La commission des finances s'interroge sur un retournement de tendance du marché immobilier et sur ses conséquences

Au cours de sa réunion du mercredi 5 octobre 2005, la commission des finances du Sénat, présidée par M. Jean Arthuis (UC-UDF, Mayenne), a entendu la communication de M. Philippe Marini (UMP, Oise), rapporteur général, intitulée « le marché immobilier en situation de retournement : analyse et conséquences », se fondant, notamment, sur une étude de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) concluant à l'absence de bulle immobilière, du moins à Paris.

Rappelant que le marché immobilier présente un caractère cyclique, M. Philippe Marini considère que le marché immobilier a atteint, en ce qui concerne les logements, un point haut. Les facteurs conjoncturels d'augmentation de la demande ont aujourd'hui tendance à s'essouffler. L'offre de logements connaît une nette hausse depuis deux ans. Surtout, la solvabilité des ménages apparaît fortement dégradée.

Le retournement de tendance constitue donc une probabilité forte, sans qu'il soit possible de déterminer l'effet de ce retournement sur l'évolution des prix à court terme. En effet, d'une part, selon une étude du FMI, portant sur la période 1970-2002 pour les pays de l'OCDE, les fortes augmentations des prix de l'immobilier ont été suivies de fortes diminutions des prix dans environ 40 % des cas. S'il n'est pas impossible que l'augmentation actuelle des prix de l'immobilier soit suivie d'une stabilisation, il y a près d'une chance sur deux qu'elle soit immédiatement suivie d'une baisse. D'autre part, l'ajustement des prix peut ne pas être immédiat : en 1991, le volume des transactions a d'abord chuté pendant plus d'une année avant que les prix ne connaissent un mouvement de baisse. Il n'est pas invraisemblable d'imaginer une baisse des prix de l'immobilier à deux chiffres au cours des deux prochaines années.

Ne pouvant appréhender l'ampleur de l'ajustement des prix qui pourrait suivre un retournement du marché immobilier, M. Philippe Marini formule des hypothèses sur son impact en matière de croissance économique, notant à cet égard une plus faible exposition des banques au risque immobilier qu'en 1991.

Les simulations réalisées par l'OFCE se fondent sur l'hypothèse d'une chute de 30 % des prix de l'immobilier, uniquement en France, et sans phénomène concomitant, comme une hausse des taux d'intérêt. L'impact global d'un tel scénario sur la croissance serait de l'ordre de 0,7 point de PIB, et donc relativement modeste, alors qu'une augmentation de 2 points des taux d'intérêt à court et long terme dans l'ensemble des pays de l'OCDE aurait, par comparaison, un impact global sur la croissance de 1,7 point de PIB, et qu'une appréciation de l'euro de 10 % par rapport au dollar, ou une augmentation de 10 dollars par baril du cours du pétrole, a un impact global de 0,5 point de PIB. Il convient de souligner le caractère redoutable d'un scénario cumulant plusieurs de ces chocs pour la croissance économique.

Il convient en outre de remarquer, le cas allemand mis à part, la forte corrélation des cycles immobiliers, par le passé, au sein des pays industrialisés. Ceci rend le scénario d'un retournement de tendance « simultané » dans la plupart des pays de l'OCDE vraisemblable. Il convient ainsi d'être attentif aux signes de refroidissement qui se font sentir dans d'autres pays, et notamment au Royaume-Uni.

Selon l'étude du FMI précitée, portant sur les pays de l'OCDE dans la période 1970-2002, une chute des prix des actions et des prix de l'immobilier réduit la croissance respectivement de 1,4 point  de PIB et de 2,6 points de PIB en moyenne au cours de chacune des trois années suivant la baisse. Selon cette même étude, les corrections du marché de l'immobilier, bien que plus faibles dans le passé que celles des marchés boursiers (respectivement 30 % et 45 %), sont associées à des réductions de la croissance du PIB près de deux fois supérieures à ces dernières. Les corrections du marché de l'immobilier durent plus longtemps que les corrections du marché des actions (4 années contre 2,5 années).

Les pouvoirs publics sont ainsi placés devant un dilemme : aider les ménages des classes moyennes primo acquérants, indéniablement paupérisés par la hausse des prix immobiliers, au risque quasi avéré d'alimenter l'inflation du marché, ou laisser s'opérer l'ajustement en cours, occasionné par la limitation des capacités d'acquisition des ménages, afin de favoriser un atterrissage en douceur.

M. Philippe Marini appelle les pouvoirs publics à la prudence afin d'éviter une surréaction des marchés, à la baisse, avec un risque pour la croissance, comme à la hausse, avec les risques liés à la création d'une « bulle ».

Stéphanie Garnier : 01 42 34 25 12 ou 25 13 s.garnier@senat.fr