Perspectives à moyen terme 2005-2008

La Délégation du Sénat pour la planification a adopté mardi 18 novembre un rapport d'information relatif aux perspectives à moyen terme de l'économie française. Ce rapport s'appuie sur des projections réalisées, à la demande de la Délégation, par l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Ces projections couvrent la période 2004-2008.

Le premier chapitre du rapport revient sur les prévisions de court terme pour l'économie française. Après une année 2003 difficile, l'année 2004 devrait être marquée par le retour de la croissance, tant en France qu'en Europe. Mais l'impulsion de la reprise viendrait des Etats-Unis, tandis que les moteurs internes de la croissance resteraient peu dynamiques, ce qui confirme l'impression d'une Europe dépendante de son environnement international. L'écart de croissance entre les Etats-Unis et les autres pays développés est source d'importants déséquilibres internationaux. Le déficit des comptes courants américains se creuse, ce qui fait peser le risque d'un ajustement à la baisse du dollar. Or, une trop forte appréciation de l'euro par rapport au dollar ou aux autres grandes devises minerait la croissance européenne. Enfin, il faut noter que l'assainissement structurel des finances publiques, qui est programmé en France, suppose une croissance implicite de l'ordre de 2,5 %, soit une très nette reprise. En bref, les conditions dans lesquelles les Etats de la zone euro conduiront effectivement leurs politiques budgétaires pourraient considérablement amputer la croissance en 2004. Cet effet indésirable se produirait certainement si les Etats en déficit devaient suivre les recommandations de la Commission européenne.

Le deuxième chapitre du rapport examine les perspectives de l'économie française à l'horizon 2008. Dans un premier scénario, on fait l'hypothèse que la croissance de l'économie française s'établit au rythme de 2 % par an sur la période 2005-2008. Atteindre ce rythme de croissance suppose une reprise modérée de la consommation des ménages et de l'investissement des entreprises. La hausse de la consommation et de l'investissement serait rendue possible par une baisse de deux points du taux d'épargne des ménages, et par une baisse du taux d'autofinancement des sociétés. Une croissance de 2 % par an ne serait pas suffisante pour faire baisser le taux de chômage, qui se maintiendrait à un niveau élevé, de 9,6 % de la population active.

Le deuxième scénario retient une hypothèse de croissance de 2,7 % par an sur la période 2005-2008. Ce rythme de croissance plus soutenu ne saurait être atteint qu'au prix d'une baisse importante du taux d'épargne des ménages (qui se rapprocherait du niveau observé au milieu des années 1980) et d'une dégradation prononcée du taux d'autofinancement des sociétés.

Ces deux scénarios ont en commun un faible dynamisme de la demande publique. On a retenu, pour les besoins de la projection, les objectifs de dépense publique énoncés par le Gouvernement dans le programme pluriannuel de finances publiques pour 2005-2007 (on prolonge les évolutions pour l'année 2008). Les dépenses publiques ne progresseraient que de 1 % par an en volume. L'orientation de la politique budgétaire vers un assainissement structurel des finances publiques, « coûterait » chaque année, d'après le modèle de l'OFCE, 0,6 point de croissance à l'économie française. On peut s'interroger sur le tempo de cette politique de réduction des déficits, dans un contexte marqué par une reprise encore fragile de l'activité faisant suite à plusieurs années de croissance insuffisante.

Ces deux scénarios ont également en commun de faire reposer le retour de la croissance sur la baisse du taux d'épargne des ménages, ce qui supposerait un retournement de la tendance observée ces dernières années. Il s'agit donc d'une hypothèse économique forte. Mais, la récente réforme des retraites, ainsi que la volonté du Gouvernement de réduire les déficits publics, sont de  nature à encourager les ménages à diminuer leur épargne de précaution.

Le troisième chapitre du rapport détaille les perspectives de finances publiques à l'horizon 2008.

Pour l'année de base de la projection (2004), un niveau de déficit de 3,9 % du PIB a été retenu. Cette prévision est un peu moins favorable que celle du Gouvernement (3,6 %), et s'explique par des hypothèses un peu plus pessimistes en matière de recettes fiscales (moindres recettes au titre de l'impôt sur les sociétés notamment).

