Intervention de Monsieur le Président du Sénat
Colloque organisé par la Société de législation comparée
« Les entreprises innovantes : comment les développer en France ? »
Palais du Luxembourg – Salle Clémenceau – 24 novembre 2017


Monsieur le Président de la Société de législation comparée,
Mes chers collègues sénateurs,
Mesdames et Messieurs les membres de la Société de législation comparée,
Mesdames et Messieurs,

Je suis heureux de partager avec vous la conclusion ici au Palais du Luxembourg de ce colloque intitulé « Les entreprises innovantes : comment les développer en France ? ».

Je veux saluer l’action de la Société de législation comparée et souligner toute l’importance que le Sénat attache à cette approche comparative.

C’est probablement peu connu mais notre assemblée dispose elle-même d’une division de la législation comparée qui a publié près de 280 études.

Elles ont notamment porté récemment sur les systèmes d’indemnisation des catastrophes naturelles, les procédures participatives, la distribution d’assurances, le licenciement économique ou encore la fiscalité de la transmission des entreprises. D’autres sont en cours, sur le service national, l’entrée à l’université ou les infractions sexuelles sur les mineurs.

Cette démarche comparative est importante. Même si chaque pays a ses traditions juridiques et son propre équilibre économique et social, nous ne vivons pas dans une bulle et nous devons être capables de tirer le meilleur parti des expériences positives menées à l’étranger.

C’est notamment vrai dans le domaine économique. Nous évoluons dans le cadre d’un marché unique européen et la concurrence est mondiale, en particulier pour l’innovation. D’où la nécessité en ce domaine d’être attentif aux atouts et aux réformes menées par nos voisins, par nos concurrents, mais aussi d’être capable de poser un diagnostic juste sur nos forces et nos faiblesses.

Cette tâche et cette philosophie, ce sont précisément celles de notre délégation aux entreprises, présidée par ma collègue Elisabeth Lamure, sénatrice du Rhône.

Nous avons proposé de créer cette délégation fin 2014 car aucune structure du Sénat ne traitait auparavant des entreprises dans leur globalité, alors qu’elles sont les moteurs du développement économique de notre pays.

En près de trois ans d’existence, cette délégation a démontré toute son utilité, d’abord en allant à la rencontre des chefs d’entreprise dans de nombreux départements, mais aussi à la rencontre d’entrepreneurs français établis dans d’autres pays de l’Union européenne, à Londres, à Bruxelles, à La Haye, en Allemagne et en Suède. Et, les sénateurs de la délégation ont relayé avec force au sein de notre assemblée les préoccupations que les chefs d’entreprise ont exprimées.

Ils ont conduit plusieurs études et pris des initiatives législatives. Par exemple pour évaluer nos modes de relations sociales dans l’entreprise, développer l’apprentissage et simplifier les normes qui brident la croissance des entreprises françaises.

Elle a récemment publié deux rapports, l’un pour faciliter la transmission et la reprise des entreprises, l’autre pour poursuivre les démarches de simplification visant à « libérer les entreprises ».

A travers ses différents travaux, aux côtés des commissions permanentes et des autres délégations du Sénat, cette délégation aux entreprises porte un message que je partage pleinement : il est urgent d’agir enfin pour moderniser notre cadre économique et social, pour redonner des perspectives juridiques et fiscales claires aux entreprises, pour leur redonner de la compétitivité. C’est ainsi que notre pays pourra retrouver enfin un niveau de croissance plus soutenu pour créer de la richesse et préserver notre cohésion sociale.

Comme notre délégation, je ne me satisfais pas que la France occupe le 115ème rang sur 138 dans le classement du Forum économique mondial sur le poids de la réglementation.

Nous avons là des marges de manœuvre évidentes pour redonner des perspectives à notre pays, sans créer de dépenses publiques supplémentaires car nous ne pouvons plus nous le permettre.

Nous sommes déjà champion d’Europe, ex-aequo avec la Finlande, avec des dépenses qui représentent près de 57 % du PIB, un déficit et une dette très élevés et un taux de prélèvements obligatoires supérieur à la moyenne de nos concurrents européens.

Ce modèle-là peut-il conduire à la réussite ? La réponse est clairement non, et je le mesure en me rendant dans les départements à la rencontre des élus locaux et de nos concitoyens.

Je ne me résous pas à un taux de chômage qui frôle toujours les 10 %, et les 22 % chez les jeunes. Je ne me résous pas à voir des pans entiers de notre territoire décliner économiquement et se sentir laissés de côté. Je ne me résous pas à ce que certains de nos concitoyens se considèrent presque comme « abandonnés » par les politiques publiques.

