définitivement adopté dans les meilleurs délais".

La proposition de loi sera examinée par le Sénat en séance publique le mercredi 4 avril 2018, après‑midi.

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[1] Une sécurisation du lien à la terre respectueuse des identités foncières – 30 propositions au service du développement des territoires, rapport d’information fait au nom de la délégation sénatoriale à l’outre-mer, par M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur coordonnateur et MM. Mathieu Darnaud et Robert Laufoaulu, rapporteurs, enregistré le 23 juin 2016, n° 721 (2015-2016). Ce rapport est consultable à l’adresse suivante : https://www.senat.fr/rap/r15-721/r15-721.html

Mathilde DUBOURG
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