A moyen terme, dans un contexte d'effort structurel identique, le rythme de réduction des déficits publics dépend beaucoup du rythme de la croissance. Dans le premier scénario, le déficit des administrations publiques serait de 3,4 points de PIB en 2005, et de 2,2 points de PIB en 2008. Dans le deuxième scénario, la baisse des déficits serait plus rapide : ils passeraient de 3,1 % du PIB en 2005, à 0,9 % du PIB en 2008.

L'effort de réduction du déficit structurel est le même dans les deux scénarios. Le déficit structurel serait quasi-nul en 2008. Le déficit conjoncturel augmente dans le premier scénario, en raison d'un taux de croissance légèrement inférieur au potentiel de l'économie française sur la période de projection. Au contraire, le déficit conjoncturel se résorbe progressivement dans le second scénario.

Il a été demandé à l'OFCE d'évaluer l'impact financier de la réforme des retraites à l'horizon de la projection. Il ressort de cette étude que la réforme des retraites va occasionner un surcroît de dépenses, d'ici 2008, d'un ordre de grandeur compris entre 1,3 et 2,2 milliards d'euros, selon les hypothèses économiques retenues. Ce résultat s'explique principalement par la possibilité de départ en retraite avant 60 ans, offerte aux salariés ayant accumulé plus de quarante années de cotisations.

Des variantes ont été commandées à l'OFCE afin de tester l'impact de mesures de politique économique ou d'un changement de l'environnement économique.

La première variante examine les conséquences d'une poursuite de la progression des dépenses publiques à leur rythme tendanciel (2,2 % par an en volume). Ces dépenses supplémentaires, par rapport à nos deux scénarios, soutiendraient la croissance du PIB, mais au prix d'une dégradation des finances publiques difficilement compatible avec le respect des engagements européens de la France.

La deuxième variante, qui mesure l'impact d'une poursuite de la baisse de l'impôt sur le revenu, aboutit à des conclusions assez proches. La baisse d'impôt exerce un effet de relance sur l'activité, mais dégrade le solde budgétaire dans des proportions toutefois moindres que la réduction calculée ex ante.

La troisième variante montre qu'une légère accélération de l'inflation dans un pays isolé de la zone euro offre à l'Etat concerné des marges de manœuvre supplémentaires dans le domaine budgétaire, en lui permettant de stabiliser plus facilement le ratio dette publique sur PIB.

Le quatrième chapitre du rapport se propose, enfin, de faire le point sur l'enjeu important que représente le taux d'emploi des « seniors » dans un contexte de vieillissement démographique de la société française.

La France se caractérise, en effet, par un taux d'emploi des seniors particulièrement bas : 34 % contre 60 % aux Etats-Unis ou dans les pays scandinaves. Ce faible taux d'emploi pénalise le potentiel de croissance de l'économie française. Il est également indispensable de rehausser le taux d'emploi des seniors pour assurer le succès de la réforme des retraites, votée l'été dernier, qui repose, en grande partie, sur un allongement de la durée de cotisations. Un échec en ce domaine conduirait à une baisse des taux de remplacement du revenu d'activité par la pension qui contrarierait l'objectif affiché de la réforme.

Les départs précoces en retraite et préretraite ont longtemps été encouragés, notamment dans un but de lutte contre le chômage. La réforme des retraites rompt avec cette pratique, et multiplie les incitations à la prolongation de l'activité au-delà de 55 ans.

Mais la réforme des retraites, pour porter pleinement ses fruits, doit être complétée par des politiques d'accompagnement. Une action résolue dans le domaine de la formation tout au long de la vie doit, en particulier, être mise en oeuvre. Il faut saluer, à cet égard, l'initiative prise par les partenaires sociaux dans l'accord national interprofessionnel du 20 septembre 2003.

Prolonger l'activité des seniors implique également qu'une attention constante soit portée à l'amélioration des conditions de travail en entreprise, ainsi qu'à la protection de la santé au travail.