Réunie le mardi 4 juillet 2017, la commission des lois du Sénat a substantiellement modifié le projet de loi (PJL) et le projet de loi organique (PJLO) rétablissant la confiance dans l’action publique, qu’elle a intitulés projets de loi "pour la régulation de la vie publique". L’adoption des amendements proposés par le rapporteur et les sénateurs s’est déroulée dans un esprit consensuel, permettant de fédérer une large majorité autour du texte élaboré par la commission.

Pour le président Philippe Bas (Les Républicains - Manche), rapporteur : " prenons garde, dans la nécessaire recherche de réponses à des abus, de ne pas jeter le discrédit sur l’ensemble des élus locaux et nationaux qui, dans leur écrasante majorité, démontrent chaque jour, leur probité, leur honnêteté et leur sens de l’engagement au service des autres. Le rôle du Sénat est aussi de veiller à ce que le Gouvernement ne porte pas une atteinte disproportionnée aux droits et libertés garantis par la Constitution, qu’il s’agisse du respect de la vie privée, de la liberté de candidature à une élection, du libre exercice de leur activité par les partis politiques, de l’individualisation des peines ou encore de la séparation des pouvoirs".

1. La peine d’inéligibilité pour les candidats à une élection

La commission des lois a admis l’instauration d’une peine complémentaire d’inéligibilité de dix ans en cas de manquement à la probité, sauf décision spécialement motivée du juge. Elle a préféré cette solution à la mesure, proposée par certains sénateurs, consistant à imposer un casier judiciaire vierge aux candidats à une élection, compte tenu du fort risque d’inconstitutionnalité qui pèse sur une telle disposition au regard des principes d’individualisation des peines et de liberté de candidature.

2. La vérification de la situation fiscale des parlementaires nationaux et européens

Cette procédure inédite a également été approuvée, dans son principe, par la commission des lois qui a toutefois veillé à la préciser de manière à assurer le respect des principes de séparation des pouvoirs et du contradictoire. La déchéance du mandat parlementaire pourrait ainsi être prononcée par le Conseil constitutionnel ou le Conseil d’État à l’égard de parlementaires qui, lors de leur entrée en fonction, ne respectent pas leurs obligations fiscales et qui, malgré l’invitation de l’administration fiscale, n’ont pas régularisé leur situation.

3. La prévention et le traitement des conflits d’intérêts

La commission a constaté que la majorité des dispositifs proposés par le Gouvernement reprennent les mesures déjà mises en œuvre par le Sénat (rôle du comité de déontologie parlementaire, gestion des déports, etc.).

Elle n’a pas remis en cause l’interdiction des emplois "familiaux", mesure emblématique du projet de loi, mais a souhaité traiter dignement les salariés concernés. Ces derniers seraient licenciés dans un délai de cinq mois maximum, contre deux mois dans le texte du Gouvernement, ce qui leur permettrait de percevoir, comme tout autre salarié, l’indemnité de préavis prévue par le code du travail.

Plus globalement, un dispositif personnalisé de retour à l’emploi a été créé pour les collaborateurs parlementaires licenciés afin de leur permettre de mieux organiser leur réinsertion professionnelle.

Des dispositifs complémentaires ont été adoptés pour les membres du Gouvernement susceptibles d’être confrontés à des conflits d’intérêts. Sur le modèle de celui prévu pour les parlementaires, un registre des déports des ministres a notamment été créé ; il concernera l’activité quotidienne des ministres mais également le fonctionnement du Conseil des ministres.

4. La gestion des frais de mandat et des indemnités parlementaires

La commission des lois a précisé et simplifié le dispositif de contrôle des frais de mandat proposé par le Gouvernement, sans remettre en cause son économie générale.

S’inspirant de l’exemple britannique, elle a prévu que les frais exposés par les députés et sénateurs pour l’exercice de leur mandat parlementaire soient "pris en charge" par leur assemblée, en maintenant la double exigence de plafonds et de justificatifs de dépenses. L’objectif est aussi de limiter autant que possible les coûts de gestion induits par une telle réforme, dont l’étude d’impact du projet de loi n’a manifestement pas pris la mesure, tout en garantissant l’effectivité des contrôles des dépenses et des justificatifs.

Parallèlement, la commission a souhaité que les indemnités des parlementaires qui forment leur traitement soient, dans leur ensemble, soumises à l’impôt sur le revenu, y compris les indemnités complémentaires de fonction perçues par certaines autorités des assemblées parlementaires (présidents, vice-présidents, questeurs, etc.).

5. Les réserves parlementaires et ministérielles

Une suppression "sèche" de la réserve parlementaire (147 millions d’euros en loi de finances pour 2017), telle que proposée par le Gouvernement, pénaliserait considérablement les petites communes dans un contexte de baisse drastique des concours financiers de l’État (- 9,6 milliards depuis 2015).

Face à ce constat, la commission des lois, avec la commission des finances, proposent de créer une dotation de soutien à l’investissement des communes et de leurs groupements présentant toutes les garanties en termes de transparence (définition de six critères d’éligibilité à cette dotation, publication en open data de la liste des projets proposés, etc.). Le montant de l’aide de l’État ne pourra dépasser une somme de 20 000 euros par projet d’équipement.

Par souci d’équité, la commission des lois et la commission des finances ont également renforcé la transparence de la "réserve ministérielle" attribuée par le ministre de l’intérieur aux collectivités territoriales (5,7 millions d’euros en 2017).

6. Le financement des partis politiques et des campagnes électorales

S’agissant du financement de la vie politique, la commission des lois a approuvé les nouvelles limitations imposées qui prolongent les règles, d’initiative sénatoriale, entrées en vigueur avec la loi du 6 mars 2017 tendant à renforcer les obligations comptables des partis politiques et des candidats.

Elle a complété ce dispositif en luttant plus efficacement contre la multiplication des partis "fantômes". À l’initiative de M. Hugues Portelli (Les Républicains - Val-d’Oise), elle a pénalisé l’absence de dépôt des comptes annuels par les partis et groupements politiques de 3 ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.

En outre, la commission des lois a renforcé les pouvoirs de la Commission nationale de contrôle des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) en prévoyant le concours de magistrats financiers désignés par le Premier président de la Cour des comptes.

En revanche, la commission des lois a supprimé, de concert avec la commission des finances, l’habilitation à légiférer par ordonnance pour créer une "banque de la démocratie", le Gouvernement n’étant pas en mesure de préciser les contours de ce projet. Elle a préféré apporter des mesures concrètes pour répondre aux difficultés pratiques des candidats en campagne électorale : elle a ainsi renforcé le "droit au compte bancaire" des candidats aux élections et conforté le rôle du "médiateur du financement des candidats et des partis politiques", qui serait nommé sur proposition du Gouverneur de la Banque de France (et non sur simple avis, et soumis au vote des commissions des lois des deux assemblées).

Le Sénat examinera ces deux textes en séance publique au cours de la semaine du lundi 10 juillet 2017.

Mathilde Dubourg
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