Allocution de Monsieur le Président du Sénat
devant les élèves de l’école de gendarmerie de Châteaulin (Finistère)
Le vendredi 18 mai 2018


Madame et Messieurs les Sénateurs, mes chers collègues, Mme Maryvonne BLONDIN, M. Jean-Luc FICHET et M. Philippe PAUL ;
Madame et Messieurs les Maires de Châteaulin, Dinéault, Plomodiern et Cast, chers collègues ;
Monsieur le Directeur de Cabinet du Préfet du Finistère ;
Mon Général, commandant la région de gendarmerie de Bretagne ;
Mon Colonel, commandant le groupement de gendarmerie départementale du Finistère ;
Mon Colonel, Directeur de l’École de gendarmerie de Châteaulin ;
Mesdames et Messieurs les officiers et sous-officiers ;
Mesdames, Mesdemoiselles et Messieurs les élèves gendarmes ;
Mesdames et Messieurs ;

Je suis très heureux d’être parmi vous aujourd’hui et je tiens à vous remercier, Mon Colonel, ainsi que l’ensemble des personnels de l’école, pour la qualité de votre accueil et la parfaite organisation de cette visite.

Cette visite est pour moi l'occasion de saluer votre engagement en tant que futurs sous-officiers de gendarmerie.

Et, à travers vous, je voudrais rendre hommage à l'ensemble des militaires de la gendarmerie nationale, pour leur action quotidienne au service de la sécurité de la population.

Avant d’évoquer les défis actuels, permettez-moi de rappeler brièvement la place essentielle de la gendarmerie au sein de la République.

1°) La gendarmerie : un « pilier » de la République et de l’Etat

Au moment où notre pays est confronté à une menace terroriste qui demeure élevée, à la délinquance et à l’insécurité, à des manifestations parfois violentes qui mettent directement en cause l’autorité de l’État, il me paraît important de souligner le rôle essentiel de la gendarmerie.

La gendarmerie nationale est une institution profondément ancrée dans notre paysage quotidien – au cœur des territoires – et dans le cœur des Français qui savent le prix élevé que vous payez pour leur sécurité.

Nous avons tous en mémoire la mort héroïque du colonel Arnaud Beltrame, qui a illustré de manière éclatante aux yeux de nos concitoyens, les vertus d’abnégation, de don de soi, de courage, qui peuvent aller jusqu’au sacrifice suprême, qui sont celles des militaires de la gendarmerie comme des militaires des armées et des policiers, au service de notre pays.

Je n’oublie pas non plus vos camarades gendarmes et policiers, morts ou blessés en service, et à chaque fois je repense au couple de fonctionnaires de police lâchement assassinés le 13 juin 2016 à Magnanville, dans mon département des Yvelines.

Napoléon écrivait en 1806, « La gendarmerie, c’est une organisation à part. C’est la manière la plus efficace de maintenir la tranquillité d’un pays, c’est une surveillance moitié civile, moitié militaire, répandue sur toute la surface, qui donne les rapports les plus précis ».

Depuis sa création, il y a huit siècles, la gendarmerie a su s’adapter tout en restant fidèle à ce qui fait sa spécificité de force de sécurité à statut militaire, en assumant sa belle devise « Pour la Patrie, l’Honneur et le Droit ».

Le Sénat, qui représente les territoires, entretient une relation étroite avec la gendarmerie nationale, je peux même ajouter une « relation affective ».

J’ai aussi un attachement personnel pour la gendarmerie nationale, puisque j’ai servi auprès du régiment de cavalerie de la Garde républicaine.

En tant que Président du Sénat, j’ai présidé les débats sur la loi du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale.

Tout en approuvant le rattachement de la gendarmerie nationale au ministre de l’Intérieur, nous avons veillé à préserver dans la loi, le statut militaire de la gendarmerie, à conforter ses missions et son organisation propre, ainsi que son ancrage territorial.

La gendarmerie c’est d’abord le « maillage » du territoire assuré par les 3200 brigades territoriales de la gendarmerie départementale.

C’est la disponibilité – propre au statut militaire –, qui permet d’assurer la sécurité sur 95 % du territoire et pour la moitié de la population, en particulier dans les zones rurales et périurbaines.

