L'application de la LOLF peut-elle produire une modernisation de la gestion, s'interroge la commission des finances du Sénat, prenant l'exemple de l'action des services de l'Etat à l'étranger

M. Adrien Gouteyron (UMP, Haute-Loire), rapporteur spécial des crédits de la mission « Action extérieure de l'Etat » pour la commission des finances du Sénat, présidée par M. Jean Arthuis (UC‑UDF, Mayenne), a réalisé une mission de contrôle sur pièces et sur place du réseau français à l'étranger (ambassades, consulats, centres culturels, missions économiques, autres services de l'Etat à l'étranger), en application de l'article 57 de la LOLF , dans trois pays (Afrique du Sud, Espagne, Royaume-Uni), dans les premières semaines de l'année 2006, visant à déterminer si la nouvelle « constitution budgétaire » était réellement de nature à produire une modernisation et une rationalisation de la gestion des services.

S'il a constaté un certain nombre de points positifs dans la mise en œuvre de la LOLF depuis le 1er janvier 2006, parmi lesquels l'implication personnelle des ambassadeurs, une prise en main des aspects comptables et une mise à disposition des crédits dans le réseau français à l'étranger globalement satisfaisante, M. Adrien Gouteyron note à ce stade, pour s'en préoccuper, une absence, la logique de performance, et un oubli, la fongibilité des crédits. Ces deux aspects, performance et fongibilité, figurent pourtant parmi les aspects les plus novateurs de la LOLF. La fongibilité des crédits permet en effet aux gestionnaires de dégager des gains de productivité, et de les récompenser en leur permettant d'affecter une partie de ces gains dans l'amélioration du fonctionnement de leur service.

Les conditions ne sont donc pas réunies pour tirer parti de la LOLF et moderniser le réseau français à l'étranger. L'émiettement dans la gestion des crédits au niveau déconcentré rend toute fongibilité illusoire. 31 programmes sur un total de 133 sont représentés à l'étranger ; on ne dénombre pas moins de 589 ordonnateurs, pour 161 pays couverts par le réseau de l'action extérieur. Dans les postes les plus importants, on compte un nombre de services gestionnaires important : 13 à Berlin, 12 à Londres, 10 à Madrid. Chacune de ces personnes, conseiller financier, attaché douanier, conseiller pour les affaires sociales, magistrat de liaison, gère elle-même ses crédits, pourtant d'un montant extrêmement limité (23.000 euros à Madrid pour le conseiller transport). Les systèmes informatiques de gestion (pas moins de trois différents à l'étranger, un pour les missions économiques, un pour le Quai d'Orsay et un pour le réseau comptable) sont eux-mêmes cloisonnés. Les politiques d'achats sont dispersées : les prestations d'entretien ou les fournitures de bureau font ainsi l'objet à Washington de dix commandes séparées.

M. Adrien Gouteyron regrette les surcoûts et les absurdités liés à l'émiettement de la gestion des crédits à l'étranger : le pourcentage des fonctions « support » à l'étranger est de l'ordre de 10 %, supérieur aux normes des entreprises françaises établies hors de France, plus proches des 5 %. Il considère que la LOLF , uniquement perçue dans ses aspects les plus complexes par les agents, n'apportera pas d'amélioration dans le fonctionnement du réseau tant que les fonctions « support » n'auront pas été réformées. Il rappelle que, face à la montée des crédits affectées aux actions multilatérales, tout retard dans la modernisation de la gestion de l'action extérieure de l'Etat, dans un contexte budgétaire contraint, fait porter le poids de l'effort financier sur le cœur de métier du Quai d'Orsay : les emplois diplomatiques et les implantations à l'étranger.

Il invite en conséquence à la création de secrétaires généraux uniques dans chaque poste à l'étranger, recevant en dotation la totalité des crédits de fonctionnement, qu'il s'agisse du Quai d'Orsay, mais aussi des missions économiques et des « petits » services représentés à l'étranger, afin qu'il soit possible de faire jouer dans toute son efficacité le principe de fongibilité des crédits prévu par la LOLF et de faire émerger, enfin, des gains de productivité.

Contact presse : Ali Si Mohamed    01 42 34 25 11    a.si-mohamed@senat.fr