Présentation du rapport remis à M. François FILLON, Premier ministre par M. Pierre ANDRE, sénateur de l’Aisne et M. Gérard HAMEL, député d’Eure-et-Loir le 23 septembre 2009 sur la révision de la géographie prioritaire et la contractualisation de la politique de la ville

1°) Rappel du contexte et de l’objet de la mission confiée début avril.

A/ La mission s’est inscrite dans un contexte général marqué par plusieurs interrogations sur la politique de la ville :

- Ces dernières années, de nombreuses réflexions ont souligné le caractère illisible de la politique de la ville et l’empilement des dispositifs (Rapports parlementaires, Rapports de la Cour des comptes, conclusions de la révision générale des politiques publiques -RGPP…) : il se dégage globalement un consensus sur la nécessité de clarifier tout cela ;
- Il apparaît nécessaire de concentrer les efforts sur les territoires les plus en difficulté ;
- Il y a un débat sur l’efficacité des moyens consacrés à la politique de la ville.

B / Au-delà de ces éléments de contexte, plusieurs impératifs ont été à l’origine de la mission :

- Le PLF pour 2008 a prévu l’actualisation de la liste des ZUS tous les 5 ans. La première actualisation doit intervenir en 2009 (ce sera la première fois depuis leur création dans les années 90) ;
- Les CUCS vont prendre fin en 2010 (ils devaient initialement prendre fin en 2009). Il était donc nécessaire de réfléchir à l’étape suivante ;
- Un processus de concertation a été lancé sur la géographie prioritaire (sortie d’un Livre vert au printemps 2009).

C/ Dans ce contexte, l’objet de la mission était double :

- réfléchir à la future géographie prioritaire de la politique de la ville et à la méthode permettant de retenir les territoires de cette nouvelle géographie;
- plus largement, réfléchir aux nouvelles modalités d’intervention de la politique de la ville (contractualisation).

2°) Organisation des travaux de la mission.

A/ Pour mener à bien ses travaux la mission a auditionné de nombreux interlocuteurs :

- plusieurs membres du gouvernement ;
- des parlementaires (de toutes tendances politiques) ;
- de nombreux élus locaux : maires de villes de tailles diverses, associations d’élus (AMF, FMVM, Ville et banlieue…), présidents de conseil général (ADF) ;
- des acteurs de la politique de la ville (CNV, IRDSU, Amadeus, USH…) ;
- les représentants des administrations concernées par le sujet (ministère du travail en charge de la ville, ministère de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, ministère du budget…).

B/ Elle s’est appuyée sur les contributions remises par les différents acteurs de la politique de la ville à l’occasion de la sortie du Livre vert ainsi que sur des contributions spontanées ;

C/ Elle a bénéficié de l’appui de deux inspections interministérielles (IGAS et IGA).

3°) Principaux constats de la mission.

A/ La politique de la ville est devenue illisible :

- la superposition de dispositifs progressivement mis en place (ZUS, ZRU, ZFU, CUCS…) nuit à la compréhension de cette politique et en rend difficile le pilotage et l’évaluation.

- il en résulte des difficultés de coordination (insuffisante articulation des outils, par exemple entre les CUCS et l’accompagnement social des opérations ANRU) et une dispersion des moyens, par exemple entre les crédits budgétaires de l’Acsé (Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances) et les dépenses fiscales attachées à certains zonages.

B/ En particulier, la logique de zonage n’a désormais plus de sens :
- elle nuit au partenariat local et à la responsabilisation des acteurs ;-- elle est responsable de nombreuses incohérences/injustices/inégalités (exemple de nombreux cas dans lesquels un côté de la rue est  éligible mais pas l’autre, en matière de réussite éducative par exemple)  
- elle  est trop rigide et n’offre pas la souplesse dont il faudrait pourtant pouvoir disposer pour agir efficacement et adapter régulièrement les politiques au regard des résultats obtenus 
- elle est vécue comme discriminatoire, voire stigmatisante, par les populations et les territoires concernés ;
- l’intervention par zonage est responsable d’effets de fixation ;
- surtout, il résulte de tout cela que l’efficacité du zonage n’est pas établie : les résultats obtenus n’ont jamais été  à la hauteur des espérances (Cf. en particulier les études de l’ONZUS sur l’emploi) : aucun territoire « prioritaire » n’est jamais sorti de son zonage.

4°) Principales propositions de la mission.

1) Affirmer un socle de principes fondateurs.
- le rôle de l’Etat comme garant de la solidarité nationale et de l’égalité républicaine des territoires et des populations : les politiques de droit commun doivent pleinement s’exercer avant de faire appel à la politique de la ville ;
- la politique de la ville ne doit pas segmenter le quartier et la ville, mais en faciliter l’intégration ;
- la politique de la ville participe plus globalement d’une politique d’aménagement du territoire, d’une politique de cohésion et de solidarité territoriale.

