Intervention de Monsieur le Président du Sénat
Ouverture de la Conférence nationale
des pôles territoriaux et des pays
Lundi 23 octobre 2017 – Palais du Luxembourg (Salle Clemenceau)


Monsieur le Président de l’Association nationale des pôles territoriaux et des pays, mon cher collègue Raymond Vall,
Madame la Ministre, chère Jacqueline Gourault,
Cher Jacques Pélissard,
Mes chers collègues Députés et Sénateurs,
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,

Je suis très heureux de vous accueillir aujourd’hui au Palais du Luxembourg pour évoquer un thème qui nous tient particulièrement à cœur au Sénat, celui de la coopération entre les territoires et de la place des territoires ruraux.

Je remercie mon collègue  le Président Vall d’avoir organisé cette rencontre au Sénat et de m’avoir proposé de l’ouvrir. Raymond Vall est un spécialiste concret des questions d’aménagement du territoire et il a présidé la commission en charge de ces questions.

C’est à l’initiative de cette commission et sous sa présidence, qu’a été créé l’outil des pôles d’équilibre territorial et rural, conçu comme un pendant aux pôles métropolitains, dans le cadre du projet de loi MAPTAM (loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles).

Le rapporteur pour avis de la commission, Jean-Jacques Filleul, avait alors justifié cette création de la manière suivante : « alors que les territoires urbains peuvent s’organiser en pôles métropolitains, il est apparu nécessaire à votre commission de donner un signal fort en direction des territoires ruraux. L’objectif de l’amendement qu’elle a adopté à cet effet est de proposer aux territoires ruraux un outil de développement et d’aménagement qui leur permette de poursuivre les démarches engagées, notamment par les pays, et les dynamiques territoriales existantes ». Il était donc naturel que cette conférence ait lieu aujourd’hui au Sénat.

La défense des territoires ruraux figure dans « les gènes » du groupe RDSE auquel appartient le Président Vall, c’est d’ailleurs un « gène » très partagé au Sénat.

Il œuvre au quotidien en faveur de la coopération entre les territoires urbains, péri-urbains et ruraux, comme il l’a montré à travers la signature d’un contrat de réciprocité entre la métropole de Toulouse et le Pays Portes de Gascogne, l’un des premiers du genre avec celui qui fonctionne entre Brest Métropole et le Pays Centre-Ouest Bretagne.

Je veux ici vous dire que l’ensemble du Sénat est attentif à cet enjeu. En effet, en tant que représentant constitutionnel des collectivités territoriales, c’est « l’équilibre des Territoires », pendant de « l’équilibre des Pouvoirs », le Sénat -et chaque sénateur individuellement - a une mission particulière : Les Sénatrices et les Sénateurs sont au Parlement les représentants de la France de la proximité, de la France du concret, celle de la vie quotidienne des Français dans chacune de leurs communes et de leurs départements. C’est la raison pour laquelle la question de l’équilibre des territoires est au cœur des préoccupations du Sénat.

Le développement équilibré de nos territoires, en métropole et dans nos outre-mer, est en effet indissociable de l’idée que nous nous faisons de la Nation et de son unité.

« La fracture territoriale est un poison lent qui mine notre pays et fissure notre modèle républicain », ce sont les mots de mon discours du 2 octobre ! Il n’y a pas d’un côté la France des métropoles sur laquelle il faudrait miser, et de l’autre la France des territoires oubliés. Il n’y a qu’une seule France, diverse, complémentaire.

Et la cohésion territoriale, ce n’est pas qu’un sujet d’élus ou de spécialistes en ingénierie territoriale. C’est un sujet profondément politique, essentiel pour la cohésion sociale et politique de notre pays :

Comment se sentir pleinement intégré à la Nation quand on a le sentiment que l’État vous abandonne ? Comment se sentir pleinement intégré à la Nation quand on a le sentiment d’être laissé de côté parce qu’on n’habite pas au bon endroit ?
L’équilibre des territoires est ainsi un enjeu fondamental et le Sénat est totalement mobilisé pour le garantir.

On ne peut pas accepter les ruptures d’égalité en matière de couverture numérique des territoires, en matière d’accès aux soins ou encore de transports. On ne peut pas non plus accepter « l’anorexie » progressive des centres-villes et des centres-bourgs. Le Sénat mène un travail sur ce sujet et fera prochainement des propositions, en étant attentif aux retours de terrain des élus locaux, qui sont notre boussole.

Nous sommes en effet convaincus au Sénat que nous devons faire confiance aux élus et aux acteurs locaux pour construire projets partagés et des coopérations adaptées aux besoins des territoires. Et cessons de tout attendre de la loi, de tout subir de la loi !
De nombreuses réformes territoriales ont eu lieu ces dernières années. Il faut désormais laisser le temps aux élus de « digérer » ces réformes et de se projeter. Ceci sans exclure les aménagements pragmatiques qui pourraient s’avérer indispensables pour s’adapter aux réalités locales !

