Présidée par Hervé Maurey (UDI-UC - Eure), la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a organisé aujourd’hui une série d’auditions sur le contrat de performance entre l’État et SNCF Réseau, après avoir appris que sa signature était imminente.

Elle a entendu Patrick Jeantet, président de SNCF Réseau, et Bernard Roman, président de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer), le ministère n’ayant pas jugé opportun d’accepter son invitation.

Ce contrat de performance, prévu par la loi de réforme ferroviaire du 4 août 2014, est un outil de pilotage essentiel, censé matérialiser le "retour de l’État-stratège" annoncé par le Gouvernement. Il doit permettre le redressement financier du gestionnaire du réseau, par une meilleure maîtrise de ses coûts et la stabilisation de sa dette colossale à horizon de dix ans.

La commission a donc réclamé ce contrat à plusieurs reprises depuis l’adoption de cette loi il y a plus de deux ans, pour qu’elle entre pleinement en application et produise les effets escomptés, alors que la situation de SNCF Réseau est devenue extrêmement alarmante.

Le projet de contrat a finalement été remis le 21 décembre 2016 à l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer), soit plus de deux ans après le vote de la loi. L’Arafer a rendu un avis extrêmement critique le 29 mars 2017. Sa signature par les parties prenantes est prévue demain, jeudi 20 avril, à 10 heures, comme l’a confirmé Patrick Jeantet, président de SNCF Réseau, lors de son audition.

La commission a émis des regrets à l’issue de ces auditions pour plusieurs raisons :

  • sur la forme, la signature de ce contrat - qui engage SNCF Réseau et l’État pour dix ans - à quelques jours d’une échéance politique majeure n’est pas convenable, alors que ce contrat est attendu depuis plus de deux ans par les acteurs du secteur. Elle l’est d’autant moins que le ministère a refusé de se rendre devant la commission, justifiant cela par la période de réserve. Il est à noter que la loi de 2014 a prévu une association du Parlement à ce processus, puisque le projet de contrat et l’avis de l’Arafer doivent lui être transmis. À ce jour, le contrat de performance, accompagné de l’avis de l’Arafer, ne lui a pas été transmis officiellement.
  • sur le fond, l’Arafer a émis un avis extrêmement critique, qui appelle à la "révision profonde du projet de contrat avant sa signature" et plaide pour une refonte du contrat. Elle souligne le fait que ce contrat s’appuie sur des "hypothèses économiques fragiles" et "peu crédibles en l’état" et souffre d’"engagements peu définis" et de "carences dans le choix et la définition des indicateurs de performance de SNCF Réseau". En conséquence, il rend très peu crédible la perspective d’un redressement de la trajectoire financière du gestionnaire du réseau. Sa dette, qui dépassera 63 milliards d’euros dans dix ans, aura augmenté de plus de 40 % au cours de la période sans qu’aucune mesure ne soit même envisagée par l’État pour y faire face. Le régulateur ajoute même qu’"il est à craindre que l’évolution de l’endettement de SNCF Réseau ne soit en réalité plus dynamique et, partant, le niveau de la dette en 2026 sous estimé".

Les membres de la commission présents ont vivement regretté que le contrat ne leur ait pas été transmis, contrairement à ce que prévoit la loi, et que cette signature intervienne sans débat possible avec le Parlement. Ils ont aussi dénoncé l’absence de prise en considération de l’avis de l’Arafer, alors même que la loi de 2014 avait cherché à renforcer le rôle du régulateur dans le système ferroviaire français. Les enjeux de ce contrat vont bien au-delà des seuls aspects financiers, puisqu’ils ont un impact sur la vie quotidienne de nombreux Français.

Hervé Maurey a fait part de sa colère, considérant qu’"il serait scandaleux que le Gouvernement signe un contrat d’une telle envergure, et qui suscite autant de réserves de la part du régulateur, en catimini, à quelques jours du premier tour des présidentielles, en refusant toute explication préalable auprès du Parlement. Cela constitue une nouvelle entorse aux principes posés par la loi de réforme ferroviaire, et contribue à maintenir le statu quo pour le système ferroviaire. Or, le statu quo, c’est la mort annoncée de la SNCF."

Tina Miquel
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