Mme Alliot-Marie, ministre de la défense, présente aux membres de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, présidée  par M. Serge Vinçon (UMP - Cher), le rôle de la France dans la mise en place de la FINUL renforcée

Le Président Serge Vinçon a tout d'abord rappelé la décision du Président de la République, le jeudi 24 août, de porter à 2.000 militaires la participation de la France à la FINUL renforcée, en application de la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies. Certaines interrogations avaient entouré la constitution de cette Force, notamment quant à ses missions, à sa chaîne de commandement ou encore à ses règles d'engagement. Quels seraient l'attitude de la FINUL renforcée face à des éléments armés, la nature de l'aide concrète qu'elle pourra apporter à l'armée libanaise, son rôle dans la démilitarisation du Sud Liban, ou encore dans la surveillance de la frontière syro-libanaise ? Il a rappelé que l'ossature de la FINUL renforcée était principalement constituée de forces européennes et s'est interrogé sur la portée de l'engagement d'armements lourds, notamment de chars Leclerc, dans une opération de maintien de la paix. Il a enfin salué le professionnalisme dont ont fait preuve les troupes françaises dans les opérations d'évacuation de ressortissants.

Mme Alliot-Marie, ministre de la défense, a considéré que l'annonce du Président de la République a constitué un engagement fort de la France, incitant ses partenaires européens à surmonter leurs fortes réticences initiales. L'annonce de la participation de la France a eu un effet d'entraînement à leur égard.

Elle a rappelé que la France jouait d'ores et déjà un rôle déterminant au sein de la FINUL actuelle, où sont présents 200 de ses hommes et dont elle assure le commandement. La ministre a rappelé que, dès le 15 juillet, la décision avait été prise de mettre en place un dispositif de rapatriement et de déployer des moyens navals (1.700 hommes) au large de Beyrouth. Quelque 14.000 personnes ont ainsi été évacuées par la France, dont 58 % par les moyens militaires de l'opération « Baliste ».  Celle-ci a également assuré des missions d'escorte et de surveillance, ainsi que des missions logistiques et humanitaires, en particulier au profit de la FINUL, pendant la crise, pour assurer son ravitaillement et ses capacités de déplacement. Cette force serait maintenue au large de Beyrouth aussi longtemps que nécessaire.

Elle a ensuite évoqué l'engagement supplémentaire de la France au sein de la FINUL renforcée. La France avait fait l'expérience, dans le cadre de certaines opérations de l'ONU, au Liban mais aussi en Bosnie ou en République démocratique du Congo, des conséquences négatives, pour la sécurité des forces concernées et l'efficacité des missions elles-mêmes, de mandats mal définis et de règles d'engagement inadaptées. Il n'était donc pas question d'exposer la vie de militaires sans leur assurer les moyens nécessaires à leur mission.

La ministre a indiqué que le cessez-le-feu était à l'heure actuelle imparfaitement respecté au Liban, qui subit encore des incursions en provenance d'Israël et des tirs émanant du Hezbollah. La situation, bien qu'apaisée, reste donc fragile. Le déploiement de l'armée libanaise est aujourd'hui suspendu et le retrait des forces israéliennes, bien qu'amorcé, n'est pas totalement effectué en deçà de la ligne bleue. Dans ce contexte, la France soutient l'armée libanaise dans le cadre de la FINUL, mais aussi dans un cadre bilatéral, en mettant en place des moyens de circulation pour son déploiement dans des zones où elle n'avait pas été présente depuis 40 ans. Dans un premier temps, la France a doublé sa participation à la FINUL, par l'envoi d'urgence de 200 personnels du génie, réaction très rapide qui n'a pas été toujours bien comprise. Une participation de 2.000 hommes devrait faire de notre pays le premier contributeur à cette Force, l'ampleur du déploiement terrestre du contingent italien n'étant pas encore précisée. Le premier bataillon français, équipé notamment de chars Leclerc et d'artillerie lourde, de véhicules de transport de troupes, de capacités anti-aériennes à très courte portée et de radars de contrebatterie Cobra, devrait être opérationnel sur place le 15 septembre, avec un total de 882 personnels ; un second bataillon devant être déployé quelques semaines plus tard. L'ampleur des destructions, la présence de mines et de bombes non explosées rendent l'installation des personnels particulièrement délicate.

