Paradoxe étrange, la France, pays de la douceur et de l'art de vivre, est aussi celui qui consomme le plus de tranquillisants ! La France se drogue. Nos enfants sont de plus en plus nombreux à consommer de plus en plus jeunes des produits de plus en plus dangereux. La consommation de cannabis explose. L'ecstasy et les drogues chimiques « festives » règnent dans les rave-parties. La polytoxicomanie, qui mélange souvent les produits psycho-actifs licites et illicites, est de plus en plus fréquente. Favorisé par une idéologie permissive qui a trop inspiré une politique molle et des discours complaisants, ce mal insidieux est un cancer qui ronge notre société, privant d'avenir trop de nos enfants.

Certains nous disent que ce phénomène est irréversible. Il ne servirait à rien de lutter et il faudrait se résigner à accompagner cette évolution. Pourtant nous ne pouvons pas croire à la fatalité de la drogue. Les responsables politiques ont tendance à baisser les bras parce qu'ils ne mesurent pas la gravité des enjeux mais aussi parce qu'ils finissent par croire ceux qui leur proposent des solutions d'apprentis sorciers comme la dépénalisation ou même la légalisation. Cette démission n'est pas acceptable. Nous avons le devoir de garantir à nos enfants le droit de vivre libres dans une société sans drogue. Il convient donc de contenir le fléau puis tenter de le faire refluer. Il faut adopter une stratégie anti‑drogue fondée sur une inspiration humaniste soutenue par une volonté politique sans faille, pour recueillir l'adhésion de la nation dans la lutte contre ce fléau.

Réagir est un devoir pour la société tout entière : les parents, l'école, les associations, les institutions ; tous les citoyens ont un rôle à jouer pour répondre à un enjeu de santé publique, de sécurité et d'évolution de la nature même de notre société.

A l'initiative de M. Bernard Plasait, sénateur (UMP-Paris) et de M. Henri de Raincourt, sénateur (UMP-Yonne) et des membres de l'ancien groupe des Républicains et Indépendants, le Sénat a constitué le 12 décembre 2002 une commission d'enquête sur la politique nationale de lutte contre les drogues illicites.

Après six mois de travaux, 56 auditions, huit déplacements en métropole, à Saint‑Martin dans la zone Caraïbe et dans trois pays étrangers, la commission d'enquête analyse d'abord le phénomène de l'explosion des drogues tant en termes de consommation que de production et de trafic. Elle dénonce ensuite les dérives d'une politique qui se fonde aujourd'hui sur des instruments de lutte vieillis et insuffisants, entretenue par un discours trop complaisant sur les drogues. Elle prend également acte du consensus scientifique sur la dangerosité de tous les produits psycho-actifs et de la fin du mythe des drogues « douces ». A propos du cannabis, elle ne veut ni diaboliser ni banaliser, mais dire simplement la vérité. Le « joint », de plus en plus concentré en principe actif, est bien loin d'être inoffensif comme certains l'ont dit avec beaucoup de légèreté. Le cannabis est une drogue piège pour les adolescents. La commission en conclut que l'interdiction d'usage doit être réaffirmée, comme le souhaitent les trois quarts des Français, mais qu'elle doit être expliquée pour être comprise et acceptée.

Ce constat a conduit la commission à formuler 64 propositions constituant quatre piliers sur lesquels pourrait s'appuyer une nouvelle politique de lutte contre les drogues.

1 - Donner la priorité à une prévention totale dont l'objectif doit être d'empêcher de nouvelles personnes de tomber dans la drogue et d'aider à en sortir ceux qui sont sous sa dépendance. Une prévention faite d'éducation à la santé, d'information (notamment à l'école dès le CM1), de formation (des parents, des enseignants mais aussi des médecins, des élus...) et de prise en charge psychologique, sociale et sanitaire aussitôt qu'un problème lié à la drogue est décelé.

2 - Développer une politique de soins plus efficace pour l'accueil, le sevrage, les postcures et la préparation à la réinsertion. La « réduction des risques » doit conserver une place importante sans constituer à elle seule la politique de prévention.