Cette proximité, la connaissance intime du terrain, font partie de l’« ADN » de la gendarmerie. C’est ce qui explique que les gendarmes restent très respectés par la population.

La gendarmerie, c’est aussi le maintien de l’ordre, assuré par la gendarmerie mobile, aussi bien en métropole qu’en outre-mer.

Grâce à son statut militaire, la gendarmerie est aujourd’hui la seule force de sécurité en mesure d’assurer les missions de maintien de l’ordre dans certains territoires ultramarins confrontés à une violence trop souvent endémique. Je pense à la Guyane, à Mayotte, à la Nouvelle-Calédonie.  

Alors que dix-sept escadrons, soit 1 500 gendarmes mobiles, et deux escadrons en réserve, ont été mobilisés hier pour la deuxième phase de l’évacuation de la ZAD à Notre Dame des Landes, je tiens ici à saluer leur professionnalisme  et leur sang-froid, et condamner avec la plus grande fermeté les violences inacceptables commises par les « zadistes ».

La gendarmerie, c’est aussi d’autres missions, comme la police judiciaire, la sécurité routière, la lutte contre la cybercriminalité, le renseignement, et bien d’autres encore.

Je pense notamment à vos camarades gendarmes mobilisés actuellement dans l’ensemble du département du Finistère et de la région Bretagne à la recherche du détenu fiché « S », qui s’est évadé mercredi matin, lors d'un transfèrement de la maison d’arrêt vers le centre hospitalier de Brest.  

C’est aussi l’unité d’élite que représente le Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale, basé à Versailles-Satory.

Enfin, la gendarmerie, ce sont aussi les services d’honneurs et de protection assurés par la Garde républicaine, dans les palais nationaux, comme le Sénat.

Disponibilité, proximité, discipline, polyvalence : telles sont donc les principales caractéristiques de la gendarmerie, ses « fondamentaux ».   

Ces missions, les officiers et sous-officiers de gendarmerie, véritables « soldats de la loi », les assurent avec professionnalisme, efficacité, dévouement et nous tenions à vous témoigner – par notre présence aujourd’hui – de notre respect, de notre reconnaissance, de notre confiance.

Je n’oublie pas non plus le rôle essentiel joué par les réservistes, les membres du corps de soutien technique et administratif et les personnels civils de la gendarmerie.

Ainsi, les 30 000 réservistes de la gendarmerie apportent un renfort indispensable aux unités d’active, notamment en période estivale, et participent au lien Armée/Nation. Je pense par exemple à la brigade nautique de Roscoff, dont les effectifs sont renforcés pendant l’été par des réservistes et qui assure les missions d’action de l’Etat en mer.  

En tant qu’élèves gendarmes, vous pouvez être fiers de servir au sein de cette noble institution, qui joue un rôle essentiel pour assurer la sécurité des Français.

2°) Les défis actuels de la gendarmerie nationale

Dans son discours sur la sécurité, prononcé le 18 octobre dernier, le Président de la République a annoncé plusieurs réformes.

Il a d’abord annoncé le recrutement de 10 000 policiers et gendarmes sur les cinq prochaines années.

Je soutiens cette décision, même si le ratio annoncé par le ministre de l’Intérieur (7 500 policiers/ 2 500 gendarmes) m’apparaît trop déséquilibré.

Le Président de la République a également annoncé la mise en place de la « police de sécurité du quotidien ».

La gendarmerie nationale a pris une certaine avance dans ce domaine avec la création des « brigades territoriales de contact ». Celles-ci ont pour mission de renouer avec la vocation première de la gendarmerie, qui est la proximité avec la population, et de renforcer la présence effective des gendarmes sur le terrain.

Il faut bien reconnaître que ces dernières années, cette proximité s’est progressivement atténuée, notamment en raison de la suppression de brigades et du regroupement des brigades territoriales au sein des « communautés de brigades »,  mais aussi des évolutions sociales.  

Après le succès de l’expérimentation menée dans plusieurs départements, ces brigades ou groupes de contact ont vocation à être généralisés sur l’ensemble du territoire et je m’en félicite.

Il vous appartiendra de faire vivre ce modèle en allant sur le terrain, au contact des élus locaux et de la population.

