La commission des affaires sociales, présidée par Annie David (CRC - Isère), a adopté, à l’unanimité, le rapport sur le financement des établissements de santé, établi par Jacky Le Menn (Soc - Ille-et-Vilaine) et Alain Milon (UMP - Vaucluse) au nom de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss), présidée par Yves Daudigny (Soc - Aisne). 

Succédant aux deux systèmes précédemment en vigueur (prix de journée et dotation globale) qui présentaient des inconvénients multiples, notamment en termes de pertinence dans la prise en charge des patients, la tarification à l’activité (T2A) a été instaurée en 2004. Prenant acte de la situation financière difficile de certains établissements, la Mecss ne remet pas en cause le principe d’une T2A, déjà adoptée dans de nombreux pays et qui offre un triple avantage : transparence, équité et efficience. En France, le lancement de la T2A a coïncidé avec l’affirmation de l’Ondam comme mécanisme de maîtrise des dépenses et les pouvoirs publics ont eu tendance à « fétichiser » le simple outil de répartition des ressources qu’elle constitue. Toutefois, la Mecss considère que la T2A doit être ajustée pour mieux prendre en compte les missions de service public et les coûts fixes qui existent pour certaines activités médicales ou dans des territoires isolés ou peu denses.

Un tel système comporte en effet des risques qu’il est possible de prendre en compte dans le modèle : inflation des actes, découpage des séjours hospitaliers pour optimiser les recettes, sélection des activités ou des patients… Le volume des actes a certes augmenté mais pour des raisons diverses qui sont loin d’être toutes liées à la T2A : vieillissement de la population, développement des maladies chroniques, amélioration des techniques médicales. Cependant, d’autres explications sont plus critiquables : la Mecss a par exemple été alertée, lors de ses auditions et déplacements, sur le nombre élevé d’actes pratiqués uniquement par mauvaise appréciation du principe de précaution et pour se prémunir des contentieux.

Partant de ce constat, les propositions de la Mecss tendent à adapter le modèle de la T2A et à engager la reconnaissance du parcours de santé.

· Revoir le périmètre et le fonctionnement de la T2A en médecine, chirurgie et obstétrique (MCO)

La Mecss propose de réunir des conférences de consensus pour définir, sur des critères médicaux, les activités qui ne sont pas adaptées à une tarification à l’activité. Leur financement devrait être revu soit en sortant de la logique des tarifs pour aller vers un système plus forfaitaire mais lié à l’activité, soit en prévoyant une dotation minimale de fonctionnement représentative d’une partie des coûts fixes.

La Mecss souhaite que le temps médical soit mieux valorisé, notamment financièrement, alors que la T2A a tendance à prendre davantage en considération les actes techniques.

La Mecss demande la suspension de la convergence tarifaire entre les secteurs public et privé à but lucratif.

La Mecss invite à revoir la question des investissements immobiliers des hôpitaux : les modalités de sélection des projets doivent être améliorées et l’activité courante de soins ne doit pas financer ce type de dépenses de long terme.

La Mecss préconise également une remise à plat globale de la dotation « missions d’intérêt général et aide à la contractualisation » (Migac) pour la simplifier ; elle estime que les modes de régulation actuels des dépenses (ajustement des prix en fonction des volumes prévisionnels et gel de crédits en début d’exercice) ne sont pas satisfaisants et doivent être repensées à la lumière des autres outils mis en place entre-temps pour maîtriser l’Ondam.

La Mecss plaide en faveur d’une révision des contrôles réalisés par l’assurance maladie sous l’autorité des agences régionales de santé (ARS) afin de restaurer la confiance des équipes médicales et administratives : transformation de la commission de contrôle en une commission de concertation ouverte aux fédérations hospitalières, renforcement du pilotage national, élargissement des équipes de contrôle à des praticiens vacataires exerçant en établissement.

· Garantir la qualité de la prise en charge des patients

Pour lutter contre les actes inutiles ou superflus, la Mecss demande instamment à la Haute Autorité de santé de mettre en place plus rapidement ses référentiels et guides de bonnes pratiques. En outre, il est urgent d’intégrer aux cursus des études médicales une dimension médico-économique et de sensibilisation à la pertinence des actes.

La Mecss appelle de ses vœux le déploiement d’une véritable stratégie de la qualité, domaine encore trop inexploré en France : désignation d’une instance indépendante dotée d’une autorité suffisante, large publicité d’indicateurs de qualité rénovés, fondés scientifiquement et comprenant des enquêtes de satisfaction auprès des patients et des personnels soignants.

Plutôt que d’utiliser un système de « bonus » de qualité, qui serait complexe et peu fiable en raison de la faiblesse actuelle des indicateurs, la Mecss propose de ne pas rembourser certains séjours aux établissements lorsque surviennent des événements indésirables, comme les maladies nosocomiales.

Les enjeux actuels de santé nécessitent de s’orienter vers la prise en compte d’authentiques parcours de santé, couvrant l’ensemble de la prise en charge d’un patient, de son rendez-vous chez le médecin traitant aux soins reçus en établissement et aux suites de l’hospitalisation. Or, la T2A, centrée sur la maladie plus que sur le malade, peut être un handicap pour le développement d’une telle logique de parcours.

C’est pourquoi la Mecss recommande d’engager dès à présent des expérimentations sur une tarification « au parcours » pour certaines pathologies identifiées.

· Le risque d’une extension prématurée de la T2A hors MCO

La Mecss préconise de suspendre le passage des hôpitaux locaux à la T2A, prévu pour 2013, et de lancer une réflexion stratégique sur la place de ces établissements de proximité dans le système de santé.

La Mecss propose de saisir l’occasion de la réforme en cours du financement des soins de suite et de réadaptation (SSR) pour expérimenter la tarification « au parcours ».

La Mecss estime enfin que toute réforme du financement des soins psychiatriques doit être conditionnée à un processus de rapprochement et d’évaluation des pratiques professionnelles.

Ali Si Mohamed
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