3 - Apporter la réponse judiciaire et éducative qui n'existe pas aujourd'hui. La loi de 1970 qui n'est plus adaptée doit être remplacée sans affaiblir l'interdiction. C'est pourquoi il faut que toute infraction reçoive systématiquement une réponse adaptée, graduée et comprise. La mesure judiciaire sera toujours assortie d'une obligation d'intégrer un dispositif éducatif et psycho‑socio‑sanitaire. Il est proposé une simple contravention pour le premier usage qui ne serait plus passible de prison. Mais, la récidive et le refus de soins resteraient des délits avec la possibilité pour le juge, après l'utilisation d'une large palette de réponses personnalisées, de prononcer, en dernier recours, un placement dans un Centre fermé de traitement de la toxicomanie.

4 - Renforcer la répression du trafic sous toutes ses formes notamment par l'amélioration de la coopération internationale.

Le vœu de la commission d'enquête est que ses conclusions sonnent comme un signal d'alarme. Il est clair qu'il faut changer de politique pour éviter les ravages d'un fléau dont on est en passe de perdre le contrôle. Il y a urgence. Il n'est pas trop tard, mais il n'est que temps.

RÉSUMÉ DES PROPOSITIONS

DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE :

64 propositions autour de 4 priorités

I. PRIORITÉ À UNE PRÉVENTION TOTALE

Prévention et information

1. Renforcer la coordination interministérielle et privilégier les actions d'information, de prévention et de formation à l'égard des conduites à risques.

2. Lancer une campagne d'information auprès des jeunes sur les dangers sanitaires et sociaux liés à la consommation et au trafic de cannabis, et sur les sanctions pénales encourues.

3. Eriger l'école en fer de lance de la prévention. Aborder les dangers de la drogue dans les programmes scolaires dès le cours moyen.

4. Diffuser des messages de prévention clairs et scientifiquement validés sur les dangers réels de chaque produit, en utilisant des supports adaptés à chaque public.

5. Lancer une campagne d'information auprès des parents afin de leur permettre de détecter des conduites à risques chez l'enfant, et de réagir.

6. Coordonner l'action des structures sanitaires et sociales intervenant en partenariat avec le milieu scolaire, et orienter leur action vers les parents d'élèves.

7. Réactiver les CESC et évaluer régulièrement leur action.

8. Rappeler systématiquement aux élèves les risques disciplinaires et judiciaires encourus en cas d'infraction à la législation sur les stupéfiants.

9. Renforcer les sanctions pénales pour les infractions à la législation sur les stupéfiants constatées dans un périmètre entourant les établissements scolaires.

Assurer une véritable formation des acteurs de la prévention en matière de drogue et de toxicomanie

10. Dispenser une formation sur les conduites à risques dans les IUFM ainsi que dans les programmes de formation continue des enseignants.

11. S'assurer de la compétence professionnelle des acteurs associatifs.

12. Prévoir une formation pour les divers acteurs de terrain susceptibles d'être confrontés aux problèmes de dépendance aux drogues et de dopage : médecins, éducateurs sportifs, personnels pénitentiaires, éducateurs de la PJJ et avocats.

Développer la politique de recherche

13. Créer une structure de recherche sur les nouvelles drogues de synthèse en s'inspirant de l'expérience néerlandaise.

14. Associer la recherche publique et l'industrie pharmaceutique dans la lutte contre la toxicomanie.

15. Développer la recherche sur les causes de la toxicomanie et créer un établissement public centralisant et impulsant les études sur la toxicomanie, à l'image du National Institute on Drug Abuse américain.

16. Développer les outils statistiques de la chancellerie afin de suivre le parcours judiciaire des usagers de drogues.

Prévenir les dangers de toutes les drogues au volant

17. Prendre en compte les effets des médicaments sur la conduite automobile.

18. Introduire dans le programme national de formation à la conduite une information sur les conséquences notamment pénales de l'usage de stupéfiants au volant.

19. Développer les tests comportementaux et cibler les contrôles.

Lutter contre la drogue en milieu professionnel

20. Développer une campagne nationale sur les dangers liés à la toxicomanie en milieu professionnel, notamment dans les petites et moyennes entreprises.

21. Rappeler dans le règlement intérieur des entreprises l'interdiction stricte de consommation de stupéfiants pour l'ensemble des postes et non pas seulement les postes à risque.

22. Développer le rôle des médecins du travail dans le respect du secret médical.

23. Associer les partenaires sociaux aux actions de prévention dans les entreprises.

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