Emblématique et souvent critiquée, la coopération franco-émirienne autour du Louvre Abou Dhabi constitue un projet sans précédent d’un point de vue scientifique, diplomatique et financier. Dix ans après la signature de l’accord franco-émirien de 2007 et à la veille de l’ouverture du musée, prévue pour la fin de l’année 2017, les enjeux culturels et budgétaires restent considérables : un millier d’œuvres françaises seront prêtées aux Émiriens durant la première année de fonctionnement du musée et 500 millions d’euros devront être versés à la France dans les années à venir.

LE LOUVRE ABOU DHABI : UN PROJET DE PRèS D’UN MILLIARD D’EUROS

Le projet, né d’une demande émirienne, vise la création ex nihilo d’un musée universel à Abou Dhabi, portant le nom de Louvre, encadrée par un accord intergouvernemental d’une durée totale de trente ans.

Au-delà de l’attribution du nom du Louvre pour trente ans, l’accord prévoit un rôle très étendu de la partie française : prêts d’œuvres issues des collections françaises pour compléter la collection des Émirats (10 ans à compter de l’ouverture), organisation d’expositions temporaires (15 ans à partir de l’ouverture), expertise technique sur l’organisation du musée, formation des personnels, aide à l’acquisition d’une collection permanente…

Les flux financiers importants prévus par l’accord, de l’ordre d’un milliard d’euros sur la totalité de la durée de l’accord, reflètent l’ambition du projet scientifique et culturel. Les contributions financières des Émirats arabes unis s’élèveront ainsi à 974,5 millions d’euros, dont 400 millions d’euros au titre de la "marque" Louvre, 190 millions pour les prêts visant à compléter la collection permanente, 195 millions d’euros en lien avec l’organisation d’expositions temporaires et 165 millions d’euros au titre de l’expertise technique.

L’AGENCE FRANCE-MUSÉUMS, LE PILOTE DU PROJET

L’Agence France-Muséums est chargée de la mise en œuvre de l’accord. Il s’agit d’une société privée par actions simplifiée (SAS) détenue par douze musées français. Avec un peu plus d’un tiers des parts, le Louvre est actionnaire principal de l’Agence.

APRÈS DIX ANS DE TRAVAIL, DES ENJEUX POUR L’AVENIR QUI RESTENT CONSIDÉRABLES

Les sénateurs ont souligné la qualité du travail de l’Agence France-Muséums : "la France doit s’honorer du rôle qu’elle a joué jusqu’ici dans le projet", a affirmé le sénateur Vincent Éblé lors de la présentation du rapport.

D’un point de vue budgétaire, alors que, selon l’accord de 2007, environ la moitié des versements prévus par l’accord auraient dû être effectués au 31 décembre 2016, les paiements effectués par la partie émiratie représentent un tiers environ du total des flux financiers. Plus de 500 millions d’euros seront versés à la France dans les prochaines décennies.

Cette situation résulte du retard qui a été pris : l’ouverture est désormais prévue pour fin 2017, tandis que l’accord prévoyait initialement qu’elle se tiendrait en 2014. Ce retard est principalement lié aux difficultés résultant, pour les Émirats arabes unis, de la crise financière de 2007 et de la baisse du cours du pétrole, qui ont conduit à ralentir le projet en 2011-2012.

L’ouverture constitue une étape cruciale et très délicate, qui appelle une grande vigilance de la part de la France, en particulier sur les conditions de transport, d’accueil et de conservation des œuvres. "Les prêts français au Louvre Abu Dhabi représentent entre un quart et un cinquième du total des œuvres prêtées chaque année par la France à l’étranger", a souligné le sénateur André Gattolin.

LES RECOMMANDATIONS DES SÉNATEURS POUR MIEUX VALORISER LES MARQUES ET SAVOIR-FAIRE FRANÇAIS EN MATIÈRE CULTURELLE

"Il serait vain de chercher à ″répliquer″ l’accord du Louvre Abu Dhabi", a remarqué le sénateur Vincent Éblé. Mais les sénateurs estiment que les enseignements tirés de l’expérience du Louvre Abou Dhabi doivent être mis à profit et formulent cinq recommandations en ce sens.

Ils proposent en particulier d’autoriser les établissements culturels dont les besoins le justifient à créer une structure dédiée à la valorisation de leur savoir-faire en matière d’ingénierie culturelle, en partenariat avec d’autres établissements publics et des acteurs privés.

En effet, alors même que les sollicitations ne manquent pas, les grands musées français ne disposent pas des ressources pour y répondre : l’établissement public administratif se prête mal au développement d’une logique commerciale. En outre, la plupart des demandes nécessitent la participation de plusieurs opérateurs et, en l’absence d’une structure durable de coopération et de coordination, les partenariats se limitent à des projets "au coup par coup".

"La création d’une structure dédiée permettrait aux opérateurs culturels publics les plus importants de bénéficier d’une structure légère et agile pour organiser une offre", a conclu André Gattolin.  

____________________

MM. Vincent Éblé (Socialiste et républicain - Seine-et-Marne) et André Gattolin (La République En Marche - Hauts-de-Seine), rapporteurs spéciaux de la mission "Culture" ont présenté à la commission des finances, réunie le 12 juillet 2017, les conclusions de leur rapport de contrôle sur l’Agence France-Muséums.

La commission des finances est présidée par Mme Michèle ANDRÉ (Socialiste et républicain - Puy-de-Dôme).
Son rapporteur général est M. Albéric de MONTGOLFIER (Les Républicains - Eure-et-Loir).

_________________

Consulter le rapport d’information (version provisoire (PDF - 1.10 Mo)) et la synthèse (PDF - 572 Ko) du rapport

Mathilde DUBOURG
01 42 34 25 11 presse@senat.fr