Je pense en particulier aux Maires, qui sont des acteurs importants en matière de sécurité, et dont le rôle n’est pas assez reconnu.

La simplification de la procédure pénale – qui est devenue au fil du temps un véritable maquis – constitue – je le sais - une très forte attente des policiers et des gendarmes. Ils me le disent sur le terrain.

Il s’agit là aussi d’un enjeu majeur pour améliorer la réponse pénale et renforcer la confiance entre les policiers, les gendarmes et les magistrats.

Ayant été moi-même rapporteur du budget de la gendarmerie entre 2011 et 2014 pour la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat, avant de transmettre le « flambeau » à mon collègue Philippe Paul, sénateur de ce département, je connais bien les difficultés de la gendarmerie en matière d’équipements et d’immobilier.

Je pense en particulier au renouvellement des véhicules et des hélicoptères et à l’état de vétusté de certaines casernes, qui pèse lourdement sur les conditions de vie des gendarmes et de leur famille. C’est un sujet très important à nos yeux.

Des efforts ont été accomplis ces dernières années, en particulier grâce aux collectivités territoriales. Mais il apparaît nécessaire d’engager un vaste plan de rénovation de l’immobilier.

La question de la transposition de la directive européenne sur le temps de travail de 2003 aux militaires de la gendarmerie et des armées soulève aussi d’importants enjeux.

Je m’en suis entretenu avec le Président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker en décembre dernier.

La gendarmerie nationale a effectué une transposition partielle pour tenir compte des temps de repos.

Aller au-delà, en appliquant la durée maximale de 48 heures hebdomadaire d’une manière uniforme, risquerait d’affaiblir la capacité opérationnelle de l’Arme.  

Mais le défi le plus sérieux auquel vous êtes aujourd'hui confrontés – et vous n’êtes pas les seuls puisque les policiers et les pompiers le sont également – est celui de l'insécurité croissante dans laquelle vos interventions d’effectuent.

Cette situation n'est qu'un des symptômes d'une dégradation générale de l'esprit civique, de l’autorité de l’État, dégradation que connaît aujourd'hui notre pays et que nous nous devons de surmonter.

Je pense en particulier aux violences inacceptables commises en marge des manifestations par des groupes de « casseurs » de plus en plus organisés, à l’image des « zadistes » ou des « Black Blocs », qui n’hésitent pas à s’en prendre directement aux dépositaires de l’autorité publique.

Sur tous ces sujets, le Sénat est attentif à votre situation. Le Sénat a ainsi créé au début de l’année une commission d’enquête sur l’état des forces de sécurité intérieure, qui devrait remettre ses conclusions d’ici l’été.

Après les agressions violentes subies par des policiers à Champigny-sur-Marne, lors du Nouvel an, et à Aulnay-sous-Bois, quelques jours après, j’ai souhaité moi-même mener une réflexion sur ce sujet.

Dans ce cadre, j’ai effectué plusieurs déplacements, notamment auprès d’un commissariat de police à Bondy, en Seine Saint Denis, et à l’école nationale de Police de Oissel en février dernier, où j’ai pu mesurer l’importance du recrutement et de la formation initiale des jeunes policiers.

À cet égard, il me semble que le statut de la gendarmerie, ses valeurs militaires, et son organisation propre, constituent des atouts qu’il me paraît essentiel de préserver et de transmettre aux futurs gendarmes, et c’est le sens de ma visite d’aujourd’hui à l’école de gendarmerie de Châteaulin.

Mesdames et Messieurs les officiers, sous-officiers et élèves gendarmes, je voudrais, au nom du Sénat et de l’ensemble de mes collègues, vous témoigner notre reconnaissance et notre soutien pour avoir choisi de porter cet uniforme et de servir la République. Votre engagement au service de la sécurité de nos concitoyens vous honore.

Je remercie également votre directeur et l’ensemble des officiers et des personnels qui contribuent à votre formation.

« Celui qui combat peut perdre, mais celui qui ne combat pas a déjà perdu » écrivait Bertolt Brecht.

En tant que « soldats de la Loi », je sais que la France, la République, peuvent compter sur vous.

Seul le prononcé fait foi