Mme Michèle Alliot-Marie est revenue sur les conditions posées par la France au déploiement de forces supplémentaires. Elle a vivement regretté les critiques  que cette position a suscitées dans les colonnes de certains medias étrangers dont les pays ne comptaient aucun homme au sein de la FINUL, et qui n'avaient pas l'intention d'en déployer. A la différence des pratiques habituelles dans les opérations de maintien de la paix, la France a obtenu que les ordres émanent d'un commandement unique, qu'un Etat-major spécifique soit réservé à l'opération, que des consignes explicites soient disponibles en cas de contact avec des éléments armés et que la possibilité d'employer la force soit prévue, notamment si la liberté de circulation de la FINUL était mise en cause. Elle a précisé que la première mission de la FINUL renforcée serait de soutenir l'armée libanaise et qu'il ne lui revenait pas de désarmer le Hezbollah. Au total, cette mission présentait certes de nombreux risques, mais la France avait obtenu les garanties nécessaires à une action efficace.

Mme Michèle Alliot-Marie a ensuite apporté les éléments de réponse suivants aux questions des sénateurs :

- le désarmement du Hezbollah n'incombe pas à la FINUL, mais doit découler d'une volonté conjointe de cette milice et de l'action de l'armée libanaise. A terme, la restauration de la souveraineté du Liban et sa reconstruction politique devraient conduire à la disparition de toute milice armée ;

- la levée du blocus israélien est un préalable nécessaire à l'amorce de la reconstruction du Liban ;

- le gouvernement libanais a décidé d'assurer lui-même la surveillance de la frontière avec la Syrie ; une assistance technique et matérielle éventuelle de l'Allemagne pourrait appuyer cette mission ;

- l'Armée libanaise est confrontée à plusieurs difficultés liées notamment à sa composition multicommunautaire, à une certaine désorganisation et à une insuffisance d'équipements, en particulier pour le  transport de troupes ; un renforcement de ses capacités supposerait la levée du blocus israélien dont l'utilité est au demeurant réduite, dans la mesure où la livraison d'armes s'effectue essentiellement par voie terrestre ;

- les moyens lourds envoyés par la France au Liban, comme les chars Leclerc, ont un caractère dissuasif et garantissent la liberté de mouvement et la sécurité des militaires. Cependant, les moyens mis en œuvre seront adaptés en fonction de l'évolution des missions. La réussite de l'opération en cours constitue d'ailleurs une  condition de la crédibilité de l'ONU, dont le rôle reste essentiel pour la paix, par la légitimité qu'elle incarne ;

- la reconstruction du Liban comprend un volet politique essentiel auquel les parlementaires français pourront utilement prendre leur part ;

- l'envoi en urgence de 200 soldats français du génie a eu pour but de permettre aux 2.000 hommes de la FINUL actuelle, cantonnés dans leurs casernes par les combats, de pouvoir retrouver leur liberté de mouvement. La France a été le seul pays à répondre dans l'urgence à ce besoin immédiat ;

- les forces engagées dans des opérations de maintien ou de rétablissement de la paix de l'ONU sont régies par des règles d'engagement définies au cas par cas. La FINUL renforcée, agissant dans le cadre du chapitre VI de l'ONU, disposera cependant de règles d'engagement réalistes et robustes, qui ont été obtenues par la France au terme de 10 jours de difficiles négociations ;

- les opérations militaires menées par Israël au Liban ont souffert de carences du renseignement. L'armée israélienne ne s'est pas engagée prioritairement dans des combats terrestres extrêmement risqués pour ses troupes et les frappes aériennes ont été privilégiées, entraînant un grand nombre de victimes civiles du fait de la capacité du Hezbollah à se fondre dans la population libanaise ;

- la France n'a pas de difficultés à envoyer des forces sur un nouveau théâtre d'opérations, même si elles sont déjà présentes sur de nombreux théâtres extérieurs, notamment en Afghanistan, au Kosovo ou en Côte-d'Ivoire, la professionnalisation des armées lui garantissant des capacités de projection adaptées.

- sur le plan budgétaire, la présence française au Liban se décompose en deux opérations : d'une part, l'opération « Baliste », destinée initialement à l'évacuation des ressortissants français ou étrangers du Liban ;  d'autre part, sa participation au renforcement de la FINUL. Le coût total estimé s'élève à 100 millions d'euros sur un an, dont 70 millions pour les 2.000 personnels engagés dans la FINUL renforcée. D'éventuels remboursements par l'ONU pourront atteindre entre 10 à 20 millions d'euros par an ;

- la FINUL disposera des moyens d'observation dont l'opération « Baliste » est déjà dotée grâce à la présence de frégates françaises au large des côtes libanaises.

Le Président Serge Vinçon a alors relevé le soutien unanime apporté par les membres de la commission à l'action du Chef de l'Etat et des ministres concernés dans la gestion, tant diplomatique que militaire, de la crise libanaise.