INTERVENTION DU PRÉSIDENT DU SÉNAT
DISCOURS D’OUVERTURE DU COLLOQUE
40ÈME ANNIVERSAIRE DU CENTRE INFFO
SALLE CLEMENCEAU – 21 NOVEMBRE 2016


Madame la Ministre,
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,

C’est un très grand plaisir pour moi de fêter avec vous, dans cette salle Clemenceau, les 40 ans du Centre Inffo. Les anniversaires ont ceci de positif qu’ils sont non seulement l’occasion de se retrouver et de partager un moment ensemble comme vous le faites, aujourd’hui, avec ce colloque, mais ils sont aussi un moment collectif de réflexion, voire d’introspection.

Plaisir pour moi d’ouvrir ce colloque, avec Mme Myriam El Khomri, car lorsque j’étais ministre du travail auprès de M. Jean-Louis Borloo, je me suis évidemment passionné pour la formation professionnelle. Si tout commence par l’éducation, par la formation initiale, il va sans dire que la formation professionnelle continue est à la fois nécessaire pour les salariés, et plus généralement l’ensemble des travailleurs : c’est la fameuse deuxième chance ou tout simplement l’actualisation des compétences dans un monde qui change vite. Elle est aussi la condition d’une économie compétitive. Nous savons que notre économie doit monter en gamme. Elle a besoin pour cela d’une main d’œuvre compétente et bien formée.

Tel était d’ailleurs le sens des propositions que j’avais faites à la demande du Président de la République début 2012 sur ce sujet de la formation professionnelle. Son titre était éloquent : «  la formation professionnelle, clé pour la compétitivité et l’emploi ». Il s’agissait avant tout pour moi de donner davantage de liberté aux acteurs et de partir davantage du terrain.

Je crois, en effet, beaucoup, Mesdames et Messieurs, à cette notion qui nous vient de l’Union européenne, celle de l’investissement social. Les dépenses sociales sont bien sûr une charge qu’il faut financer et il ne s’agit pas d’alourdir à l’excès le coût du travail. Mais elles ne sont pas que cela. Elles sont aussi facteur d’investissement et d’enrichissement de ce que vous me permettrez d’appeler le capital humain.

Si ma mémoire ne me trompe pas, je suis même venu dans les locaux de Centre Inffo à l’occasion du lancement du portail Internet qui, au fil des années, est devenu le portail Orientation pour tous, consulté par plus de 5 millions d’internautes chaque année.
Je sais donc combien votre association joue un rôle central à la fois en matière d’information et de facilitation des échanges entre tous les acteurs de la formation.

Association disais-je, mais une association qui est un opérateur du Service public. Centre Inffo est d’abord un opérateur de l’État, en lien naturellement avec les partenaires sociaux et les régions : donc avec l’ensemble des acteurs de la formation professionnelle.
C’est d’ailleurs une des raisons de votre succès, cette synergie que vous organisez entre tous les acteurs. L’autre raison, c’est qu’on a besoin d’une boussole pour se guider dans le maquis, le dédale, le labyrinthe de la formation professionnelle.

(C’est pourquoi), je rêve presque d’un monde où l’on n’aurait pas besoin de Centre Inffo !!! Voici venu, si vous me le permettez, le moment de réflexion et d’introspection que j’évoquais au début de mon propos !

Bien sûr, la formation professionnelle ne sera sans doute jamais un jardin à la française. Mais il est clair que nous arrivons à la fin d’un processus où nous avons, tous, complexifié, rigidifié notre appareil de formation.

Loin de moi l’idée d’opposer les uns aux autres. Mais nous avons trop connu de réformes de la formation qui finalement n’ont pas changé grand-chose. Nous savons tous aussi combien il est difficile de déplacer les curseurs et de bouger les positions acquises, pour ne pas dire les intérêts de certains. Nous savons aussi combien il est difficile de faire avancer du même pas État, partenaires sociaux et régions.

Je n’ai pas la prétention, cet après-midi, de vous dire ce qu’il faut ou faudrait faire. La formation est un marché ; il y a une offre et une demande de formation.  La question centrale est, par conséquent, de faire en sorte que cette offre de formation réponde bien aux besoins des salariés et de l’économie. Nous en sommes encore malheureusement assez loin !

Et nous savons que l’on ne peut pas se contenter de dire que tout va bien ou que tout va aller mieux.

Première constatation : l’équilibre entre l’État et les régions en matière d’emploi donc de formation des demandeurs d’emploi n’est pas optimum. Si nous avons fait des progrès, nous ne sommes pas encore très bons pour la formation des demandeurs d’emploi. C’est pourquoi je pense que le statu quo n’est pas tenable.

Il faut, donc,  se poser la question du rôle et de la place de Pôle emploi qui reste beaucoup trop centralisé. Une évolution est indispensable, et cela quelle qu’en soit la forme : une décentralisation au profit des régions, ou une vraie déconcentration de Pôle emploi, ou encore une mise sous tension avec un recours plus important à des opérateurs privés.

Deuxième constat : le paritarisme de gestion de la formation professionnelle ne se porte guère mieux. Je ne fais pas partie de ceux qui dénoncent le mauvais usage des 30 milliards de la formation. Je sais bien que la part gérée par les partenaires sociaux est bien inférieure.

Pour autant, peut-on être satisfait des performances de notre système d’OPCA, OPACIF, de FONGECIF ? Je ne le crois pas. Il est légitime de se poser la question de la valeur ajoutée du paritarisme, ou plus exactement de ne pas hésiter à réformer celui-ci et à bousculer quelques positions... trop acquises… Là comme ailleurs, il y a quelques féodalités ! Mais seul l’intérêt général doit nous guider !

Troisième observation : comment, de façon plus générale, ne pas voir les tensions qui traversent notre système de formation ? Il doit faire face à un mouvement de fond, celui de la personnalisation des droits à la formation par le compte personnel de formation et le compte personnel d’activité. Or cette individualisation doit se concilier avec un mode de gestion qui reste très collectif. Il faudra bien en tirer les conséquences.

Voilà, Mesdames et Messieurs, quelques réflexions que je voulais partager avec vous en vous souhaitant un excellente après-midi de travail.

Encore une fois, meilleurs vœux pour ce quarantième anniversaire, qui est aussi celui de votre directeur Julien Nizri. Vive le temps de la maturité !

Je vous remercie.