Ouverture de la Journée des déontologues locaux de la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique
le jeudi 17 mai 2018



Monsieur le Président de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique,
Monsieur le Président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale
Monsieur le Président du comité de déontologie,
Mesdames et Messieurs les membres du collège de la Haute autorité,
Mesdames et Messieurs les déontologues des collectivités locales,

Je suis heureux d’ouvrir ce matin, cette première rencontre des déontologues des collectivités locales, en compagnie du président de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, Jean-Louis Nadal, et en présence du président de la commission des lois, Philippe Bas et du président du comité de déontologie, François Pillet.

Le Président Jean-Louis Nadal m’avait sollicité à l’automne dernier pour accueillir cette première rencontre des déontologues locaux.

J’ai accepté immédiatement car le Sénat me semble le lieu propice pour ces échanges à deux titres.

D’abord en qualité de précurseur sur les questions de déontologie interne.

Ensuite en qualité de représentant des collectivités territoriales.

Permettez-moi d’abord d’évoquer le rôle précurseur du Sénat en matière de réflexion déontologique.

Dès les années 90, c’est-à-dire à « une époque où l’on faisait encore de la déontologie sans le savoir », le Sénat avait mis en place un groupe de réflexion novateur sur le métier de fonctionnaire parlementaire. Ce groupe d’étude sur la déontologie s’était intéressé aux droits et aux obligations des fonctionnaires, au rôle des fonctionnaires parlementaires vis-à-vis des sénateurs, et à la recherche des moyens propres à permettre aux fonctionnaires de remplir leur rôle de manière adéquate. Il avait rédigé plusieurs fascicules qui ont servi de référence pendant de nombreuses années.

Puis, le Comité de déontologie des sénateurs a été créé dès 2009 sur deux propositions, celles des Présidents Robert Badinter et Josselin de Rohan, propositions devenues conjointes. Cette initiative qui marquait la préoccupation partagée de voir le Sénat reconnu comme une institution référence, me semble avoir revêtu aujourd’hui un caractère précurseur, si l’on en juge par les évolutions importantes intervenues depuis lors dans notre législation en matière de transparence de la vie publique ou par les nouvelles exigences de nos concitoyens.

Les lois récentes, qui ont érigé notre Comité au rang législatif, sont venues conforter les choix du Sénat.

À la différence de l’Assemblée nationale, qui a souhaité s’en remettre à une seule personne, un déontologue extérieur, le Sénat a quant à lui opéré le choix d’un organe interne, composé de sénateurs, qui lui a semblé le mieux à même, par la connaissance des réalités du mandat parlementaire, de traiter les questions éthiques que nos collègues pouvaient rencontrer sur le terrain.

J’espère que l’expérience et le recul du Sénat sur la déontologie et les instances à même de la promouvoir et l’encadrer pourront vous inspirer. Je laisserai François Pillet développer ce matin plus longuement le choix d’organisation, notamment la collégialité, qui a permis au comité d’assurer un contrôle pertinent, reconnu et respecté.

Mais c’est aussi en sa qualité de représentant des collectivités territoriales que le Sénat est le lieu naturel de cette première rencontre.

Lors des derniers débats parlementaires, la commission des lois a été particulièrement attentive à trouver le bon équilibre entre l’intention positive de la transparence, qui permet au citoyen d’être mieux informé de l’empreinte normative d’un texte, et la réalité des faits.

Ainsi, lors de l’examen du projet de loi Sapin 2, le Sénat, suivant l’analyse de la commission des lois et de son rapporteur, notre collègue François Pillet, s’était opposé à l’inclusion des responsables publics locaux dans le champ d’application de ce dispositif d’encadrement des relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics, dont l’entrée en vigueur est prévue au 1er juillet 2018.

Cet avis était d’ailleurs partagé par le Président Nadal.

En l’état actuel, la loi semble en effet dans le concret inapplicable. Aujourd’hui, le répertoire numérique des représentants d’intérêts encadre les relations de près de 11 000 responsables nationaux, depuis son entrée en vigueur au 1er juillet 2017. Ce nombre serait porté à près de 19 000, avec l’extension du répertoire aux responsables publics locaux, sans compter que le nombre de représentants d’intérêts sera mécaniquement démultiplié par l’inclusion de l’échelon local. Selon la HATVP, qui a établi des comparaisons internationales, le répertoire numérique actuel serait ainsi celui qui a le champ d’application le plus large au monde.

L’extension du répertoire numérique aux relations quotidiennes qui se nouent sur les territoires entre les collectivités territoriales et la société civile aurait pour effet d’amoindrir la lisibilité du dispositif, en augmentant de près de 73 % le nombre d’entités inscrites dans ce répertoire, alors même que la plupart d’entre elles ne mènent jamais d’action de représentation d’intérêts pour l’élaboration des lois ou des décrets. Cela reviendrait à faire peser des obligations disproportionnées sur des acteurs qui ne mènent aucune action de représentation d’intérêt au niveau national.

L’Assemblée nationale ne nous a pas entendu et a retenu, dans le texte final, l’extension du registre des représentants d’intérêt aux élus locaux.

Dans le cadre de l’examen du projet de loi pour un Etat au service d’une société de confiance, le Sénat est revenu sur la disposition pour la supprimer. Ce point a fait l’objet d’une discussion lors de la CMP. J’espère, à tout le moins que nous parviendrons à faire reculer l’entrée en vigueur du répertoire pour les collectivités territoriales.

Vous le savez, le Sénat est particulièrement vigilant à laisser respirer les territoires. Prenons garde à ne pas décourager les élus locaux en leur imposant des contraintes disproportionnées.

La force de cette première rencontre sera de définir le juste équilibre entre l’exigence de transparence accrue à l’égard des élus, et le niveau raisonnable de contraintes supplémentaires qui peuvent peser sur nos élus sans entraver leur action.

Un mot sur ce principe d’équilibre :

- on sait dans quelles circonstances le pouvoir exécutif a proposé au Parlement la mise en place de divers dispositifs de transparence,
- on sait qu’il a conduit, parfois sous une pression médiatique disproportionnée, à créer des doutes, parfois pourquoi ne pas le dire, certains malaises, notamment dans les deux chambres du Parlement, aussi je voudrais vous dire qu’après 4 années d’expérience de Président d’une Assemblée et je suis aujourd’hui de fait le seul à pouvoir exprimer ce vécu sur l’ensemble de la période, combien s’est construit avec la Haute autorité une relation à la fois totalement indépendante mais aussi confiante. Le Président Nadal y est pour beaucoup et je voulais lui exprimer ce ressenti.

Place à vos travaux.

Seul le prononcé fait foi