Réunie le 17 septembre 2015, la commission des finances du Sénat, dont la présidente est Michèle ANDRÉ (Socialiste et républicain - Puy-de-Dôme), a adopté les deux rapports du groupe de travail sur le recouvrement de l’impôt à l’heure du numérique.

Ce groupe de travail est constitué de sept sénateurs : Albéric de MONTGOLFIER (Les Républicains - Eure-et-Loir), rapporteur général de la commission des finances, Michel BOUVARD (Les Républicains - Savoie), Thierry CARCENAC (Socialiste et républicain - Tarn), Jacques CHIRON (Socialiste et républicain - Isère), Philippe DALLIER (Les Républicains -Seine-Saint-Denis), Jacques GENEST (Les Républicains - Ardèche) et Bernard LALANDE (Socialiste et républicain - Tarn).

Rapport I : l’économie collaborative, propositions pour une fiscalité simple, juste et efficace

Au-delà du phénomène de société, l’économie collaborative est une réalité économique : si la plupart des particuliers n’y trouvent qu’un modeste complément de revenu, certains en ont fait une véritable activité commerciale ou quasi-commerciale. Pour information, le revenu annuel moyen d’un chauffeur UberPop est de 8 200 €/an, et celui d’un hôte Airbnb est de 3 600 €/an. Or, actuellement, les revenus gagnés par des particuliers sur des plateformes collaboratives ne sont souvent pas déclarés, faute de règles fiscales claires et de système de recouvrement efficace.

Le groupe de travail fait donc deux propositions qui répondent à deux questions : comment prélever l’impôt, et quels revenus imposer ?

1) Organiser la déclaration automatique des revenus grâce aux plateformes : lorsqu’un particulier gagne de l’argent sur une ou plusieurs plateformes, celles-ci transmettent automatiquement le montant de ces revenus au "Central", une plateforme tierce indépendante. Le "Central" calcule ensuite le revenu agrégé de chaque particulier, procède aux recoupements nécessaires, et transmet une fois par an ce revenu à l’administration fiscale, afin d’établir une déclaration pré-remplie.

2) Instituer une franchise générale unique de 5 000 €/an. Sous ce seuil, les revenus seraient totalement exonérés : cette franchise correspond peu ou prou au "partage de frais", elle participe à l’entretien du logement/véhicule etc. Au-dessus de ce seuil, le droit commun s’applique : impôt sur le revenu, prélèvements sociaux etc. Les particuliers peuvent, comme aujourd’hui, choisir le statut d’auto-entrepreneur et opter pour le prélèvement libératoire. Les revenus aujourd’hui exonérés (ex : ventes d’occasion) demeurent bien sûr exonérés. Le seuil proposé, assez élevé, permet de "laisser vivre" l’économie du partage tout en imposant justement ceux qui en font une véritable activité commerciale.

Rapport II : le e-commerce, propositions pour une TVA payée à la source

L’essor du commerce en ligne donne lieu à un phénomène méconnu mais très inquiétant de fraude fiscale, notamment en matière de TVA, concentré sur les petits sites et les sites étrangers. Face à cela, l’administration apparaît peu mobilisée et surtout démunie, en raison de l’éclatement en une multitude de vendeurs difficiles à détecter (sur des marketplaces, sur des sites étrangers etc.), de la complexité des régimes de TVA et du morcellement des flux physiques en millions de colis représentant chacun un faible enjeu fiscal. Les montants de TVA redressés sur le e commerce sont donc très modestes : seulement 7,9 millions d’euros en 2014 pour un chiffre d’affaires en France de 57 milliards d’euros.

Le groupe de travail propose donc une réforme ambitieuse du mode de collecte de la TVA, adapté aux spécificités de l’économie numérique : prélever la TVA au moment de la transaction sur Internet, par un mécanisme de "paiement scindé". Concrètement, lorsque l’acheteur paie en ligne, sa banque prélève automatiquement 20 % du montant (taux normal de TVA), et le reverse directement sur un compte du Trésor. La taxe est considérée comme collectée et le vendeur est libéré de ses obligations. Il s’agit d’un système simple, valable pour toutes les ventes en ligne, efficace et sécurisé, que les établissements financiers sont techniquement capables de mettre en place.

Dans le cas des vendeurs non assujettis à la TVA (particuliers sur des plateformes collaboratives, auto-entrepreneurs etc.) et des ventes à taux réduit (livres, alimentation etc.), une structure intermédiaire, le "Central", prévient automatiquement la banque des conditions spécifiques qui s’appliquent au prélèvement. Le passage par le "Central" est volontaire, pour les seuls vendeurs qui y ont intérêt, et très simple ; par exemple, pour un particulier présent sur un site de petites annonces ou d’enchères, il pourrait s’agir d’une simple case à cocher lors de l’inscription.

La position du groupe de travail est de ne créer aucun nouvel impôt : il faut avant tout s’occuper du recouvrement effectif de l’impôt qui est légalement dû. C’est un impératif tant au regard des finances publiques que de la juste concurrence entre acteurs économiques.

La révolution numérique nous appelle à changer notre manière de penser la fiscalité : il ne faut plus raisonner sur les personnes ou les biens, mais sur les flux – et notamment les flux financiers.

La présentation des observations et préconisations du groupe de travail est consultable sur le site Internet du Sénat
http://www.senat.fr/espace_presse/actualites/201509/fiscalite_du_numerique_vers_un_prelevement_plus_efficace.html

Maria PIGHINI
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