Libéraliser les échanges commerciaux :
quels effets sur la croissance et le développement ?

La délégation pour la planification vient de rendre public un rapport d'information présentant des simulations de la libéralisation des échanges commerciaux. 

Ce rapport, réalisé par MM. Jean-Pierre PLANCADE (Soc, Haute-Garonne) et Daniel SOULAGE (UC-UDF, Lot-et-Garonne), s'appuie sur les travaux récents du Centre d'études prospectives et d'informations internationales (CEPII) sur l'impact d'une libéralisation des échanges commerciaux.

Ces travaux permettent une mesure plus juste et nuancée des effets d'une ouverture commerciale.

Ils montrent qu'une baisse des droits négociés à l'OMC (« droits consolidés ») pourrait avoir peu d'effets sur les droits effectivement appliqués par les pays (taux qui sont généralement plus bas). Les simulations conduites jusqu'à récemment ne prenaient pas en compte cette différence et parvenaient à des effets globaux de la libéralisation surestimés par construction.

Les travaux du CEPII mettent également en évidence l'impact de l'érosion des préférences commerciales pour les pays les plus pauvres, dans l'hypothèse d'un abaissement généralisé des droits de douane. Même si cet impact négatif est concentré sur un nombre limité de pays et de produits, il pourrait être très douloureux pour les pays concernés, puisque leurs exportations perdraient une part importante de leur compétitivité relative.

Les outils élaborés par le CEPII permettent également une vision plus nuancée du degré de protection de l'Union européenne : les droits de douane effectifs qu'elle applique sont généralement peu différents de ceux des États-Unis, certes supérieurs en matière agricole mais inférieurs sur les produits manufacturés. Surtout l'Europe est de très loin la zone la plus ouverte aux exportations des pays les plus pauvres.

Dans le même sens, un examen attentif des déclarations douanières permet de conclure que l'Europe ne fait pas un usage protectionniste des mesures environnementales, alors que la présomption d'un usage de ces mesures à des fins protectionnistes est forte pour des pays comme le Japon, l'Australie ou la Nouvelle-Zélande.

Les simulations sur l'effet de divers scénarios de libéralisation font apparaître que :

-         l'impact global serait sensiblement plus modeste que ce qu'avancent les grandes organisations économiques internationales ;

-         la libéralisation agricole aurait des effets très contrastés sur les pays en développement : nettement favorables pour les pays émergents, comme le Brésil par exemple, défavorables pour les pays les plus pauvres du fait de l'érosion des préférences commerciales et d'une dégradation des termes de l'échange. En effet, la baisse des subventions agricoles dans les pays du Nord, en diminuant l'incitation à produire, se traduirait par une hausse des prix agricoles mondiaux. Les pays pauvres importateurs nets de produits agricoles verraient ainsi le prix de leurs importations progresser plus rapidement que celui de leurs exportations (essentiellement des produits à faible valeur ajoutée) : il en résulterait une diminution de leur revenu global.

-         la libéralisation industrielle serait essentiellement profitable aux pays industrialisés, en particulier ceux d'Asie du Sud. Une ouverture commerciale ambitieuse pénaliserait les pays émergents, actuellement très protégés, du fait de la concurrence accrue entre eux que cela entraînerait.

Enfin, ces travaux montrent que l'impact d'une libéralisation accrue serait contrasté à l'intérieur de l'Europe, les régions pauvres, essentiellement agricoles, étant les plus pénalisées, ce qui, dans un contexte de réduction des fonds structurels, posera des problèmes d'aménagement du territoire.

La déclaration ministérielle de DOHA présentait le cycle de négociations en cours comme celui du développement.

S'appuyant sur les travaux du CEPII, les rapporteurs montrent que la poursuite du mouvement d'ouverture commerciale aura un effet limité sur le revenu mondial mais entraînera, néanmoins, une évolution de son partage, au profit des pays émergents qui comptent une part importante de populations pauvres.

Ce mouvement doit donc se poursuivre mais en prenant en compte le risque d'aggravation des inégalités mondiales, au détriment des pays les moins avancés. Pour que l'engagement en faveur du développement se concrétise, la négociation doit prendre en compte le fait qu'il n'existe pas une problématique unique du développement, mais plusieurs problématiques parfois contradictoires.

Il est ainsi impératif que la négociation prévoie des compensations pour les pays les plus pénalisés par une ouverture des marchés, notamment les pays africains. Ces compensations doivent aller bien au-delà des interventions habituelles du FMI, peu souhaitées par les pays concernés.

Elle doit également donner un véritable contenu à la notion de « traitement spécial et différencié » qui permette aux pays en développement de protéger temporairement leurs industries naissantes et de bénéficier de programmes de soutien et d'assistance pour développer leurs capacités de production, dont l'impact pour les pays en développement est beaucoup plus important que celui d'une simple baisse des tarifs douaniers.

Le rapport montre, en effet, que, si l'ouverture commerciale est un catalyseur de la croissance, elle n'est pas nécessairement une condition suffisante du développement.

Pour en savoir plus sur la délégation pour la planification : http://www.senat.fr/commission/planification/index.html 

Contact presse : Ali SI MOHAMED  01 42 34 25 11  a.si-mohamed@senat.fr