C’est tout le sens des initiatives prises par notre commission des lois, notamment sous l’impulsion du Président Philippe Bas et de Mathieu Darnaud, sénateur de l’Ardèche.

Pour le Sénat, la loi NOTRe n’est pas un « totem », même si nous pensons qu’il faut en préserver l’économie générale. Mais il faut savoir être pragmatiques et procéder aux ajustements nécessaires qui sont attendus par les élus locaux !
Ce sera notre démarche, qui s’appuiera sur davantage de consultations directes des élus locaux et sur la mission d’évaluation des réformes territoriales, que nous allons reconduire.

Nous devons faire en sorte que la collaboration entre les différents niveaux territoriaux entre l’État et les collectivités territoriales soit optimisée, en veillant à garantir constamment dialogue, respect et complémentarité.

Ce dialogue, ce respect et cette recherche de la complémentarité sont précisément des éléments constitutifs du modèle des pôles d’équilibre territoriaux et ruraux, pendant des pôles métropolitains, et des contrats de réciprocité portés par Raymond Vall. C’est aussi plus largement le cas des différents modes de coopérations interterritoriales qui fonctionnent bien. Parce qu’ils sont issus de projets partagés et parce qu’ils sont souples !

C’est d’ailleurs ce qu’ont souligné nos collègues Jean-Marie Bockel et Charles Guené, dans leur rapport de juin 2017 sur « les pôles d’équilibre territoriaux et ruraux et les pôles métropolitains comme nouveaux territoires de projet ». Je les cite :

«  L’objectif était de mettre en valeur la souplesse de ces structures, dont l’action en faveur de nos concitoyens est aussi directe que concrète : transport, santé, urbanisme, développement économique, patrimoine culturel… Ces structures ont pour objectif de s‘adapter aux besoins des habitants alors que les réformes des dernières années ont plutôt eu tendance à demander à nos concitoyens de s’adapter aux nouvelles structures territoriales ! (…) »

Leur conclusion est un guide pour l’avenir : « Les structures souples doivent pouvoir être privilégiées et accompagnées : elles sont gages d’efficacité mais également d’économies par les mutualisations qu’elles sont susceptibles d’organiser sur la base du volontariat ».

Le dialogue et le respect sont une des conditions de la réussite des territoires de projet. Ils sont également essentiels pour la qualité des relations entre l’État et les collectivités.
Je réaffirme ce matin les propos que je tenais au Président de la République dans cette même salle, lors de la Conférence nationale des territoires, le 17 juillet dernier : il ne peut y avoir de pacte de confiance entre l’État et les collectivités territoriales sans respect réel des élus locaux !

Le Sénat –qui est une assemblée parlementaire de plein exercice et non un Bundesrat– sera ainsi très attentif au respect de la libre administration des collectivités territoriales, garantie par l’article 72 de notre Constitution et qui inclut la liberté de gestion des personnels, ainsi qu’au respect de leur autonomie financière. Madame la Ministre, vous le savez : ce sont des lignes rouges !

La confiance ne se décrète pas, elle se prouve par les actes.

Monsieur le Président vous avez évoqué la circulaire sur le recadrage du financement des territoires à énergie positive, le gel des dotations et d’autres points encore.

L’État ne peut pas demander un jour à des élus et à des acteurs locaux de proposer des projets et de s’engager, puis, le lendemain, leur tirer le tapis sous les pieds sans une vraie concertation. L’État doit crédibiliser sa parole envers les territoires et cela nécessite donc dialogue et respect !

Le Sénat souhaite contribuer à réinstaurer de la confiance et du respect dans les relations entre l’État et les collectivités territoriales. C’est l’intérêt supérieur de notre pays et les réformes nécessaires pour notre pays ne peuvent se faire sans ou contre les collectivités territoriales.

Le Sénat renforcera ses liens avec les élus locaux qui sont les vigies de notre République. C’est essentiel pour maintenir un bon équilibre entre démocratie territoriale et démocratie parlementaire, dans le contexte du non cumul des mandats.

Il nous faut ainsi imaginer un nouveau mode de relation qui soit tout aussi solide, peut-être même encore plus fort qu’auparavant. Nous devons donc innover et nous le ferons :

* Nous avons mis en place une mission d’assistance juridique que les élus locaux peuvent saisir au travers des sénateurs ;
* La mission de suivi des lois de réformes territoriales que nous avons créée sera maintenue : elle sera force d’évaluation et de propositions en tenant compte des expérimentations que vous menez ;
* Le Sénat consultera davantage les élus locaux sur des sujets très concrets, notamment en matière de simplification des normes mais pas que cela.

Le Sénat sera toujours la maison des collectivités territoriales, tout comme celle des libertés individuelles et collectives, c’est « l’équilibre des pouvoirs », nous sommes l’une des deux chambres et de plein exercice du Parlement. Il est votre maison, celle qui est attentive aux initiatives des territoires, comme ce matin.

Je vous souhaite une excellente conférence !