Réunie le mardi 21 février 2017 sous la présidence de M. Philippe Bas (Manche - Les Républicains), la commission des lois du Sénat a entendu une communication de Mmes Esther Benbassa (Ecologiste - Val-de-Marne) et Catherine Troendlé (Les Républicains - Haut-Rhin) dressant un bilan d’étape de la mission d’information, qui leur a été confiée au printemps 2016, intitulée "Désendoctrinement, désembrigadement et réinsertion des djihadistes en France et en Europe".

Constituée afin de procéder à une évaluation des dispositifs de prise en charge de la radicalisation violente, dans un contexte évolutif au regard des nombreuses initiatives prises par l’exécutif depuis octobre 2014, la mission a procédé à de multiples auditions d’acteurs institutionnels, de chercheurs et de représentants d’associations engagées dans la prise en charge de la radicalisation et effectué cinq déplacements, parmi lesquels une visite de l’unité dédiée de la maison d’arrêt d’Osny (Val-d’Oise) ainsi que du centre dédié de prise en charge de la radicalisation situé en Indre-et-Loire.

La mission a relevé la hâte avec laquelle ces programmes de "déradicalisation" avaient été conçus. Comme l’a noté Mme Esther Benbassa, "malgré leur bonne volonté, plusieurs associations, recherchant des financements publics en période de pénurie budgétaire, se sont tournées sans réelle expérience vers le secteur de la déradicalisation". Cet effet d’aubaine financière a donné lieu à un "business de la déradicalisation".

Ayant vocation à constituer un moyen terme entre le milieu ouvert et le milieu carcéral, le centre expérimental de Pontourny, ouvert à l’automne 2016 pour une capacité maximale de 25 places, n’a accueilli, au plus fort de son activité, que 9 pensionnaires. Il a démontré l’échec d’une politique de prise en charge de la radicalisation fondée uniquement sur le volontariat de personnes ne faisant pas l’objet d’une procédure judiciaire. À la suite du départ du dernier pensionnaire en raison de sa condamnation pour violences volontaires, le Gouvernement a décidé un moratoire d’un mois avant d’envisager l’avenir du centre. "Cet échec illustre pleinement le manque d’évaluation des dispositifs mis en place par l’État dans le domaine de la prise en charge de la radicalisation et l’absence d’une stratégie globale de prévention" a estimé Mme Catherine Troendlé.

Confronté à l’accroissement sans précédent du nombre de détenus radicalisés ou incarcérés pour actes de terrorisme liés aux filières islamistes, le ministère de la justice a d’abord expérimenté une politique de regroupement des détenus radicalisés au sein d’unités dédiées implantées dans cinq établissements pénitentiaires situés en Ile-de-France et dans le département du Nord. Cette expérience n’a pas été concluante, ainsi que l’a illustré la grave agression survenue à la maison d’arrêt d’Osny le 4 septembre 2016. Le ministère y a mis un terme afin de replacer l’évaluation au cœur du dispositif et de prendre en charge ces détenus, dont certains présentent un haut degré de dangerosité, dans des conditions de sécurité adéquates.

"Face aux hésitations de la politique menée depuis deux ans en ce domaine, la mission poursuivra ses travaux au cours des semaines à venir pour éclairer les grands choix stratégiques du prochain gouvernement" a conclu le président Philippe Bas.

Mathilde DUBOURG
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