Réunie le mercredi 25 mai 2011 sous la présidence de Jean Arthuis (UC, Mayenne), la commission des finances du Sénat a examiné le rapport d’information de son rapporteur général, Philippe Marini (UMP, Oise), sur la définition et le chiffrage des allégements de prélèvements obligatoires en France.

Ce rapport résulte d’un amendement[1] de Nicole Bricq (PS, Seine-et-Marne), vice-présidente de la commission des finances, au projet de loi de finances pour 2011, retiré en échange d’un engagement de Jean Arthuis et Philippe Marini d’examiner cette question en 2011.

Le sujet est d’autant plus important que la loi du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 prévoit le gel en valeur des dépenses fiscales et des « niches » sociales.

Philippe Marini propose d’inscrire dès que possible dans la loi un nouveau cadre de définition et de chiffrage de ces allégements, qui recueille l’assentiment le plus large possible.

En effet, le système actuel présente de nombreux inconvénients, qui expliquent qu’il soit fortement contesté par le Parlement, la Cour des comptes et le Conseil des prélèvements obligatoires :

- il n’est pas exhaustif ;

- il repose sur une définition des dépenses fiscales peu claire, s’appuyant sur un principe de « généralité » d’interprétation fluctuante, qui a permis au Gouvernement de « reclasser » depuis 2006 environ la moitié du montant total des dépenses fiscales en « modalités de calcul de l’impôt » ;

- il ne précise pas le système de référence par rapport auquel les dépenses fiscales et modalités de calcul de l’impôt sont chiffrées, ce qui prive ces estimations de toute cohérence ;

- il repose sur des concepts différents dans le cas des allégements fiscaux et des allégements de contributions et charges sociales ;

- il ne propose ni de chiffrage des allégements par rapport à ceux que le contribuable utiliserait s’ils étaient supprimés, ni de chiffrage prenant en compte l’impact économique de la suppression des allégements, ce qui peut susciter des controverses inutiles sur le coût d’une disposition donnée.

Philippe Marini préconise tout d’abord de clarifier la terminologie. Actuellement, on se contente de distinguer les « dépenses fiscales » et les « modalités de calcul de l’impôt », relatifs aux recettes de l’Etat, et les « niches sociales », relatives à celles des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale. Cette dernière notion, à la fois péjorative et excessivement globale, n’est manifestement pas satisfaisante. Philippe Marini propose donc de désigner l’ensemble du manque à gagner « allégements de prélèvements obligatoires », répartis entre « allégements fiscaux » et « allégements de prélèvements sociaux ». Les allégements fiscaux comprendraient les dépenses fiscales, les modalités de calcul de l’impôt, et une catégorie d’allégements intermédiaires, dits « mixtes ». De manière analogue, les allégements de prélèvements sociaux comprendraient les « dépenses de prélèvements sociaux », les « modalités de calcul des prélèvements sociaux » et les allégements « mixtes ». Le recours à une catégorie intermédiaire, conformément à la pratique belge et britannique, a pour objet de pacifier le débat, en évitant les polémiques inutiles sur la classification des allégements de nature ambiguë.

La nouvelle méthode de chiffrage serait la suivante :

- le Gouvernement publierait, pour chaque impôt ou catégorie d’impôts, le système de référence, défini comme celui correspondant à une assiette aussi large que possible et au taux ou au barème de droit commun ;

- l’écart par rapport au droit effectif permettrait d’établir une liste exhaustive des allégements ;

- parmi ces allégements, les dépenses fiscales et les dépenses de prélèvements sociaux seraient définies comme ceux poursuivant un objectif incitatif ou de redistribution en faveur des ménages à faibles revenus ou représentant des avantages catégoriels ;

- en fonction du degré de conformité à cette définition, l’allégement fiscal ou social serait classé dans l’une des trois catégories précitées.

Les allégements seraient chiffrés à comportements inchangés, par rapport au système de référence.

Pour les principaux d’entre eux, ce chiffrage serait accompagné d’un chiffrage par rapport au « prochain allégement le plus favorable » (par exemple, le taux réduit de 5,5 % dans le cas du taux super-réduit de 2,1 % de TVA), et d’un chiffrage indicatif prenant en compte l’impact des mécanismes économiques. Il convient en effet que les débats ne soient pas faussés par des chiffres déconnectés de tout lien avec le supplément de recettes que l’on peut attendre de la suppression d’un allégement donné.

Le tableau ci-après permet de comparer les chiffrages du Gouvernement et ceux proposés par Philippe Marini. Ces résultats sont encore susceptibles d’être affinés. On observe cependant que le total des allégements est de l’ordre de 313 milliards d’euros, contre 190 selon les documents annexés aux projets de lois financières.  Cet écart provient essentiellement d’une prise en compte exhaustive du coût des taux réduits de TVA (+ 27 milliards d’euros), de l’intégration parmi les modalités de calcul de l’impôt du quotient familial stricto sensu (+ 44 milliards d’euros), et d’une prise en compte plus exhaustive des allégements de prélèvements sociaux (+ 51 milliards d’euros).

Ces propositions de Philippe Marini n’ont rien de définitif. Elles ont pour objet essentiel de lancer le débat.

Les allégements de prélèvements obligatoires en 2009, selon le Gouvernement et selon le rapporteur général :
quelques ordres de grandeur indicatifs (chiffrages à comportements inchangés)

(en milliards d’euros)

Gouvernement

Commission des finances

Allégements fiscaux

148,5

220,4

Dépenses fiscales

72,9

99,6

Allégements fiscaux mixtes

-

5,2

Modalités de calcul de l'impôt

75,6

115,6

Allégements sociaux (actuelles « niches sociales »)

41,3

92,3

Dépenses de prélèvements sociaux

-

63,3

Allégements sociaux mixtes

-

2,2

Modalités de calcul des prélèvements sociaux

-

26,8

Total

189,8

312,7

Dont dépenses de prélèvements obligatoires

-

162,9

Dont allégements mixtes de prélèvements obligatoires

-

7,4

Dont modalités de calcul des prélèvements obligatoires

-

142,4

Le compte rendu de cette communication et le rapport d’information seront prochainement disponibles sur le site Internet du Sénat aux adresses suivantes :

Le compte rendu : http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20101004/finances.html

Le rapport : http://www.senat.fr/rapports-classes/crfinc.html


[1] Amendement n° II-487.

Olivier Graftieaux
01 42 34 25 38 o.graftieaux@senat.fr