2) Sortir de la logique du zonage strict réduit à l’échelle du quartier.
- pour cela, il est proposé de supprimer les ZUS ;
- les ZFU et ZRU vont quant à elles s’éteindre progressivement

3) Sélectionner des communes éligibles à la politique de la ville et non plus des quartiers :
A/ Cette nouvelle approche présenterait de nombreux avantages. En particulier :
- cette approche permettrait de responsabiliser davantage les élus locaux (la politique étant conçue à l’échelle de « leur » territoire et non plus d’un quartier « sélectionné » « par l’Etat » pour y intervenir) ;
- les communes concentrant globalement le plus de difficultés seraient prioritairement retenues : il ne serait plus possible d’obtenir l’éligibilité d’un quartier certes en difficulté mais dont le poids au sein de la ville serait très faible. C’est un des éléments du rapport (avec le recours au potentiel financier) qui permettra à l’Etat de concentrer ses moyens de manière équitable et acceptable.
B/ Les communes éligibles seraient déterminées :
- à partir d’indicateurs nationaux objectifs, fiables et pertinents
 ;
- en prenant en compte le niveau de difficultés socio-économiques et urbaines (taux de chômage, niveau de qualification des jeunes, part de logement HLM, part de bénéficiaires de minima sociaux, part de bénéficiaires d’allocations logement) ;
- mais aussi en prenant en compte le potentiel financier des communes. En effet, la politique de la ville (c'est-à-dire la solidarité nationale) ne doit intervenir que lorsque la solidarité locale ne suffit pas à faire face aux difficultés rencontrées (application du principe de subsidiarité). C’est un second élément fort pour permettre de concentrer à terme l’intervention de l’Etat sur les villes vraiment prioritaires : une ville riche avec un quartier pauvre n’est pas dans la même situation qu’une ville pauvre avec un quartier pauvre.

4) Déterminer avec souplesse, au cas par cas, les périmètres d’intervention de la politique de la ville au sein des communes sélectionnées :
- au sein des communes sélectionnées, les périmètres d’intervention de la politique de la ville pourront varier selon les mesures mises en œuvre, les publics visés et/ou les objectifs recherchés ;
- ainsi, certaines actions pourraient être mises en œuvre au niveau de toute la commune (par exemple en matière de sécurité ou de transports), d’autres uniquement au niveau de secteurs infra-communaux (quartiers) déterminés localement.

5) Retenir le contrat comme outil privilégié de la politique de la ville :
- un contrat de projet unique et global rassemblant à terme l’intégralité des moyens mis en œuvre dans le cadre de la politique de la ville doit être prévu dans chacune des communes éligibles ;
- signé
par le représentant de l’Etat et le maire (et éventuellement le président de l’EPCI), il devra coïncider avec le mandat municipal, être élaboré à partir d’un diagnostic territorial partagé évaluant les besoins et s’appuyer sur un véritable projet de territoire. Sa mise en œuvre devra être évaluée à mi-parcours et à son terme ;
- le contrat permettra plus de souplesse et responsabilisera davantage les acteurs locaux.

5°) Mettre en œuvre la réforme de façon progressive pour en garantir le succès et éviter toute injustice.
Dans le contexte actuel, une révision trop brutale de la géographie n’aurait aucune chance d’aboutir. Les propositions de la mission visent donc à une « remise à plat » de l’intervention de l’Etat au titre de la politique de la ville.

A/ Pour garantir l’acceptation de la réforme, il nous paraît indispensable que :
- les mesures actuellement en cours soient garanties jusqu’à leur terme (exemple des exonérations dans les ZFU, des mesures liées à la rénovation urbaine qui ne doivent pas disparaître du simple fait de la suppression des ZUS) ;
- les mesures liées aux ZUS s’éteignent  de manière progressive (exemple de certains dispositifs en faveur des bailleurs sociaux, comme l’exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties).

B/ Plus précisément, en termes de mise en œuvre :
- le gouvernement devra conduire des expertises pour tirer toutes les conséquences au plans juridique et financier de la sortie du zonage et mettre en place des mécanismes d’adaptation satisfaisants ;
- les dispositifs devront évoluer dans le sens d’une activation des dépenses en insistant tout particulièrement sur la responsabilisation (en termes de contreparties) de leurs bénéficiaires. Le contrat est plus adapté que le zonage pour atteindre cet objectif.

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Autre rapport de M. Pierre André : Un nouveau pacte de solidarité pour les quartiers

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