Alors, oui, il nous faut réformer, réduire la fracture territoriale et redresser notre économie. Et ce n’est pas en injectant massivement des crédits publics financés à crédit que nous y parviendrons. C’est en repensant notre modèle économique et social pour l’adapter aux besoins de notre temps et, surtout, en misant sur la confiance, l’innovation et la responsabilité !

Comme les chefs d’entreprise, les élus locaux ont eu à souffrir de l’instabilité législative et réglementaire, notamment des changements incessants pendant sept ans de leurs compétences et de leur périmètre d’action, ce qui les a empêchés de se projeter dans l’avenir et d’agir en conséquence.

Comme les chefs d’entreprise, ils subissent de plein fouet le poids des normes et la logique de contrôle tatillon de l’Etat, alors que celui-ci devrait être un partenaire de confiance au service du développement des territoires.

C’est donc logiquement que depuis 2014, le Sénat s’est engagé à leurs côtés, comme à ceux des chefs d’entreprise, pour leur redonner des perspectives et engager des démarches de simplification, sous l’impulsion de la délégation aux collectivités territoriales. Mais également pour construire une relation de confiance dans la durée, avec eux comme avec les chefs d’entreprise.

Je suis en effet convaincu que la confiance doit être la matrice de notre action publique en faveur des entreprises comme des collectivités territoriales, car elle est la clé de la croissance. Sans confiance, nous ne parviendrons pas à atteindre le niveau de croissance auquel nous pouvons prétendre !

Pour redonner des perspectives positives à notre pays, pour renouer avec un taux de croissance plus élevé, pour abaisser durablement le taux de chômage et préserver notre cohésion sociale, nous avons besoin des entrepreneurs qui sont la source de l’innovation et de la création d’emplois dans les territoires.

Nous avons en particulier besoin de permettre aux entreprises innovantes de se développer. La petite start-up d’aujourd’hui est peut-être le futur géant mondial de demain, comme le furent en leur temps Microsoft ou Facebook.

Le cadre juridique de notre pays doit donc favoriser cette expansion des entreprises innovantes, même s’il est lui-même parfois bouleversé par ces innovations.

Nous avons tous à l’esprit les controverses juridiques, dans de nombreux pays, liées à l’expansion de la société Uber. Nous avons tous à l’esprit les craintes ou les espoirs, selon le point de vue, liés à « l’ubérisation de la société ». C’est un exemple emblématique d’une innovation technologique, combinée à une nouvelle approche entrepreneuriale, qui vient « percuter » un cadre juridique existant, singulièrement dans le domaine social. Et ce n’est pas un sujet second.

Confrontés à des innovations qui, par nature, bouleversent les acteurs et les cadres établis, l’Etat, le Parlement, les juristes, doivent ainsi être capables d’interroger la pertinence des règles de droit pour en renforcer le sens profond tout en favorisant l’innovation.

Mais le droit ne fait pas tout. La culture du risque et la capacité à lever des fonds sont essentiels pour le développement de nos start-ups et leur passage au rang de licornes ou d’ETI. Le développement du capital-risque est ainsi nécessaire et je sais que cela a fait l’objet d’échanges ce matin.

Le Sénat y est attentif depuis de nombreuses années. Il a accueilli de nombreuses années, à l’initiative de mon collègue de l’Aube Philippe Adnot, une manifestation appelée Tremplin entreprises. Organisée en partenariat avec l’Essec, elle visait précisément à mettre en relation des jeunes entreprises innovantes avec des investisseurs pour leur permettre de croître. Et je suis heureux de constater aujourd’hui que certains lauréats primés dans ce cadre ont connu une très belle expansion, certains étant devenus des champions mondiaux dans leur domaine.

Il était donc tout naturel que votre colloque se tienne ici, au Sénat. Je suis certain que les actes de cette matinée alimenteront utilement les réflexions de nos commissions et délégations, car nous partageons une volonté : celle de porter les ambitions de notre pays qui a une culture d’innovation. Et ce n’est pas pour rien si on s’arrache nos ingénieurs ou nos développeurs informatiques !

La France est pleine de talents, dans tous les territoires de notre République. La France a de l’ambition, elle en a les capacités. Alors à nous d’inventer avec vous le cadre juridique, économique et fiscal qui permettra à cette ambition de se concrétiser !

Seul le prononcé fait foi